Balzac, La Peau de chagrin
La fortune de Raphaël
Synthèse de l'explication linéaire

Extrait étudié

Il se fit comme une acclamation silencieuse, le premier sentiment des convives fut dicté par une sourde envie, tous les yeux se tournèrent vers lui comme autant de flammes. Puis, un murmure, semblable à celui d’un parterre qui se courrouce, une rumeur d’émeute commença, grossit, et chacun dit un mot pour saluer cette fortune immense apportée par le notaire. Rendu à toute sa raison par la brusque obéissance du sort, Raphaël étendit promptement sur la table la serviette avec laquelle il avait mesuré naguère la Peau de chagrin. Sans rien écouter, il y superposa le talisman, et frissonna violemment en voyant une assez grande distance entre le contour tracé sur le linge et celui de la Peau.
– Hé bien ! qu’a-t-il donc ? s’écria Taillefer, il a sa fortune à bon compte.
– Soutiens-le, Châtillon, dit Bixiou à Émile, la joie va le tuer.
Une horrible pâleur dessina tous les muscles de la figure flétrie de cet héritier : ses traits se contractèrent, les saillies de son visage blanchirent, les creux devinrent sombres, le masque fut livide, et les yeux se fixèrent. Il voyait la MORT.

Introduction

Accroche

• Journal littéraire Le Globe :
Nous ne serions pas même étonnés que M. de Balzac crût un peu, comme Raphaël de Valentin, à la Peau de Chagrin.
• Importance de ce pouvoir surnaturel pour comprendre le roman.

Situation

• Le notaire annonce la fortune de Raphaël. Effets variés.
• Admiration d’une société superficielle, cadre réaliste.
• Terreur de Raphaël qui mêle fantastique et tragique.

Problématique

Comment cette soudaine fortune de Raphaël permet à Balzac de produire une émotion complexe, peignant une comédie humaine où l’individu peine à trouver sa place ?

Mouvements

1) Effet sur la société qui cache l’émotion d’horreur de Raphaël.
2) Échec de la rationalisation.
3) Prise de conscience d’un destin tragique.

Premier mouvement :
Une déflagration fantastique

Il se fit comme une acclamation silencieuse, le premier sentiment des convives fut dicté par une sourde envie, tous les yeux se tournèrent vers lui comme autant de flammes. Puis, un murmure, semblable à celui d’un parterre qui se courrouce, une rumeur d’émeute commença, grossit, et chacun dit un mot pour saluer cette fortune immense apportée par le notaire.

Effet de mise en scène progressive :
• Gradation de la voix collective : « acclamation silencieuse … murmure … rumeur d’émeute … chacun dit un mot ».
• Mode impersonnel « il se fit » puis pronom indéfini « chacun dit ».

Une émotion fantastique :
• « Acclamation silencieuse » : oxymore (contradiction des termes).
• « Il se fit comme une acclamation » : prétérition (dire sans dire).
• Comparaison « des yeux comme des flammes ».
• Enfers de la Divine Comédie de Dante.

Une société bousculée par le fantastique :
• Comparaison : « murmure » d’un parterre de théâtre.
• Métaphore « rumeur … d’une émeute ».
• Coup de théâtre dans le théâtre du monde (theatrum mundi).
• Allégories « sourde envie » // « fortune » (déesse aveugle).

Deuxième mouvement :
Une vérification rationnelle

Rendu à toute sa raison par la brusque obéissance du sort, Raphaël étendit promptement sur la table la serviette avec laquelle il avait mesuré naguère la Peau de chagrin. Sans rien écouter, il y superposa le talisman, et frissonna violemment en voyant une assez grande distance entre le contour tracé sur le linge et celui de la Peau.

Surnaturel vérifié rationnellement :
• Raphaël est « rendu à la raison ».
• Expérimentation : « étend » « superpose » « distance assez grande ».

Émotions de Raphaël perceptible pour le lecteur uniquement :
• Point de vue externe : « frissonner ».
• Point de vue interne : « sans rien écouter ».
• « Naguère » souvenir immédiat partagé avec le lecteur.

Moment déclencheur du sentiment fantastique :
• Périphrase « brusque obéissance du sort ».
• Adverbes brutaux « brusque … promptement … violemment ».
• Référence aux mises en garde de l’antiquaire « assez grande ».

Troisième mouvement :
Une résolution tragique

– Hé bien ! qu’a-t-il donc ? s’écria Taillefer, il a sa fortune à bon compte.
– Soutiens-le, Châtillon, dit Bixiou à Émile, la joie va le tuer.
Une horrible pâleur dessina tous les muscles de la figure flétrie de cet héritier : ses traits se contractèrent, les saillies de son visage blanchirent, les creux devinrent sombres, le masque fut livide, et les yeux se fixèrent. Il voyait la MORT.

Basculement dans le tragique :
• Sentiment d’horreur : « une horrible pâleur ».
• Terreur et de pitié selon Aristote à propos de la tragédie.

Ironie tragique : destin fatal évoqué implicitement.
• « il a sa fortune à bon compte » : son énergie vitale, en fait.
• « La joie va le tuer » la réalisation de ses désirs le tue.

Annoncer la maladie et l’agonie finale :
• Raphaël usé : « figure flétrie ».
• Action de la peau de chagrin : « pâleur … blanchirent … livide ».
• Jeu de contraste « creux sombres ».
• Hypotypose qui se fige progressivement.

Un message moral caché ?
• Fausse alternative : Savoir, Vouloir, Pouvoir.
• L’égoïsme épuise les individus dans une société superficielle.
• Raphaël suicidaire est désormais dépossédé de sa mort.

Conclusion

• Libération soudaine d’un effet longuement préparé.
• Raphaël flatté par une société hypocrite.
• Surgissement d’un événement surnaturel dans la réalité.
• Prise de conscience d’un destin tragique.
• Roman genre protéiforme, qui mêlant les registres.
• Affres d’une époque ayant perdu ses repères moraux.

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