Rimbaud, Cahiers de Douai.
« Les Effarés »
Explication linéaire
L’étude porte sur le poème entier
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond
À genoux, cinq petits, — misère ! —
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,
Quand ce trou chaud souffle la vie ;
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre,
— Qu’ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas, — comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
— Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
— Et que leur lange blanc tremblotte
Au vent d’hiver…
Introduction
Accroche
• Le premier poème de Rimbaud, le plus ancien s’appelle, « Les Étrennes des orphelins ». Le registre pathétique domine :
— Et là, — c’est comme un nid sans plumes, sans chaleur,
Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ;
Un nid que doit avoir glacé la bise amère…
• Influencé par la poésie romantique, il s’inspire notamment de Victor Hugo, qui dénonce la misère des enfants dans « Melancholia » (Les Contemplations).
• Mais la méthode d’écriture de Rimbaud s’affine, notamment tout au long des Cahiers de Douai confiés à Paul Demeny en 1870. Notre poème « Les Effarés », où le thème des enfants pauvres est revisité, illustre bien cette évolution…
• Dans la Lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871, Rimbaud donne au poète un rôle important, prométhéen : ses visions lui permettent de protéger les humains et même les animaux…
Donc le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ;
Situation
• Ce poème « Les Effarés » est justement une vision, où les enfants, représentés comme de petits animaux, (de petits chats ?) regardent le boulanger fabriquer son pain.
• Les jeux de contraste, et les procédés d’immersion nous invitent à l’empathie.
• Les perceptions réconfortantes sont comme une parenthèse merveilleuse, bientôt refermée.
• La scène prend alors une dimension symbolique et universelle, la faim ne sera pas rassasiée.
Problématique
Comment cette contemplation poétique d’un pain chaud, mêlant le chant, le merveilleux et la réalité, devient une allégorie de l’injustice et de la misère ?
Mouvements pour un commentaire linéaire
Notre texte est organisé comme une intrigue qui ne sera jamais résolue :
1) D’abord la mise en place progressive et immersive d’un tableau qui nous invite à l’empathie avec les enfants.
2) Ensuite la contemplation de la fabrication du pain correspond à un moment d’espoir et de promesse de générosité.
3) Le moment longuement attendu est une récompense pour les sens, mais la faim ne sera pas rassasiée
4) Le retour à la réalité est d’autant plus cruel que la misère et la faim persistent.
Axes de lecture pour un commentaire composé
I. Un poème qui invite à l'empathie
1) Une immersion progressive
2) Une attente sans fin
3) Misère et empathie
II. Le rêve rattrapé par le réalité
1) Jeux de contrastes
2) Des perceptions réconfortantes ?
3) Un merveilleux déçu
III. Une misère universelle
1) Une scène symbolique
2) Du chant à la prière
3) Une faim jamais rassasiée
Premier mouvement :
Proximité et empathie avec les enfants
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond
À genoux, cinq petits, — misère ! —
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Comment ce tableau est-il mis en place ?
• Effet de contraste « Noirs » dans la « neige » blanche.
• Évolution de l’image : la « brume » vient brouiller le tableau, la lumière du « soupirail qui s’allume » vient nous le rendre visible.
• Le verbe « s’allumer » est au présent d’énonciation : c’est une action soudaine qui coïncide avec notre regard.
• Le verbe « regarder » nous place en situation de spectateur observant des spectateurs.
⇨ Hypotypose : description saisissante et animée.
Comment l’effet d’immersion est-il produit ?
• Accumulation de CC de lieu et de manière.
• La préposition « dans » (x2) nous plonge dans l’atmosphère.
• Le mot « soupirail » est évocateur. Situé au niveau du sol, les petits « à genoux » sont obligés de se baisser.
⇨ Le lecteur est progressivement plongé dans le tableau.
Comment cette immersion est-elle accompagnée de suspense ?
• Les deux tercets ne sont qu’une seule longue phrase.
• Le sujet de la phrase n’apparaît que dans le quatrième vers « cinq petits » : effet d’attente.
• Ce sujet est séparé de son verbe « regardent » par une interjection et un enjambement.
• Ce qui rassemble ces enfants, « le lourd pain blond » n’arrive qu’à la fin du deuxième tercet.
⇨ Les informations importantes sont retardées.
En quoi cette atmosphère dépasse-t-elle le simple récit réaliste ?
• Le verbe pronominal « s’allume » semble donner une vie à ce soupirail, un être vivant fantastique qui s’éveille.
• L’adjectif « grand » s’oppose à la taille des « petits » au pluriel.
• On entend le verbe « soupirer » : le soupirail est comme une grande bouche qui respire ou qui pourrait les avaler.
⇨ Le poème est réaliste, mais il emprunte au conte et au récit fantastique.
Comment la faim est-elle évoquée ?
• On devine tout de suite que c’est la faim qui réunit ces petits.
• L’image utilisée « leurs culs en rond » évoque des animaux (des chatons par exemple) allaités par leur mère.
• Leur nombre évoque d’ailleurs une portée « cinq petits » : on ne peut pas tout de suite savoir si ce sont des humains.
• L’évolution des couleurs met en valeur le « lourd pain blond ».
• L’adjectif « lourd » prépare d’ailleurs l’image du sein qui viendra plus tard.
⇨ Ces enfants sont implicitement comparés à des nourrissons.
Comment la misère entraîne-t-elle l’empathie ?
• L’interjection « misère » avec le point d’exclamation fait surgir la voix du poète qui assiste au tableau avec le lecteur.
• Ce mot « misère » renvoie tout de suite aux Misérables de Victor Hugo, célèbre dès sa parution en 1862.
• La faim de ces enfants n’est pas satisfaite, ils se contentent de « regarder ».
⇨ Le pain est un spectacle qui ne les rassasie pas.
Comment le pain devient-il le centre de l’attention de tous ?
• Le « soupirail qui s’allume » évoque déjà le « four » où le pain sera cuit, seule lumière dans le « noir ».
• Le pain évoque le goût : perceptions présentes.
• Pour la vue : le « regard » des enfants, la « blondeur du pain ».
• Pour le toucher : le poids du pain « lourd ».
• Pas de parfum ni de sons : les points de suspension ménagent un moment de silence. les perceptions évoluent.
⇨ Ce pain prend progressivement une valeur symbolique.
Comment ce pain prend-il une dimension symbolique ?
• Le verbe « regarder » construit une subordonnée infinitive (mode intemporel et impersonnel) : le boulanger fait le pain. Vérité générale, une image d’épinal.
• L’article défini insiste sur cette dimension symbolique du pain.
• Personnifié par l’adjectif « blond », cela rappelle que chez les chrétiens, le pain (corps du Christ) est salvateur.
• Le manque de pain est un élément déclencheur de la Révolution française.
• Le titre « les effarés » commence aussi par un article défini pluriel, faisant de ces enfants un véritable symbole.
⇨ Le poème n’est pas une simple situation réelle, il faudra le lire en restant attentif à sa dimension symbolique.
Deuxième mouvement :
Une promesse de bien-être ?
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.
Quelle est la cohérence de ce passage ?
• Chaque tercet commence par le même sujet « Ils ».
• Trois actions différentes : « Ils voient … Ils écoutent … ils sont blottis ».
• Donc d’abord deux perceptions, puis un verbe d’état.
⇨ Les perceptions conduisent à un certain bien-être.
En quoi ces perceptions sont-elles réconfortantes ?
• Les couleurs évoluent du « blanc » au « gris » des couleurs « claires » au « rouge » des braises du four.
• Le grésillement du pain qu’ils « écoutent » est mêlé au « vieil air » chanté par le boulanger.
• Le goût « le bon pain » laisse entendre que cette bonté a aussi quelque chose de moral.
• La « chaleur » du soupirail évoque aussi un certain bien-être.
⇨ Les perceptions participent à un tableau esthétique agréable.
Comment cette scène est-elle esthétisée ?
• Les images sont animées, avec les enjambements successifs qui illustrent le déplacement du pain du pétrin au four.
• La musicalité des rythmes : deux octosyllabes, un tétrasyllabe, nous font entendre une véritable chanson.
• Les alexandrins cachés sont coupés en 3x4 « le boulanger // au gras sourire // chante un vieil air »
• Cela accentue le rythme ternaire des trois vers.
• Assonances très harmonieuses en OU « tourne … enfourne … trou … boulanger … sourire … bouge … souffle … rouge ».
⇨ La musicalité insiste sur une beauté poétique.
En quoi cette scène construit une attente ?
• l’évolution chronologique nous présente chaque étape de fabrication du pain. Le verbe « tourne » rime avec « enfourne ».
• La conjonction de coordination « et » est chronologique.
• Mais la phrase courte « ils écoutent le bon pain cuire » marque un moment de pause.
• La négation « pas un ne bouge » renforce l’effet d’attente.
• Le « trou clair » redouble l’image du « soupirail » : mise en abyme du spectacle auquel le lecteur assiste.
⇨ Le lecteur partage l’attente des enfants.
Peut-on déceler une générosité en filigrane ?
• Le « gras sourire » du boulanger en fait un personnage positif, mais on devine qu’il ne travaille pas gratuitement.
• Son « vieil air » le rapproche du rôle du poète qui réconforte les âmes avec ses vers.
• La préposition « Au souffle » est contractée comme pour insister sur la proximité de ce soupirail.
• Le soupirail comparé à un « sein » semble déjà prodiguer chaleur et nourriture.
⇨ Cette générosité n’est pourtant pas accomplie.
Troisième mouvement :
Un moment longuement attendu
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,
Quand ce trou chaud souffle la vie ;
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre,
— Qu’ils sont là, tous,
En quoi ce mouvement représente un moment crucial ?
• La préposition « quand » revient trois fois en début de tercet : ce mouvement présente un moment crucial.
• Le CC de temps indique que ce moment dure peu « pendant que minuit sonne ».
• La sonnerie des douze coups de minuit donne une musicalité particulière à ce passage.
• Ces quatre tercets rassemblent d’ailleurs 12 vers.
• Mais la phrase très longue ne se termine pas avec le tercet.
⇨ Moment d’accomplissement qui ne résout pas l’attente.
Comment le suspense se poursuit-il ?
• L’action qui produit l’instant magique « on sort le pain » est retardée au troisième vers.
• Les trois subordonnées circonstancielles de temps font attendre le verbe « ils ont leur âme si ravie … »
• Arrivent alors deux corrélatives de conséquences qui retardent encore l’action principale : « si ravie … si bien vivre … »
• Le dernier vers « qu’ils sont là » est assez décevant : ce n’est qu’un verbe d’état qui ne change rien à la situation initiale.
⇨ Le moment magique où le pain sort enchante les enfants mais ne change pas la réalité.
Un moment de conte de fée ?
• Le moment choisi « pendant que minuit sonne » est un lieu commun des contes de fée.
• Mais c’est aussi le moment où la magie cesse dans Cendrillon par exemple.
• Le pronom indéfini « On sort le pain » éloigne la figure du boulanger, ce n’est pas le magicien attendu.
⇨ Le genre merveilleux reste imaginaire.
En quoi ce pain participe au registre merveilleux ?
• Le pain n’est pas décrit de façon réaliste : « façonné et jaune » il ressemble plutôt à un bijou en or.
• Midas est le roi qui meurt de faim parce qu’il acquiert le pouvoir de transformer tout ce qu’il touche en or.
• Le pain est aussi « pétillant » plutôt comme du champagne, les bulles représentent une ivresse, mais aussi le vide.
⇨ Ces indices nous laissent deviner que ce pain leur semble magique justement parce qu’il est inatteignable.
Comment le registre merveilleux est-il encadré par le réel ?
• Deux CC de lieu sont introduits par « sous » qui laisse entendre une réalité supérieure qui recouvre tout ça.
• D’abord « Sous les poutres enfumées » : ce qui permet à la boulangerie est un bois mort et noir.
• Ensuite « sous leurs haillons » : ce qui leur permet de ne pas mourir de froid, ce sont des vêtements usés.
⇨ Entre les deux se trouve un moment euphorique de chant et de chaleur. C’est un véritable chiasme (structure en miroir).
Ce registre merveilleux vous semble-t-il exagéré ?
• Les « croûtes parfumées » sont personnifiées, ce sont elles désormais qui chantent.
• Elles deviennent même des « grillons » : par proximité sonore (paronomase) avec le verbe « griller ».
• Le chant des grillons ressemble au craquement du pain : allitérations en R : « poutres … croûtes … parfumées … grillons ».
• Les « grillons » se font entendre en été.
⇨ Le froid de l’hiver semble avoir été mis entre parenthèse par le parfum et le son du pain.
Perceptions euphoriques
• Le parfum et le son ont pris progressivement de l’ampleur à travers le poème.
• Le « pétillement » est à la fois sonore et visuel.
• Le « chant » des croutes se diffuse en même temps que leur « parfum ».
• Les deux adjectifs « parfumées » et « enfumées » riment, la fumée semble rendre visible et palpable le parfum du pain.
En quoi ce moment constitue-t-il un symbole de vie ?
• Le « soupirail » qui normalement fait entrer l’air dans une pièce devient au contraire un « trou chaud » qui « souffle la vie ».
• L’article défini « la vie » en fait une notion philosophique ou spirituelle.
• Le mot « vie » revient avec le verbe « vivre » c’est un polyptote (retour d’un mot sous une autre forme grammaticale.
Quelles sont les allusions à la naissance ou la renaissance ?
• Le pain qui sort du four est aussitôt personnifié.
• L’adjectif « pétillant » peut d’ailleurs aussi concerner une qualité morale.
• Le préfixe « ils se ressentent si bien vivre » donne à ces petits comme une nouvelle vie qu’ils avaient perdue dans l’hiver.
⇨ Ce moment associé à la vie est aussi un retour au réel.
Comment s’opère le retour à la réalité dans ce mouvement ?
• La rime « vivre / givre » est cruelle.
• L’insistance « pleins de » entre en contraste avec les intensifs « si ravie … si bien vivre ».
• La présence du poète « pauvres petits » met en place un registre pathétique.
• Le mouvement se termine avec un adverbe « là » attribut du sujet « ils » qui les ancre dans le réel.
• L’adverbe « là » est un déictique (il renvoie à la situation d’énonciation) comme si le poète nous les montrait du doigt.
⇨ On devine que le dernier mouvement du poème sera déceptif.
Quatrième mouvement :
Un retour cruel à la réalité
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas, — comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
— Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
— Et que leur lange blanc tremblotte
Au vent d’hiver…
Comment sont représentés les petits en cette fin de poème ?
• Les petits sont d’abord présents à travers une partie de leur corps « leurs petits museaux roses » c’est la seule chose qu’on voit d’eux à travers les grilles du soupirail.
• Les prépositions insistent sur cette image de l’intérieur de la boulangerie « au grillage … entre les trous ».
• Deux possessifs « leurs » : d’abord de face « leur museau », ensuite de dos « leur culotte ».
⇨ Notre regard a tourné et revient à son point de départ.
Comment la supplication est-elle illustrée ?
• C’est un moment qui dure longtemps avec les participes présents : « collant … chantant ».
• Le mot « chant » arrive une 3e fois : d’abord chant du boulanger, ensuite chant du pain, maintenant chant des enfants.
• Le lien d’opposition « Mais bien bas » rend cette supplication discrète.
⇨ La supplication est mélodieuse mais difficile à entendre.
Comment pouvons nous deviner ce qu’ils chantent ?
• Le pantonyme « des choses » (mot volontairement imprécis) vide le chant de son contenu..
• Les points de suspension « comme une prière » nous invitent à deviner le contenu des paroles de ce chant.
• La comparaison « comme une prière » déploie la polysémie du mot : la prière religieuse laisse place à la prière profane, la demande, la mendicité.
⇨ Cette supplication prend une dimension quasiment religieuse.
Que signifie cette dimension religieuse ?
• La situation fait penser à un confessionnal : des mots prononcés à travers un grillage.
• La « lumière » du soupirail au sol est pourtant un « ciel rouvert ». Leur âme est comme aspirée par ce trou.
• Le préfixe itératif « rouvert » donne l’impression que leur âme est rappelée à Dieu à travers ce trou.
• Le verbe « ils crèvent » est finalement transitif : « leur culotte » mais laisse entendre qu’ils sont proches de la mort.
⇨ Un retour au paradis après avoir fait un tour en enfer ?
En quoi la réalité de ces enfants est-elle pire que l’enfer ?
• Le « grillage » met les enfants derrière des barreaux.
• Ce ne sont d’ailleurs pas des grillages ouvragés mais épais, puisqu’ils doivent en chercher « les trous ».
• Le « trou clair » devenu « trou chaud » est maintenant au pluriel. Divisé, rapetissé, il éloigne les petits de ce pain désiré.
• Les couleurs redeviennent froides : le « rose » des museaux laisse place à la fin au « blanc » du lange.
⇨ Tous les détails de cette situation en font ressortir la cruauté.
Quels traits cruels comportent cette fin de poème ?
• Le poète nous invite à l’empathie, mais sans donner de marques d’empathie, il préfère utiliser les contrastes.
• La chaleur du pain laisse place au « vent d’hiver » avec les allitérations en V qui nous font entendre ce vent.
• La rime masculine « rouvert … hiver » répond cruellement à la rime féminine « prière … lumière ».
• Le diminutif « tremblotte » laisse au contraire deviner un vent continu au mouvement rapide.
⇨ Les jeux de contrastes font ressortir l’injustice.
Comment le poème insiste-t-il sur l’innocence des enfants ?
• L’image du confessionnal fait ressortir l’innocence des enfants qui n’ont rien à confesser, et tout à demander.
• Le « lange blanc » symbolise leur pureté. Le « lange » est pour un nourrisson. On entend le mot « ange ».
• Le terme « museaux » est plutôt adapté à des animaux. On retrouve l’image des petits chats du début.
⇨ L’innocence de ces enfants nous renvoie au début du poème.
Comment est produit cet effet de boucle ?
• Le décor « l’hiver » et la couleur « blanche » renvoient à la « neige » du premier tercet.
• Le détail final sur le linge de la « culotte » renvoie à la première image du poème des « culs en rond ».
• Ce cercle « en rond » illustre le parcours de ce poème.
⇨ Pour ces enfants, la journée commence le ventre vide, après un supplice qui ressemble à celui de Tantale aux Enfers.
Conclusion
Bilan
• Dans ce poème, Rimbaud nous invite à l’empathie, mais sans insister sur le registre pathétique. La misère est dépeinte à travers des images indirectes et des effets de contraste.
• On retrouve même d’autres registres qui dépassent le réel : le chant, le merveilleux, accompagnent des perceptions réconfortantes, qui agissent comme une promesse de bien-être.
• Mais le rêve est sans cesse rattrapé par la réalité, avec une certaine cruauté. Le poème forme une boucle et un symbole, celui d’une misère perpétuelle et d’une faim jamais rassasiée.
Ouverture
Dans Le Ventre de Paris (1873) on retrouve des gamins de Paris. Par exemple Léon, l’apprenti, participe à la fabrication du boudin.
Comme Quenu avait retiré la marmite du feu, ils apparaissaient tous deux, lui et Léon, l’enfant, d’un profil mince, lui, d’une face large, dans l’ardente lueur du brasier, qui chauffait leurs visages pâles et leurs vêtements blancs d’un ton rose.
Jean-François Millet, Paysanne enfournant son pain, 1854.
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