Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1832.
Acte III, scène 3 « Je t’aime, Rosette ! »
Explication linéaire
Extrait étudié
PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde, tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule, tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton coeur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. (Il lui pose sa chaîne sur le cou.)
ROSETTE
Vous me donnez votre chaîne d’or ?
PERDICAN
Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage ; regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille.
CAMILLE, à part.
Il a jeté ma bague dans l’eau !
PERDICAN
Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ? on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ?
Introduction
Accroche
• Le drame romantique prend le devant de la scène en 1830 avec Hernani, la pièce de Victor Hugo.
• Le héros romantique est « une force qui va » bientôt rattrapé et dépassé par ses aspirations : idéal de liberté, désir de vengeance, amour absolu…
• D’autres dramaturges développent ce genre théâtral : Alexandre Dumas père, Alfred de Musset, Alfred de Vigny…
Situation
• Dans notre pièce, Perdican rejeté par Camille, par dépit amoureux et par orgueil, décide de la rendre jalouse.
• Il fait une fausse déclaration d’amour à une jeune paysanne, Rosette, et s’arrange pour que Camille y assiste.
• Cette scène est un tournant dans la pièce : le double discours que Perdican adresse à Camille contient déjà en germe la fin tragique.
Problématique
Comment ce stratagème amoureux, marqué par un double discours et un subtil jeu de regard, annonce déjà que la situation va échapper aux personnages ?
Mouvements du commentaire linéaire
Les trois répliques de Perdican structurent le passage, avec la réaction de Rosette puis celle de Camille :
1) D’abord, nous assistons à une fausse déclaration d’amour, stratagème très théâtral, qui surprend Rosette.
2) Ensuite, la scène prend une dimension symbolique : en essayant de rendre Camille jalouse, le badinage amoureux devient inquiétant.
3) Enfin, Perdican multiplie indirectement les reproches à Camille, mais il ne réalise pas que la situation lui échappe déjà.
Axes pour un commentaire composé
I. Un stratagème inspiré par le dépit
1) Un stratagème théâtral
2) Une fausse déclaration d'amour
3) Un badinage dangereux
II. Un discours adressé à Camille
1) Un jeu de regards complexe
2) Des reproches indirects
3) Un discours sur l'amour
III. Des effets de sens réservés aux spectateurs
1) Une fin tragique inéluctable
2) Une scène symbolique
3) Des messages réservés au spectateur
Premier mouvement :
Une déclaration d’amour stratagème
PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde, tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule, tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton coeur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. (Il lui pose sa chaîne sur le cou.)
ROSETTE
Vous me donnez votre chaîne d’or ?
Un stratagème très théâtral
• Didascalie « à haute voix » indique le jeu d’acteur exagéré : la déclaration est dite de manière peu naturelle.
• CC de manière « de manière que Camille l’entende » : Perdican prend le rôle d’un metteur en scène.
• Subjonctif « entende » souligne le jeu de double énonciation, mise en abyme : Camille est devenue la spectatrice.
• La tirade de Perdican est une longue phrase : il domine le dialogue. À la fois metteur en scène et dramaturge.
⇨ Nous allons aussi percevoir ce stratagème dans son jeu d’acteur.
Une déclaration d’amour exagérée
• Déclaration d’amour sans détour « Je t’aime, Rosette ! » Topos littéraire qu’il aborde sans précaution.
• L’apostrophe et l’exclamation « Rosette ! » il surjoue l’adresse qu’il ne fait pas à Camille. Le mensonge est un masque théâtral.
• La deuxième personne est très présente : objet « je t’aime » puis sujet « tu n’as rien oublié ». Il insiste sur le fait que c’est à elle qu’il adresse la déclaration.
⇨ Cette déclaration d’amour est faite pour rendre Camille jalouse.
Reproches indirects à Camille
• Anaphore rhétorique (répétition en tête de vers) « toi seule » il répond indirectement à Camille :
Je ne suis pas assez jeune pour m’amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé. [...] Les souvenirs d’enfance ne sont pas de mon goût. Acte I, scène 3 • Litote « tu n’as rien oublié » (la double négation renforce le propos) est repris à la forme affirmative « tu te souviens ».
• L’adjectif « nouvelle » sous-entend une renaissance, le fait qu’il tourne une page.
⇨ Perdican va évoquer des souvenirs de leur vie passée, leur enfance, pour mieux séduire Rosette.
Perdican utilise le sentiment de nostalgie
• Première personne du pluriel ambigu « nos beaux jours » fait donc aussi allusion à l’enfance partagée avec Camille.
• Connotation positive de l’adjectif « beaux jours passés » : souvenir idéalisé de leur enfance.
• La valeur implicite du participe passé « passés » : les événements passés ont une conséquence sur le présent. Perdican rappelle ainsi son lien d’affection.
• Négation partielle qui exprime la nostalgie « la vie qui n’est plus ».
⇨ Cette enfance semble mettre de côté la présence de Camille, et la différence de classe sociale.
Un échange inégal
• L’échange se traduit par 2 impératifs « prends ta part … donne moi ».
• Il la tutoie « donne-moi » elle le vouvoie « Vous me donnez ».
• Multiplication des possessifs « ta part … ma vie … ton cœur ».
• Il lui demande son « cœur » mais ne lui donne qu’une « part » de sa vie. Cela annonce la fin tragique, le cœur brisé de Rosette.
• Il emploie des termes affectueux « chère enfant » (hypocoristique).
• Ce qu’il donne « votre chaîne d’or » n’est pas une bague, ni même un collier, mais une « chaîne » : symboliquement contraignant.
⇨ Cette relation inégalitaire fait de Perdican un personnage manipulateur.
Il fait voir à Rosette la possibilité de leur couple.
• Les deux personnes à la forme tonique « toi » et « moi » deviennent ensuite « notre amour ».
• Le présentatif « voilà » accompagne le geste qui présente la chaîne.
• La didascalie précise qu’il lui met lui-même la « chaîne sur le cou ». Il prend l’initiative du geste.
• La question de Rosette « vous me donnez votre chaîne d’or ? » peut même laisser entendre qu’elle n’a pas eu le temps de la voir.
• L’interrogation en suppose donc d’autres : pourquoi ce présent ?
⇨ On va en effet mieux comprendre les motifs de ce choix dans la réplique suivante de Perdican.
Deuxième mouvement :
Un jeu de regard aux sens variés
PERDICAN
Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage ; regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille.
Perdican metteur en scène
• Les impératifs évoluent : Perdican oriente leur regard, et même leurs gestes « Regarde … Lève-toi … approchons-nous ».
• Les étapes sont organisées avec le CC de temps « à présent » et la conjonction « et » : c’est un véritable spectacle pour Rosette.
• Avec les démonstratifs « cette bague … cette fontaine » Perdican montre les décors et les accessoires.
• Le couple est présent à travers la première personne du pluriel « approchons-nous … nous vois-tu ».
⇨ Perdican organise la scène pour Rosette, mais aussi pour Camille, cachée, en position de spectatrice.
Un jeu de regards complexe
• Nombreux verbes associés à la vue « regarder, voir, distinguer ».
• Deux questions impliquent Rosette « Nous vois-tu … Vois-tu » ? Questions rhétoriques : elle voit aussi bien que lui. En fait, cela permet indirectement d’impliquer Camille.
• Le verbe « regarder » organise le spectacle. Anaphore rhétorique en tête de phrase.
• Jeu complexe car les regards sont à la fois en reflet et croisés « vois-tu tes yeux ».
⇨ Camille entend seulement le discours de Perdican, qui veut la rendre jalouse, en représentant son couple avec Rosette.
Représenter un couple qui se forme
• Le CC de lieu « dans la source » semble les plonger tous deux dans un même bain.
• Perdican fait un véritable tableau du couple en jouant avec les possessifs « tes yeux … les miens » puis « sa main … la mienne ».
• Les prépositions créent un effet de rapprochement « près des miens » devient tout de suite « dans la mienne ».
• Les mains annoncent un mariage (demander la main de quelqu’un).
• Le tableau est repris par le pronom totalisant « tout cela ».
⇨ C’est alors un véritable coup de théâtre : tout ce qu’il vient de décrire disparaît d’un coup.
Un véritable coup de théâtre
• La didascalie « Il jette sa bague dans l’eau » intervient juste après son annonce, avec un temps de retard : il ménage ses effets.
• Les deux verbes disent la même action « effacer … disparaître ».
• À partir de là, il s’agit de regarder ce qui « a disparu » (le passé composé pour une action passée qui a une conséquence présente).
• La phrase longue commence et se termine par le verbe « regarder » à l’impératif « regarde ! » (épanadiplose).
⇨ Comme Camille, le spectateur est obligé de suivre le discours de Perdican en aveugle.
Perdican raconte ce qu’il voit en temps réel
• Le plus-que-parfait « s’était troublée » met au premier plan tout ce qui est décrit ensuite en temps réel.
• Les verbes sont en effet au présent d’énonciation (ils se déroulent au moment où il parle) : « revient … reprend … tremblent … courent … reparaissons … distingue ».
• Les préfixes « revient … reprend … reparaissons » nous font attendre la réapparition du tableau.
⇨ Perdican prend son temps et ménage ses effets.
Une réapparition progressive et lente
• La première personne « je distingue » et l’incise « patience » obligent le spectateur à suivre cette longue description sans action.
• Les CC et adverbes temporels « peu à peu … encore … de nouveau … encore une minute » prolongent la scène longuement.
• La phrase est particulièrement longue avec de nombreuses virgules et points virgules qui produisent des pauses à l’oral.
• Les sonorités « troublée … tremble » (paronomase) crée un effet d’écho qui imite l’onde de choc.
⇨ Le spectacle du jeu acteurs est remplacé par la parole, qui donne à voir une image poétique, qui a une dimension symbolique.
Une scène symbolique et prophétique ?
• Le futur de l’indicatif « il n’y aura plus » qui a un aspect prophétique.
• La voix pronominale « s’effacer » semble mettre de côté l’action de Perdican qui est pourtant celui qui provoque la disparition du couple.
• La fontaine est un véritable miroir « à sa surface » : superficiel.
• Ce qui « re-paraît » n’est donc qu’une « image », une apparence…
• Les « grands cercles noirs » évoquent peut-être la mort, d’autant qu’ils regardent dans une fontaine (pas au fond d’un puits sombre !)
⇨ L’image de Perdican prend un sens qui lui échappe, c’est l’ironie tragique (annonce le destin fatal des personnages à leur insu).
Une scène ambivalente
• Le tableau du début réapparaît, mais différent. On ne voit plus les « yeux ». Il mentionne les « bras enlacés » puis « ton joli visage ».
• L’adjectif « beaux » est d’ailleurs remplacé par un adjectif plus infantilisant « joli visage ».
• La négation « plus une ride » évoque une vie éternelle qui ressemble paradoxalement à une mort survenue en pleine jeunesse…
• L’imparfait « c’était » insiste sur l’aspect révolu de cette action passée : pour Rosette, c’est une déclaration d’amour.
⇨ Mais pour Camille qui assiste à la scène, c’est une provocation.
Un geste qui est davantage adressé à Camille qu’à Rosette
• La « bague » représente des fiançailles passées,
• Le plus-que-parfait « que m’avait donnée » revient sur un moment très précis et émouvant de leur enfance commune.
• La syntaxe retarde le prénom de « Camille » le plus possible, jusqu’à la fin de la tirade.
⇨ Camille devine que Perdican a tout organisé par dépit.
Il a lu ma lettre, cela est certain ; sa scène du bois est une vengeance,
comme son amour pour Rosette. Il a voulu me prouver qu’il en aimait une autre que moi, et jouer l’indifférent malgré son dépit. (Acte III scène 6)
Troisième mouvement :
Un discours sur l’amour d’une grande duplicité
CAMILLE, à part.
Il a jeté ma bague dans l’eau !
PERDICAN
Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ? on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ?
La réaction de Camille nous rappelle sa présence
• La didascalie « à part » précise que personne ne l’entend sur scène : la réplique est destinée aux spectateurs.
• La forme exclamative souligne la surprise, peut-être aussi l’indignation de Camille.
• Le pronom possessif « ma bague » rappelle que c’est un cadeau qu’elle lui a fait.
• Le CC de lieu « dans l’eau » elle vient seulement de comprendre ce qui a troublé l’eau.
⇨ Et en effet, tout le reste de la réplique de Perdican est un double discours à l’attention de Camille.
Une question qui introduit la réplique de Perdican
• La question « sais-tu ce que c’est que l’amour » est une structure clivée, qui met en valeur avec un présentatif « ce que l’amour est ».
• La question est fermée, Rosette peut répondre par oui ou par non, mais au fond, la question de la définition de l’amour reste ouverte.
• La question est à priori rhétorique : Rosette, encore jeune et naïve, ne sait pas ce que c’est que l’amour.
• Cela permet à Perdican d’introduire sa déclaration d’amour, qui est au cœur de sa réplique : « Je t’aime ».
⇨ Il va enseigner à Rosette qu’elle sait déjà ce que c’est que l’amour.
L’amour est la voix de la Nature
• L’impératif « Écoute » : il lui demande de l’écouter, lui, mais aussi la voix de la Nature « le vent se tait ».
• Il s’adresse à Rosette, il l’apostrophe avec son prénom « Rosette ».
• Le diminutif « Rosette » en fait une petite rosée.
• Perdican commence par évoquer ces gouttes de rosée « la pluie du matin roule en perles ».
• L’amour est cette métaphore du « soleil » qui « ranime » les feuilles.
⇨ Rosette, paysanne proche de la Nature, comprend mieux l’amour que Camille qui écoute.
Mais la métaphore est plus complexe
• La rosée n’est que la pluie du « matin » : elle disparaît, « séchée » par le « soleil ». En fait, cet amour pourrait bien être néfaste à Rosette.
• La métaphore met en scène plusieurs personnages : le « vent » qui se contente d’écouter, le « soleil » qui réchauffe, la feuille qui est séchée et ranimée.
⇨ Cette métaphore ne donne pas vraiment le beau rôle à Rosette qui risque en effet de disparaître sous l’effet de cet amour.
Perdican oppose implicitement Rosette et Camille
• L’assertion « tu veux bien de moi » fait allusion au rejet de Camille.
• La question rhétorique « n’est-ce pas ? » insiste sur le fait que Rosette aura les qualités qu’il faut pour ne pas le rejeter.
• Rosette est capable de ressentir un amour authentique : sa jeunesse n’a pas été « flétrie » par les déceptions. Son sang est « vermeil ».
• Plusieurs mots partagent le même radical « ta jeunesse, jeune et belle, jeune homme » (polyptote).
⇨ Perdican a une vision rousseauiste : la bonté naturelle de Rosette n’a pas été pervertie par la civilisation et les institutions religieuses.
Une critique indirecte des institutions religieuses
• Perdican reprend le soleil comme un CC de moyen « par le soleil », mais il l’associe à « par la lumière du ciel ».
• Au ciel de Camille qui veut se « faire religieuse », Perdican oppose un « ciel » sans dieu, un « soleil » qui est pour lui l’amour véritable.
• Ce verbe « vouloir » encadre ce discours « tu veux bien de moi » renvoie directement à « tu ne veux pas te faire religieuse ».
• Le pronom indéfini « on » représente les religieuses qui ont dissuadé Camille de vivre un amour terrestre.
⇨ Cette critique des religieuses passe par plusieurs métaphores.
Des métaphores satiriques
• Le verbe « flétrir ta jeunesse » est une métaphore : Rosette est une rose encore pleine de vie, contrairement à Camille.
• L’image est développée « on n’a pas infiltré … les restes d’un sang affadi ». C’est une épanorthose (reformuler pour préciser une idée).
• C’est une métaphore : le « sang affadi » est celui des nonnes, qui ont vécu de nombreuses déceptions.
• Dans une scène précédente, Perdican s’indigne en effet du discours des religieuses qui ont mis Camille en garde contre l’amour.
Elles qui s’assoient près de toi [...] pour verser dans ton oreille leur vieillesse flétrie, elles qui [...] font sentir à ton sang vermeil la fraîcheur de leurs tombes ; sais-tu qui elles sont ? Acte II, scène 5
La même question change de sens à la fin de la réplique
• La même question revient à la fin (épanadiplose) mais c’est en réalité une structure qui revient régulièrement tout au long de la pièce, notamment dans la scène 5 de l’acte II « Savez-vous ce que c’est que les cloîtres, Perdican ? — Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille ? »
• Rosette sait-elle mieux que Camille ce qu’est l’amour ? C’est bien ce que Perdican voudrait prouver.
⇨ Et pourtant, en faisant cela, il trompe Rosette, prouvant bien qu’elle ne sait pas reconnaître tout le mal qu’on peut faire par amour.
Conclusion
Bilan
Dans cette scène, nous assistons à un stratagème très théâtral, où Perdican est à la fois dramaturge, metteur en scène, acteur. Son discours amoureux, indirectement adressé à Camille, révèle bientôt un badinage inégal et dangereux. Ce jeu de regards complexe met en place pour ainsi dire une triple énonciation qui laisse déjà entrevoir au spectateur la fin tragique de la pièce.
Ouverture
Nathalie Sarraute dans Le Mensonge, retourne la situation : c’est la dénonciation d’un mensonge anodin, qui alimente les pires soupçons, mettant en péril la cohésion d’un groupe d’amis :
JACQUES : On se demande toujours avec vous... Vous me faites tellement l'effet d'une machine à détecter le mensonge... Nathalie Sarraute, Le Mensonge, 1967
Couple discutant près d'une fontaine dans les bois.
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