Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1834. III.8 « Ô insensés que nous sommes ! »
(explication linéaire)
Extrait étudié
PERDICAN
Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l'autre ? Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve : pourquoi encore y mêler les nôtres ? ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d'ici-bas ! Tu nous l'avais donné, pêcheur céleste, tu l'avais tiré pour nous des profondeurs de l'abîme, cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l'un vers l'autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés ! nous nous aimons.
Il la prend dans ses bras.
CAMILLE
Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton coeur. Ce Dieu qui nous regarde ne s'en offensera pas ; il veut bien que je t'aime ; il y a quinze ans qu'il le sait.
PERDICAN
Chère créature, tu es à moi !
Il l'embrasse ; on entend un grand cri derrière l'autel.
CAMILLE
C'est la voix de ma sœur de lait.
PERDICAN
Comment est-elle ici ? Je l'avais laissée dans l'escalier, lorsque tu m'as fait rappeler. Il faut donc qu'elle m'ait suivi sans que je m'en sois aperçu.
CAMILLE
Entrons dans cette galerie ; c'est là qu'on a crié.
PERDICAN
Je ne sais ce que j'éprouve ; il me semblé que mes mains sont couvertes de sang.
CAMILLE
La pauvre enfant nous a sans doute épiés ; elle s'est encore évanouie ; viens, portons-lui secours ; hélas tout cela est cruel.
PERDICAN
Non, en vérité, je n'entrerai pas ; je sens un froid mortel qui me paralyse. Vas-y, Camille, et tâche de la ramener.
Camille sort.
Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un meurtrier ! Vous voyez ce qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais notre cœur est pur ; ne tuez pas Rosette, Dieu juste ! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute ; elle est jeune, elle sera riche, elle sera heureuse ; ne faites pas cela, à Dieu ! vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh bien ! Camille, qu'y a-t-il ?
Camille rentre.
CAMILLE
Elle est morte. Adieu, Perdican !
Introduction
Accroche
• Comédie ? Tragédie ? Drame ? Le lecteur du Théâtre dans un fauteuil de Musset est tenu en haleine jusqu’au bout !
• Paru dans La Revue des Deux Mondes en 1834, ce « proverbe » inspiré par sa liaison et sa rupture avec George Sand a tout pour intriguer…
• Sous l’apparence légère d’une comédie bourgeoise où l’on « badine » comme chez Molière et Marivaux, le jeune auteur a disposé un mécanisme habile qui mène deux jeunes fiancés Camille et Perdican, vers une fin inattendue.
Situation
• Après la scène de confrontation de l’acte II, 5 Camille et Perdican, chacun piqué dans son orgueil par les manœuvres de l’autre se livrent à un jeu cruel, en manipulant Rosette.
• Pourtant, chacun est de plus en plus troublé, ce qui amène Camille à se réfugier dans un oratoire pour en appeler à Dieu.
• Dans cette scène finale d’On ne badine pas avec l’Amour, la porte est ouverte sur deux issues possibles : heureuse ou tragique.
• Le dénouement doit nous livrer le sens du proverbe inventé par Musset, et qui donne le titre de la pièce…
Problématique
Comment ce dénouement inattendu révèle-t-il que les jeux du cœur et de la parole, dépassant le simple badinage, ne pouvaient que mener à une issue tragique ?
Mouvements de l'explication linéaire
Notre passage est structuré par les didascalies qui orchestrent les gestes et déplacements des personnages.
1) Une fin heureuse ?
2) Un rebondissement imprévu.
3) Une issue tragique.
Axes de lecture pour un commentaire composé
I. La possibilité d'un dénouement heureux
1) La sincérité du cœur enfin exprimée
2) Des regrets et des signes de repentance
3) Une conciliation des deux conceptions de l'amour
II. Une fin tragique sans cesse interrogée
1) Le pressentiment de forces contraires
2) Des regrets qui persistent
3) Des héros à la fois coupables et innocents
III. Une fin brutale qui offre un sens symbolique très riche
1) Une fin brutale comme un couperet
2) La fin de l'amour sublime
3) La fin de l'innocence
Premier mouvement :
Une fin heureuse ?
PERDICAN
Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l'autre ? Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve : pourquoi encore y mêler les nôtres ? ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d'ici-bas ! Tu nous l'avais donné, pêcheur céleste, tu l'avais tiré pour nous des profondeurs de l'abîme, cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l'un vers l'autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés ! nous nous aimons.
Il la prend dans ses bras.
CAMILLE
Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton coeur. Ce Dieu qui nous regarde ne s'en offensera pas ; il veut bien que je t'aime ; il y a quinze ans qu'il le sait.
PERDICAN
Chère créature, tu es à moi !
Il l'embrasse.
Des sentiments authentiques enfin exprimés
• Le lieu « l'oratoire » garantit la sincérité des personnages : Dieu lui-même est spectateur de la scène pour ainsi dire !
• La deuxième personne du singulier « tu » désigne d'ailleurs Dieu lui-même, que Perdican interpelle : « Ô mon dieu ».
• Pour la première fois, Perdican emploie la 1ère personne du pluriel : « nous nous aimons ».
• Les phrases exclamatives trahissent l'émotion de Perdican : « Insensés que nous sommes… Hélas !… il a bien fallu »
• Les interrogatives successives renforcent ces émotions : « Quelles vaines paroles / Lequel / Pourquoi… ? ».
• L’exclamation du début « Insensés que nous sommes ! » forme une boucle avec la fin « Ô insensés, nous nous aimons ».
⇨ Perdican a enfin abandonné le masque de l'orgueil. Qu'en est-il de Camille ?
Camille voit dans son amour la volonté de Dieu
• Camille évoque Dieu à la 3e personne : c'est un revirement de situation : après s’être crue abandonnée par Dieu, elle le voit compatissant : « il veut bien ».
• Camille réalise que son amour était déjà là depuis l'enfance : « il y a quinze ans qu’il le sait. » Ce que Dieu savait, elle vient seulement de le réaliser.
• Cette indication temporelle est importante parce que Camille estime que l'amour doit être éternel.
⇨ Les deux amoureux ont trouvé, chacun à sa manière, un cheminement vers un amour authentique. Cela laisse présager un dénouement heureux.
La réunion de l’amour divin et humain
• Musset critique l'Église mais il croit en un Dieu accessible directement par le cœur, dans ce lieu symbolique.
• Perdican emploie une superbe métaphore où Dieu est un « pêcheur céleste » offrant l’amour à sa « chère créature » (Camille). Perdican accepte enfin cette forme d’amour divin.
• Camille quant à elle, accepte l’amour humain double négation (litote) « Ce Dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas ».
⇨ Dans cette union de l’amour humain et divin réside une forme de sublime auxquels ils aspirent finalement tous les deux : on s’aperçoit qu’ils désirent la même chose … depuis le début.
Les signes d'un dénouement heureux
• Pendant sa longue tirade, Perdican se rapproche de Camille jusqu’à la didascalie « Il la prend dans ses bras », nous laissant espérer une fin heureuse.
• Camille reprend la première personne à l’unisson « Oui, nous nous aimons ».
• Les gestes et sensations « sentir sur ton cœur » confirment qu’ils sont bien unis par l’authenticité du « cœur ».
• Les didascalies guident l'extrait : « Il l’embrasse » est l’heureuse conclusion d’une comédie où tout a commencé par le refus d’un baiser.
⇨ Ce dénouement heureux a cependant une dimension amère : il est teinté de regrets.
La variété des temps employés évoque le regret
• Le passé composé « avons-nous fait, ont passé, a voulu » rappelle les erreurs commises
• Le plus-que-parfait et la parataxe « Tu nous l’avais donné…, tu l’avais tiré » évoque ce que Dieu avait donné.
• Le conditionnel (ici irréel du passé) évoque ce qui n'a pas pu se produire : « cette route (..) qui nous aurait conduits à toi dans un baiser. »
⇨ C'est déjà une métaphore dynamique « une route ». Perdican utilise des images très belles.
Des regrets exprimés par des images puissantes
• Dans une première métaphore, le bonheur est une « perle » rare perdue dans un « océan », une « abîme » : Dieu est un « pêcheur » capable de trouver et de confier cette perle.
• La métaphore du paradis renforcée d'adverbes intensifs « pente si douce … buissons si fleuris … si tranquille horizon » évoque l’innocence perdue.
• Une antithèse oppose ce que Dieu a donné : « perle … joyau », à ce qu’en ont fait Perdican et Camille, un « jouet ».
• La métaphore des « rochers informes » rappelle la description du monde « phoques difformes » (II-5).
⇨ Après cette tirade, on peut se demander si tous les obstacles ont bien été surmontés…
Évocation inquiétante de force contraires
• Les interrogations « quelles vaines paroles… quelles misérables folies… Lequel a voulu tromper l’autre ? »
• La forme impersonnelle « il a bien fallu » répétée deux fois.
• Le champ lexical de l’illusion de la folie : « insensés… songes… vaines… folies… tromper… rêve » évoque ces forces contraires.
• Par intertextualité, on pense à La Vie est un Songe de Calderon « cette vie est elle-même un si pénible rêve ».
• La métaphore du « vent funeste » représente même la mort.
• On peut aussi penser à Shakespeare : « Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves… » (dans La Tempête).
• Les passions sont personnifiées : « orgueil, vanité, bavardage » ont « jeté » les obstacles sur leur route.
• Perdican et Camille, éduqués par des fantoches sont des « enfants gâtés » déresponsabilisés.
• Pour Musset, la faiblesse est aussi une partie intégrante de la condition humaine : « nous sommes des hommes ».
⇨ Des ombres planent encore sur ce dénouement. Avec ces jeux de contrastes violents Musset prépare une chute brutale.
Deuxième mouvement :
Un rebondissement imprévu
On entend un grand cri derrière l'autel. CAMILLE
C'est la voix de ma sœur de lait.
PERDICAN
Comment est-elle ici ? Je l'avais laissée dans l'escalier, lorsque tu m'as fait rappeler. Il faut donc qu'elle m'ait suivi sans que je m'en sois aperçu.
CAMILLE
Entrons dans cette galerie ; c'est là qu'on a crié.
PERDICAN
Je ne sais ce que j'éprouve ; il me semble que mes mains sont couvertes de sang.
CAMILLE
La pauvre enfant nous a sans doute épiés ; elle s'est encore évanouie ; viens, portons-lui secours ; hélas tout cela est cruel.
PERDICAN
Non, en vérité, je n'entrerai pas ; je sens un froid mortel qui me paralyse. Vas-y, Camille, et tâche de la ramener.
Camille sort.
Un basculement soudain
• Le basculement s'opère entre les deux didascalies « Il l'embrasse. On entend un grand cri derrière l'autel ».
• Basculement brutal par parataxe (absence de subordination) : fin heureuse et fin tragique sont comme l’envers l’une de l’autre.
• Le cri, troisième voix hors-champ, qui n'est même pas une parole, rappelle tout ce que l'intrigue a laissé d'irrésolu.
• Après ce cri, les exclamations lyriques laissent lace à des asyndètes (proposition juxtaposées, sans coordination) qui traduisent une brusque tension.
⇨ Ce deuxième mouvement nous rappelle tout ce qui est resté irrésolu autour de l'action principale.
Ce cri fait en effet ressurgir toutes les erreurs passées
• Camille rappelle qu'il s'agit bien de sa « sœur de lait » qu'elle connaît donc depuis l'enfance « la pauvre enfant ».
• Perdican prend conscience de sa désinvolture « je l’avais laissée dans l’escalier … sans que je m’en sois aperçu »
• Le jeu de Camille est aussi rappelé par l'adverbe : « encore évanouie », responsable de son premier évanouissement (III-6).
⇨ Cette scène est la troisième où un personnage est caché : les conséquences se trouvent à chaque fois aggravées.
Les deux personnages sont à nouveau séparés
• Dès que le cri retentit, les personnages sont séparés par des réactions psychologiques opposées.
• Camille émet une hypothèse rassurante : Rosette ne serait qu’évanouie. Mais elle utilise l'indicatif « elle s'est évanouie » au lieu du conditionnel, comme pour conjurer le sort.
• Camille s’appuie sur des faits avec les présentatifs : « C’est la voix de... C’est de là qu’on a crié » pour diriger son action.
• Elle utilise alors des impératifs : « Entrons dans la galerie », « portons-lui secours » et agit : « Camille sort ».
• À l'opposé l'hypothèse de Perdican est inquiétante « il faut qu'elle m'ait suivi sans que je m'en sois aperçu. » Il utilise le subjonctif car pour le moment tout cela est irréel.
⇨ Musset multiplie les signes inquiétants en retardant le dénouement fatal. Dans un premier temps, il laisse son lecteur / spectateur avec Perdican aux sombres pressentiments.
Le pressentiment funeste de Perdican
• La forme impersonnelle induit que le véritable sujet des actions serait la fatalité : « il faut donc ».
• Les modalisations créent un effet de pressentiment diffus : « je ne sais ce que j’éprouve … il me semble que ».
• L'intuition est davantage une sensation qu'une analyse de la situation « je sens un froid mortel »
• Perdican est envahi par une vision « il me semble que mes mains sont couvertes de sang ».
• L'allitération (retour de sons consonnes) en M rendent cette image pratiquement palpable.
• L’intertextualité désigne Lady Macbeth dans la pièce de Shakespeare (reine meurtrière obsédée par la vision de ses mains sanglantes).
⇨ La pièce a une dimension symbolique : ce monde de faux-semblants met en échec les aspirations sublimes en balayant toute innocence.
Vers un dénouement tragique symboliquement riche
• Le personnage de Rosette est évoqué avec le champ lexical de l’innocence : « sœur de lait … pauvre enfant ».
• Sa mort, comme dans la tragédie classique, a lieu hors-scène.
• Perdican mobilise le champ lexical de la mort : « funeste, sang, froid mortel qui me paralyse ».
• Avec une certaine lâcheté, Perdican demande à Camille d’agir (impératif) « Vas-y... ».
• Les mouvements sont symboliques: quand Camille sort de la scène leur séparation est irrémédiable.
⇨ La séparation des deux amants est mise en parallèle avec la révélation d'un dénouement tragique.
Troisième mouvement :
Une fatalité tragique ?
PERDICAN
Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un meurtrier ! Vous voyez ce qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais notre cœur est pur ; ne tuez pas Rosette, Dieu juste ! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute ; elle est jeune, elle sera riche, elle sera heureuse ; ne faites pas cela, à Dieu ! vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh bien ! Camille, qu'y a-t-il ?
Camille rentre.
CAMILLE
Elle est morte. Adieu, Perdican !
La supplication de Perdican est une prière
• Perdican s’adresse à Dieu par deux exclamatives puis deux apostrophes : « Dieu juste ! … Ô Dieu ».
• Le tutoiement « tu nous l'avais donnée » laisse place au vouvoiement « je vous en supplie » : Perdican abandonne sa posture de dandy libertin pour supplier Dieu comme un enfant
• La prière de Perdican est lyrique (il exprime sa douleur de manière musicale) « ne faites pas de moi un meurtrier ».
• L'impératif est celui de la prière : « Ne faites pas … ne tuez pas … Ne faites pas cela ».
⇨ Dans cette prière Dieu est un peu le dramaturge qui écrit le destin des personnages, choisissant un dénouement tragique pour mieux servir son propos.
Perdican est-il le jouet de forces qui le dépassent ?
• Le sujet du verbe « faire » est « Dieu » : Perdican devient meurtrier par la volonté de Dieu, il ne reconnaît pas son rôle.
• Le sujet du verbe « tuer » est également « Dieu ».
• Perdican reprend les arguments précédents avec les participes passés « deux enfants insensés » qui ne réalisent pas la gravité de leurs actes : « nous avons joué avec la vie et la mort ».
• Le dernier argument est l’authenticité du cœur, avec le verbe d'état au présent d'énonciation : « notre cœur est pur ».
⇨ Ce dénouement est sublime et produit un sentiment tragique parce que les personnages sont à la fois innocents et coupables.
Un cheminement vers la repentance ?
• Perdican envisage sa culpabilité : « ma faute » pour suggérer un dénouement heureux « je lui trouverai un mari ».
• Le champ lexical du crime domine : « meurtrier, mort, ne tuez pas » préparant l’issue tragique.
• Perdican réclame une intervention divine, qui serait « juste » au théâtre, c'est ce qu'on appelle un deus ex machina.
• Dans la religion chrétienne, la repentance est une étape vers la rédemption. Mais celle-ci peut-elle intervenir sur terre ?
⇨ Jusqu'au bout, Musset laisse son spectateur espérer un miracle.
La possibilité d'un dénouement heureux ?
• Le futur est démultiplié, d'abord à la première personne « je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute » C'est le futur de la promesse.
• Ensuite ce futur simple est à la troisième personne « elle sera riche, elle sera heureuse ». Il prend alors une valeur prédictive (fausse certitude).
⇨ Jusqu’au bout Perdican reste un héros romantique sensible et imaginatif, qui croit pouvoir mettre en scène son destin…
Une fin qui se réalise avant les mots
• L'interjection « Eh bien Camille, qu’y-a-t-il ? » marque un changement de ton et un retour à la réalité.
• L'imagination du lecteur est mobilisée : le visage de Camille qui « rentre » à cet instant est probablement éloquent.
• L’interrogation ouverte « qu'y a-t-il » très brève, est une forme très originale de question rhétorique, dont on n'ose même attendre une réponse…
⇨ Cette fin extraordinaire est très habilement préparée par Musset qui ménage des effets puissants.
Une fin comme un couperet
• La dernière réplique de Camille — et de la pièce — est particulièrement brève : trois mots d’une syllabe tombent sèchement (épitrochasme) : « Elle est morte».
• Le passé composé indique que tout est achevé (l'action a des conséquences sur le présent).
• En pareil cas, on attendrait un euphémisme convenu (elle n'est plus, elle nous a quitté, elle a rendu son dernier souffle, etc.)
⇨ L'annonce de cette mort remet évidemment tout le reste en question.
Une fin qui détruit toute possibilité d'amour
• Le dernier mot « Adieu, Perdican ! » phrase nominale, intervient comme une conséquence directe de la phrase précédente.
• La succession de ces deux phrases courtes accentue l'effet tragique. Cet Adieu est une conséquence directe de la mort de Rosette.
• « Adieu » on entend « À Dieu » : ils ne se reverront que dans l'au-delà.
• Enfin, au moment où Camille prononce « Perdican », elle revient sur le serment d'amour qu'elle croyait pourtant éternel.
⇨ Le titre de la pièce est enfin élucidé : il ne s’agissait pas d’un simple avertissement mais bien d’une vérité universelle et amère : ni l'amour sublime ni la pureté de l'innocence ne peuvent trouver leur place dans un monde corrompu.
Conclusion
Bilan
• Musset prouve sa parfaite connaissance et maîtrise du théâtre : deux coups de théâtre successifs : heureux et malheureux, s’enchaînent avec rapidité.
• Perdican proposer jusque dans sa dernière réplique une fin de comédie : quatre « enfants » heureux, tandis qu’un mécanisme implacable a déjà tué Rosette en coulisse.
• Le sens du proverbe se dévoile : exprimer la vérité du cœur est difficile car s’y mêle la crainte de souffrir, mais les jeux de parole ont des conséquences tragiques.
• Un faux serment fait à la légère est comme une « flèche empoisonnée » (Camille III-6) qui atteint finalement Rosette symbole d'un amour innocent.
Ouvertures possibles
• Perdican apparaît comme une figure du héros romantique, habité par la vision d’un amour sublime dans lequel il recherche une unité perdue, porté par une langue lyrique, mais voué à la solitude et à la désillusion. C’est le portrait d’une génération que fait Musset dans La Confession d’un Enfant du Siècle.
• La fin de la pièce reste un modèle célèbre, mais on trouve dans une autre pièce de Musset Les Caprices de Marianne, créée la même année, une issue aussi frappante, quand Octave répond à Marianne qui l’interroge :
— Octave, pourquoi dis-tu : adieu l’Amour ?
— Je ne vous aime pas Marianne ; c’est Coelio qui vous aimait.
• Cette fin brève, désespérée et élégante reste la marque des comédies de Musset : il joue avec les attentes du spectateur mais s’éloigne des outrances du drame romantique, où l’on meurt — longuement — sur scène !
• À la mort physique des amants dont le modèle reste Roméo et Juliette (1597) de Shakespeare, il préfère la mort symbolique de l’Amour idéal qu’on ne peut qu’entrevoir et jamais posséder.
Image artificielle, Rosette sans vie, 2024.
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