Couverture pour Les registres ou tonalités littéraires

Le registre fantastique
Une hésitation ?



Horreur, angoisse (frayeur sans objet précis ?)... Inquiétante étrangeté, hésitation métaphysique... Quelle est l'émotion propre au registre fantastique ?

La définition que Todorov donne du fantastique est géniale, parce qu'elle croise émotion et rapport au réel : est-ce qu'on ressent plutôt un émerveillement, un doute inquiétant, ou une angoisse ?

On se pose alors la question : est-ce que le phénomène est naturel ou surnaturel ? Si le phénomène est expliqué, on tombe dans le merveilleux, ou la science-fiction. Si le phénomène s'avère inexplicable, alors on entre dans l'étrange.

« Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. »
Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, 1970.

Dans la nouvelle de Théophile Gautier, quand Théodore retrouve une cafetière brisée au pied de son lit, il se demande si ce sont les restes de la jeune fille avec laquelle il a dansé toute la nuit. L'hésitation fantastique est bien là.

Dans Le Horla, le narrateur est progressivement convaincu de l'existence de la créature, mais le lecteur peut le croire fou. Encore une hésitation fantastique.

Dans La Peau de Chagrin et Le portrait de Dorian Gray, la dimension surnaturelle des artefacts est hautement symbolique : l'hésitation se reporte sur un questionnement philosophique.

Aujourd'hui, le fantastique, l'étrange et l'horreur se mêlent pour prendre des formes inédites. Que nous disent-elles de l'évolution de nos angoisses ?


Ary Scheffer, Lénore, Les morts vont vite, vers 1840.