Balzac, La Peau de chagrin
L’agonie de Raphaël
Explication linéaire

La jeune fille crut Valentin devenu fou, elle prit le talisman, et alla chercher la lampe. Éclairée par la lueur vacillante qui se projetait également sur Raphaël et sur le talisman, elle examina très attentivement et le visage de son amant et la dernière parcelle de la Peau magique. En la voyant belle de terreur et d’amour, il ne fut plus maître de sa pensée : les souvenirs des scènes caressantes et des joies délirantes de sa passion triomphèrent dans son âme depuis longtemps endormie, et s’y réveillèrent comme un foyer mal éteint.
— Pauline, viens ! Pauline !
Un cri terrible sortit du gosier de la jeune fille, ses yeux se dilatèrent, ses sourcils violemment tirés par une douleur inouïe, s’écartèrent avec horreur, elle lisait dans les yeux de Raphaël un de ces désirs furieux, jadis sa gloire à elle ; et à mesure que grandissait ce désir, la Peau en se contractant, lui chatouillait la main.

Introduction

Accroche

• Certains critiques de l’époque passent à côté de la morale du roman…
J'ai longtemps cherché en quoi La Peau de Chagrin, [...] pouvait être philosophique. Quelle leçon de morale nouvelle, quelle critique de morale y trouve-t-on ?
_{Le Figaro, 8 août 1831.}

Situation

• Pourtant, l’agonie de Raphaël contient une morale cachée.
• Pauline découvre la magie de la peau de chagrin
• Le dernier désir de Raphaël provoque sa mort.

Problématique

Comment ces derniers instants de Raphaël nous donnent-ils la clé de la nature maléfique de ces désirs qui l’éloignent fatalement de Pauline ?

Mouvements

1) Pauline découvre avec horreur la magie de la peau.
2) Triomphe des désirs passionnels de Raphaël.
3) L’horreur tragique se mêle à l’horreur fantastique.

Premier mouvement :
Une initiation à la magie

La jeune fille crut Valentin devenu fou, elle prit le talisman, et alla chercher la lampe. Éclairée par la lueur vacillante qui se projetait également sur Raphaël et sur le talisman, elle examina très attentivement et le visage de son amant et la dernière parcelle de la Peau magique.

Tout est fait pour nous mettre à la place de Pauline :
• Verbe psychologique « croire ».
• Verbes d’action « prend … va chercher … examine ».
• Rôle presque médical : « examiner très attentivement ».
• La lueur se « projette » sur ce qu’elle voit.
• Proximité grandissante : « Valentin … Raphaël … son amant ».

Pauline se laisse progressivement convaincre par le surnaturel.
• Raphaël est « fou ».
• Lueur « vacillante » transition vers un monde magique.
• « Lampe » qui rappelle les Mille et une nuits.
• Le mot « talisman » x2 provient de l’arabe et du grec byzantin.

Pauline compare le visage de Raphaël et la Peau :
• Deux CC de lieu « sur Raphaël … sur le talisman ».
• Deux COD « et le visage … et la dernière parcelle ».
• Parallélisme + polysyndète.
• Le terme « Dernière parcelle » provient de l’observation de Pauline.

Deuxième mouvement :
Le triomphe de désirs égoïstes

En la voyant belle de terreur et d’amour, il ne fut plus maître de sa pensée : les souvenirs des scènes caressantes et des joies délirantes de sa passion triomphèrent dans son âme depuis longtemps endormie, et s’y réveillèrent comme un foyer mal éteint.
— Pauline, viens ! Pauline !

Basculement du point de vue de Raphaël.
• Pauline devient COD : « En la voyant belle ».
• Raphaël sujet « il », puis ses « souvenirs ».
• Focalisation interne, pronoms possessifs « ses pensées … son âme ».

Opposition entre les deux personnages :
• Pauline prise de « terreur et d’amour ».
• Raphaël dominé par les « scènes carressantes ».
• Le mot « amour » s’oppose au mot « passion ».

Raphaël perd le contrôle de soi :
• Négation « il ne fut plus maître de sa pensée.
• « Souvenirs » sujet du verbe « triompher ».
• Les « deux points » produisent un jeu de cause / conséquence entre les « pensées » et les « souvenirs ».
• Singulier « Sa pensée … son âme ».
• Pluriels « les souvenirs, les scènes, les joies. »

Le feu des passions se réveille :
• Allitérations en S : « souvenirs des scènes caressantes de la passion ».
• Allitérations en R : « triomphèrent … réveillèrent … endormie ».
• Métaphore du foyer des passions, « mal éteint ».
• Raphaël a tempéré ses désirs au contact de Pauline.

Raphaël succombe :
• Discours direct « — Pauline, viens ! Pauline ».
• Points d’exclamation. Pas de déclaration d’amour.
• Le dernier acte de Raphaël sera de « mordre Pauline au sein ».

Troisième mouvement :
Un apogée émotionnel

Un cri terrible sortit du gosier de la jeune fille, ses yeux se dilatèrent, ses sourcils violemment tirés par une douleur inouïe, s’écartèrent avec horreur, elle lisait dans les yeux de Raphaël un de ces désirs furieux, jadis sa gloire à elle ; et à mesure que grandissait ce désir, la Peau en se contractant, lui chatouillait la main.

Émotion très forte :
• Pauline, témoin en temps réel de l’action de la peau de chagrin.
• Hypotypose (description frappante et animée) du visage de Pauline.
• Verbes de mouvement brusques « sortir dilater s’écarter ».
• Insistance: « terrible … violemment … inouïe … horreur ».
• Perceptions variées : « cri terrible … les yeux se dilatent … douleur inouïe ». Le lecteur partage les sensations de Pauline.

Créer une émotion nouvelle ?
• L’adjectif « inouï » = telle qu’on en a jamais entendue, indicible ?
• Pauline « lit » dans les yeux de Raphaël, comme une lectrice.
• 1831 le mouvement romantique s’oppose à la littérature classique : inventer des émotions inédites.

Une action qui se déroule sous nos yeux :
• Effets de la peau de chagrin en direct : « à mesure que grandissait ».
• « grandissait » inchoatif, action qui ne fait que commencer.
• « en se contractant » gérondif, notion de simultanéité.

Mêler horreur fantastique et tragique :
• Sensation horrible « lui chatouillait la main. »
• Chiasme : « grandir … se contracter » encadrent les sujets « le désir … la Peau ». C’est la logique de compensation des énergies.
• Raphaël est sur le point de mourir.

Opposition entre la douleur de Pauline et la fureur de Raphaël :
• Les yeux de Pauline se « dilatent ».
• Les yeux de Raphaël du côté du verbe « contracter ».
• Amour et terreur de Pauline, désir et fureur du côté de Raphaël.
• Les furies, divinités qui tourmentent les personnages coupables.

Conclusion

• Pauline découvre la magie de la peau de chagrin.
• Moment culminant d’horreur fantastique.
• Désirs éloignés de l’amour, portent l’autodestruction.
• La vertu comme le génie sont condamnés par une société cynique.

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