Musset, On ne badine pas avec l'amour - 12 points pour comprendre le contexte
Pour comprendre et apprécier cette œuvre de Musset, voici douze éléments de contexte révélateurs. Car Musset souvent qualifié d' « enfant terrible du romantisme » serait-il incompris ? Rimbaud notamment le critique sévèrement !
Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de visions que sa paresse d'âme a insultées ! Ô les contes et les poèmes fadasses ! Lettre de Rimbaud à Paul Demeny, 15 mai 1871
Alors Musset est-il vraiment exécrable et fadasse ? Commençons par examiner ces idées reçues !
1) Un « anti-portrait » de Musset
Musset agace ses successeurs ! Mais son importance est réelle : jusqu’en 1850, lorsqu’on dit « Le Poète », il s’agit de lui ! Pourquoi ? Parce qu'il a profondément rénové la plupart des topoï du Romantisme (ses lieux communs, ses stéréotypes).
On reproche à Musset d'être en quelque sort un poète « officiel », notamment parce qu'il intègre l'Académie Française en 1852. Et pourtant, c'est un jeune homme qui a la même fulgurance que Rimbaud ! Il a 17 ans quand il intègre le « Cénacle romantique » créé par Hugo dès 1827.
Ensuite, Musset écrit ses plus grandes œuvres avant l'âge de trente ans. Du théâtre avec Lorenzaccio, On ne Badine pas avec l’Amour, Les Caprices de Marianne… Des romans comme La Confession d’un Enfant du Siècle. De la poésie avec Les Nuits…
C'est un poète qui écrit à l'inspiration c'est vrai, mais il est nourri d’une solide culture classique : il a lu tout Corneille, Racine, Molière, Marivaux. Il connaît parfaitement Rousseau (que son père a édité) et les œuvres inspiratrices du romantisme : Shakespeare par exemple.
Cela va nous intéresser, parce que dans On ne Badine pas avec l'amour, l’intertextualité (des références à d'autres œuvres) est importante… Notamment parce qu'il joue constamment avec les codes et les registres de la comédie, du drame, de la tragédie...
Avec sa Confession d'un enfant du siècle, il incarne le poète atteint du « Mal du siècle ». Son mal-être authentique alimente son lyrisme, dans lequel se reconnaît toute une génération.
2) Le Mal du Siècle
Musset utilise donc cette expression « Mal du Siècle » en 1836 dans son roman autobiographique La Confession d’un enfant du Siècle… Pour désigner une forme de mélancolie propre à sa génération. Voici le passage le plus célèbre :
Trois éléments partageaient [...] la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur [les] ruines [...] de l’absolutisme ; devant eux [...] les premières clartés de l’avenir. [...] Entre ces deux mondes… [...] le présent, l’esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n’est ni la nuit ni le jour. Alfred de Musset, La Confession d'un enfant du siècle, 1836.
Mais ce mal vient de plus loin si l'on peut dire ! Dès 1802, Chateaubriand désigne par l’expression « vague des passions » une mélancolie profonde qui deviendra une caractéristique majeure du Romantisme.
L’imagination est riche, abondante et merveilleuse ; l’existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite avec un cœur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout. Chateaubriand, Le Génie du Christianisme, « Du vague des Passions », 1802.
Mais dans sa Confession d’un Enfant du Siècle, Musset théorise ce « mal-être ». Il en donne d'abord une explication historique : après l’effondrement des idéaux de la Révolution puis de l'Empire, la jeunesse de 1830 n’a plus de combats à mener.
Ce malaise est accentué par une sensibilité exacerbée où la tentation du matérialisme et de la débauche s'oppose aux aspirations élevées d'un amour idéal. Or on retrouve justement ce conflit dans On ne badine pas avec l'amour :
PERDICAN
Tu as dix-huit ans, et tu ne crois pas à l’amour !
CAMILLE
Y croyez-vous, vous qui parlez ? [...] Vous avez pleuré des larmes de joie et des larmes de désespoir ; mais [...] vous souriez quand on vous parle de femmes désolées ; vous ne croyez pas qu’on puisse mourir d’amour, vous qui vivez et qui avez aimé.
Baudelaire donne enfin une troisième expression à ce « Mal du Siècle » dans Les Fleurs du Mal, il l'appelle « spleen »… Mal plus radical, à la fois physique et psychique :
— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. Baudelaire, Les fleurs du Mal, 1856. Spleen IV.
Musset et Baudelaire partagent cette recherche d'une beauté riche en contrastes, qui dépasse même les questions morales. Par leur désinvolture et leur souci d'élégance, ils incarnent tous deux la figure de dandy du début du XIXe siècle en France.
3) La figure du dandy
Ce terme anglais apparait à la fin du XVIIIe désigne d’abord une mode vestimentaire adoptée vers 1820 par les jeunes Romantiques. Il désigne l’écrivain élégant, désinvolte et habillé de noir, qui méprise les valeurs bourgeoises. Musset, puis Baudelaire et d’autres en seront les représentants en France.
Ce vêtement noir que portent les hommes de notre temps est un symbole terrible (…). C’est la raison humaine qui a renversé toutes nos illusions, mais elle en porte elle-même le deuil, afin qu’on la console. Alfred de Musset, Confession d’un Enfant du Siècle, 1834.
Les personnages de « dandys » peuplent la littérature du XIXème siècle : voués au suicide comme le héros de Chatterton de Vigny ou simplement désillusionnés comme Eugène de Rastignac dans la Comédie Humaine de Balzac.
Ainsi Perdican, par ses réponses désinvoltes à Camille qui aimerait au contraire qu'il lui garantisse un amour éternel… puis par son jeu cruel avec Rosette, renvoie à ce personnage de libertin et de dandy. Ces déchirements amoureux sont aussi inspirés par la relation tumultueuse que Musset a entretenue avec George Sand.
4) Le couple emblématique Sand / Musset
Musset le dandy, George Sand la femme affranchie. Tous deux ont en commun l’anti-conformisme : Musset est un poète brillant et libertin. George Sand a quitté son mari, multiplie les amants et sort en costume d’homme sous un nom masculin, son vrai nom étant Aurore Dupin.
Ils se rencontrent en juillet 1833 au cours d’un dîner. C’est le début d’une correspondance et d’une passion de deux ans (1833-1835) qui sera à la source de On ne badine pas avec l’Amour, ainsi que du roman La Confession d’un Enfant du Siècle.
Lors de leur voyage à Venise, Musset tombe malade, George Sand le trompe avec son médecin, Pagello. Elle prend la décision de rompre et lui propose de rester ami. Musset, habituellement railleur et désinvolte, est dévasté.
Cette expérience de la souffrance amoureuse s'épanche dans son écriture. Au moment où paraît On ne badine pas avec l’Amour, il écrit à George Sand :
Je t’aime, ô ma chair et mon sang ! Je meurs d’amour, d’un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré, perdu ! Tu es aimée, idolâtrée jusqu’à en mourir. Musset, Correspondance, 1834.
Cette pièce en porte les traces. C'est une phrase écrite par George Sand en mai 1834 qui termine l’acte II de la scène 5 :
C’est moi qui ai vécu, et non un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.
Le terme de « badinage » du titre de la pièce, a donc un sens beaucoup plus profond que celui qu'on rencontre traditionnellement dans la comédie !
5) Qu’est-ce que « badiner » ?
Le badinage est un héritier de la galanterie du XVIIème siècle, un langage détourné et codifié, que Molière pastiche d'ailleurs dans Les Précieuses Ridicules. Si la préciosité met en valeur des sentiments sophistiqués, le badinage quant à lui, met à distance les sentiments.
Plus tard, au XVIIIe siècle, le théâtre de Marivaux donne naissance au terme « marivaudage » : langage léger où l'amour apparaît sous forme d'allusions. Le marivaudage est une forme particulièrement raffinée de badinage.
Ainsi badiner, c’est s’amuser, jouer avec les mots… Mais le nom « badine » désigne aussi une courte cravache. Voilà qui éclaire tout particulièrement le dialogue de la scène 5 de l'Acte II, qui tourne au persiflage. Chez Musset, ce jeu éloigne davantage les amants qu'il ne les rapproche.
Voilà pourquoi le titre de notre pièce est aussi ambivalent : certes, le badinage est une approche légère et désinvolte de l’amour, mais l'amour reste une affaire sérieuse, voire même, une valeur sacrée. Voilà le sens de la négation totale « on ne badine pas avec l'amour » qui redouble la gravité du présent de vérité générale, propre aux maximes et aux proverbes.
6) Un proverbe dramatique
Le « proverbe dramatique » est un genre bref en vogue dans les salons, dès le XVIIe siècle. Il s’agit d’un jeu mondain où l'on improvise de courtes comédies pour faire deviner un proverbe.
Mais l’originalité d’On ne badine pas avec l’Amour, c'est qu’il ne s’agit pas d’un proverbe existant ! Il est inventé par Musset, qui l'adresse à son lecteur / spectateur, inclus dans le pronom indéfini « on ». C'est aussi un proverbe programmatique, qui nous laisse entendre un dénouement malheureux…
Musset adopte donc ce genre pour le détourner et lui donner une nouvelle profondeur dramatique, par la complexité des personnages, la fantaisie et le mélange des tons… Il reprendra par la suite d'authentiques proverbes : Il ne faut jurer de rien en 1836, Une porte doit être ouverte ou fermée en 1845.
Mais ce n'est pas tout ce qui fait l'originalité du théâtre de Musset : la profondeur provient aussi du fait que ce théâtre n'est pas conçu pour être mis en scène, mais pour s'adresser à notre imagination de lecteur. Musset appelle cela le « Théâtre dans un fauteuil. »
7) Un « Théâtre dans un Fauteuil »
1830, l’année du succès d’Hernani de Victor Hugo, Musset présente sur scène La Nuit Vénitienne… mais la pièce est sifflée ! Vexé, il décide de s’affranchir des contraintes de la mise en scène (qu’il appelle « la Ménagerie » ) et des genres les plus populaires.
À cette époque, le théâtre à lire existe déjà et paraît dans la presse. En 1825, Mérimée publie Le Théâtre de Clara Gazul : de brefs drames qui s’inspirent du théâtre espagnol et du roman noir gothique.
En 1832, Musset publie donc Un Spectacle dans un fauteuil, poésie, qui rassemble un poème dramatique, une comédie, et un conte oriental, le tout en vers. En guise d'introduction, un sonnet au ton ironique s’adresse « Au lecteur » :
Mon livre, ami lecteur, t’offre une chance égale.
Il te coûte à peu près ce que coûte une stalle ;
Ouvre-le sans colère et lis-le d’un bon œil. Musset, Spectacle dans un fauteuil, 1832.
Cet « oeil » de spectateur se contente donc de lire : il s'agit bien d'une mise en scène « mentale ». Avec son « Théâtre dans un Fauteuil », Musset invente une formule paradoxale puisque theatron en grec signifie « lieu où l’on voit ».
En 1834, Musset écrit cette fois-ci Un Spectacle dans un fauteuil, prose et c'est dans ce recueil que se trouvent ses pièces les plus célèbres : Lorenzaccio, chef d’œuvre du drame romantique, On ne Badine pas avec l’Amour et Les Caprices de Marianne.
Musset lui-même considère ce théâtre comme une expérience. En avant-propos, il écrit :
Voilà ce que j’avais à dire au public avant de lui donner ce livre, qui est plutôt une étude, ou, si vous voulez, une fantaisie, malgré tout ce que ce dernier mot a de prétentieux. Qu’on ne me juge pas trop sévèrement : j’essaye. Musset, Spectacle dans un fauteuil, 1832.
Ce théâtre n’est pas facile à mettre en scène. On ne Badine pas avec l’Amour ne sera jouée qu’en 1861, on lui retranche d'ailleurs de nombreux passages qui attaquent la religion.
Un procédé particulier permet enfin à Musset de donner à son lecteur des indications pour sa mise en scène mentale. Il s'agit du chœur, qu'il emprunte au théâtre antique.
8) Le chœur
Musset s'approprie le chœur du théâtre grec. À l'origine, le théâtre est associé aux Grandes Dionysies, fêtes dédiées au Dieu du vin. L'arrivée de Blazius, comparé par le Chœur à une amphore antique, renvoie à cette origine du théâtre.
Au début de la pièce, ce Chœur présente les personnages, commente l’action, puis s’efface en annonçant le drame :
LE CHOEUR
Il se passe assurément quelque chose d’étrange au château ; Camille a refusé d’épouser Perdican ; elle doit retourner aujourd’hui au couvent dont elle est venue. Mais je crois que le seigneur son cousin s’est consolé avec Rosette. Hélas ! la pauvre fille ne sait pas quel danger elle court en écoutant les discours d’un [...] galant seigneur.
Le chœur apparaît aussi dans le théâtre romantique allemand de Goethe et Schiller ou encore dans l’opéra comique, genre très populaire à l'époque, qui alterne dialogue et chant… Le chœur permet de créer une ambiance pittoresque, en mettant en scène des villageois, des bergers, des chasseurs, etc.
C'est justement le cas dans notre pièce : le chœur incarne le village, témoin de l’enfance de Perdican, et annonce la problématique de la sincérité centrale dans la pièce :
LE CHŒUR
Nous avons vu naître le petit Perdican [...] Puissions-nous retrouver l’enfant dans le cœur de l’homme !
Cette problématique de la sincérité sera ensuite développée dans notre pièce par un registre bien particulier : le lyrisme, que Musset interroge sans cesse.
9) Le lyrisme permet-il encore d’exprimer la sincérité ?
À l’époque de Musset, les premiers écrivains romantiques, Chateaubriand, Lamartine et Vigny, ont beaucoup utilisé le registre lyrique, et ont créé des stéréotypes : la complainte dans la Nature, la nostalgie de l’enfance ou de l’innocence, l’exaltation de sentiments personnels inexprimables.
On considère souvent que le précurseur du lyrisme romantique est Jean-Jacques Rousseau. Dans La Nouvelle Héloïse en 1761, il sensibilise le public à la Nature, qui suscite des émotions délicates et nouvelles.
Dans ses Confessions également, en 1782, il exprime l'idée qu'il est possible de parler de soi, avec sincérité, pour mieux comprendre le mystère de l'individualité :
Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi. Rousseau, Confessions, 1782.
En 1802, cette communion si spéciale d'une âme humaine avec les forces de la Nature est décrite par Chateaubriand dans René :
Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie. Châteaubriand, René, 1802.
En 1820, pour Lamartine dans ses Méditations Poétiques, la Nature devient un véritable reflet de l'âme :
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. Lamartine, Méditations poétiques, 1820.
Dans cette évolution du registre lyrique, Musset introduit une note discordante et ironique. Dans son œuvre, les êtres blessés par l'amour, conscients des stéréotypes de la complainte lyrique, y mettent une touche d'autodérision :
PERDICAN.
Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve : pourquoi encore y mêler les nôtres ? Ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas ! [Et de] cet inestimable joyau [...] comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet.
Mais si le lyrisme devient incapable d'exprimer la vérité du cœur, si les mots sont toujours des mots d'emprunt, est-il possible d'être sincère ? C'est bien là un enjeu profond de notre pièce.
10) La vérité du cœur
Chez Musset, le cœur est avant tout blessé et souffrant : il vit, il bat, il est parfois personnifié dans ses poèmes, dialoguant avec sa Muse… C'est une constante chez Musset : pour être sincère, le cœur doit faire l’expérience de la souffrance :
S’il fallait maintenant parler de ma souffrance ?
Je ne sais trop quel nom elle devrait porter,
Si c’est amour, folie, orgueil, expérience,
Ni si personne au monde en pourrait profiter. Alfred de Musset, Les Nuits, 1836.
Et ainsi, ce sont les réactions « physiques » du coeur qui marquent l’évolution des sentiments. Par exemple, Perdican se demande s'il aime vraiment Camille, et constate les battements de son cœur quand il intercepte sa lettre :
PERDICAN.
Quelle maudite curiosité me saisit malgré moi ! Mon cœur bat avec force, et je ne sais ce que j’éprouve.
Camille fait ensuite de ce mouvement du cœur la meilleure preuve d'amour, rendant possible son union avec Perdican.
PERDICAN.
Ô insensés ! nous nous aimons. (Il la prend dans ses bras.)
CAMILLE
Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton cœur.
Alors que Perdican dit ne pas croire en Dieu, c'est bien à lui qu'il s'adresse, c'est à lui qu'il ouvre son cœur pour alléguer la pureté de ses intentions.
PERDICAN.
Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un meurtrier ! Vous voyez ce qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais notre coeur est pur ; ne tuez pas Rosette, Dieu juste ! [...] Je réparerai ma faute.
Ainsi, c'est par le cœur que s’explique la surprenante conception religieuse de Musset : il penche du côté d'une religion naturelle, une spiritualité qui serait celle du cœur, et non les dogmes enseignés dans les couvents.
Pour parler au cœur, pour exprimer une vérité authentique avec force, Musset s'inscrit dans un héritage que Victor Hugo théorise dans un texte célèbre, qui éclaire singulièrement le théâtre de Musset. Il s'agit de La Préface de Cromwell, datant de 1827.
11) L'influence de La Préface de Cromwell
Le théâtre romantique juge que les formes classiques sont trop rigides pour parler au cœur autant qu’à l’esprit, et susciter des émotions authentiques.
La première impulsion est donnée par la découverte des pièces de Shakespeare qui sont jouées en France par des troupes de comédiens anglais entre 1822 et 1825. Ces représentations font même parfois scandale.
En 1825, Stendhal, dans Racine et Shakespeare, défend pour sa part un théâtre en prose adapté au goût de la jeune génération.
Le Romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. Stendhal, Racine et Shakespeare, 1823.
Mais c'est la Préface de Cromwell de Victor Hugo qui influencera le plus les écrivains romantiques, notamment après la bataille d'Hernani qui met à la mode le genre du drame romantique.
Alors, que dit la Préface de Cromwell ? On abandonne les unités de lieu et de temps au profit de l’unité d'action, au nom de la vraisemblance.
Croiser l’unité de temps à l’unité de lieu comme les barreaux d’une cage, et y faire entrer toutes ces figures que la providence déroule dans la réalité ! C’est faire grimacer l’histoire. Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1827.
Mais surtout, on va élaborer une esthétique nouvelle, toute de contrastes d'ombres et de lumières, que Victor Hugo appelle alliance du sublime et du grotesque :
Tout dans la création n’est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière. Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1827.
Cela deviendra un « programme » chez Hugo, que l’on retrouve par exemple dans les personnages de Quasimodo et Esmeralda dans Notre Dame de Paris…
Chez Musset ce n’est pas une règle : il en « joue » très librement pour servir sa fantaisie et créer des effets de contraste avec des personnages grotesques comme maître Blazius, et Dame Pluche, gouvernant les jeunes gens dont les aspirations sont sublimes.
On retrouve notamment ce contraste entre une société grotesque et des aspirations sublimes dans le discours de Perdican défendant sa vision de l'amour à Camille :
PERDICAN.
Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.
Cette vision très sombre du monde, qui s'exprime par des images incongrues comme celle des phoques qui se tordent, ressemble d'ailleurs déjà à certains vers de Baudelaire. Comme lui, Musset apprécie le romantisme noir des romans gothiques venus d'Angleterre.
12) Le Romantisme Noir
On retrouve cette vision très sombre notamment dans la peinture que Musset fait des couvents à travers les répliques de Perdican.
PERDICAN.
Il y a deux cents femmes dans ton monastère, et la plupart ont au fond du cœur des blessures profondes ; elles te les ont fait toucher, et elles ont coloré ta pensée virginale des gouttes de leur sang. [...] Elles t’ont fait une place dans leurs processions lugubres, et tu te serres contre ces corps décharnés [...] lorsque tu vois passer un homme.
Les romans gothiques explorent les aspect les plus sombres de l’âme humaine : ambiance macabre, vampires, fantômes, monstres dont les jeunes femmes innocentes sont les victimes !
Dans le discours de Perdican, tout se passe comme si les religieuses des couvents avaient pris Camille pour victime, fantômes qui l'attirent dans une vie comparable à la mort.
PERDICAN.
Elles qui s’assoient près de toi avec leurs têtes branlantes pour verser dans ton oreille leur vieillesse flétrie, elles qui sonnent dans les ruines de ta jeunesse le tocsin de leur désespoir et font sentir à ton sang vermeil la fraîcheur de leurs tombes ; sais-tu qui elles sont ?
Ainsi, ce qui hante cette pièce de Musset, c'est une vision idéale de l'amour, qui ne parvient pas à s'incarner. Les aspirations des deux jeunes gens sont tellement élevées, qu'elles les séparent, produisant la peur, la jalousie, les blessures de l'orgueil, détruisant les êtres les plus fragiles…
Portrait imaginaire d'Alfred de Musset.
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