Couverture pour XIXe siècle

Tristan Corbière, Les Amours Jaunes, 1873
« Le Crapaud »
Analyse au fil du texte



Notre étude porte sur le poème entier



Un chant dans une nuit sans air...
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.

... Un chant; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif...
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre...

— Un crapaud! — Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle!
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... — Horreur! —

... Il chante. — Horreur!! — Horreur pourquoi?
Vois-tu pas son œil de lumière...
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
...........................................................................
Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.



Introduction



Tristan Corbière, né à Morlaix en Bretagne, rêvait de devenir marin comme son père, mais il avait une santé fragile et il meurt avant même d’avoir trente ans : malade, misérable. Toute sa vie, il se sent incompris. Il n’a publié qu’un recueil de poèmes, Les Amours Jaunes, à compte d’auteur, passé inaperçu.

Presque 10 ans après sa mort, c’est le Paul Verlaine qui le redécouvre : il l’admire immédiatement, et il en fait le premier de ses Poètes Maudits :
Son vers vit, rit, pleure très peu, se moque bien, et blague encore mieux. Amer d’ailleurs et salé comme son cher Océan, nullement berceur ainsi qu’il arrive parfois à ce turbulent ami, mais roulant comme lui des rayons de soleil, de lune et d’étoiles dans la phosphorescence d’une houle et de vagues enragées !
Paul Verlaine, Les Poètes Maudits, 1884.

Les Amours Jaunes, c’est un clin d’œil aux Amours de Ronsard, mais pour mieux détourner la tradition poétique : le jaune, c’est la couleur du rire amer, la couleur du cocufiage, de la lâcheté et des maladies du foie. Malheureux en amour, Corbière met dans ses vers toute son amertume... Il se trouvait laid, incompris, et tout notre poème est mis en scène pour amener progressivement la chute, comme la réponse d'une énigme : « ce crapaud-là, c’est moi. »

Problématique


Comment Tristan Corbière détourne-t-il les traditions poétiques pour représenter sa condition de poète incompris à travers la mise en scène d’un crapaud ?

Axes de lecture


> Un jeu avec les références littéraires et les formes poétiques traditionnelles.
> Une esthétique paradoxale, qui prend son origine dans la laideur.
> Un lyrisme dégradé, prenant à contrepied les thèmes romantiques.
> Une mise en scène énigmatique qui prépare soigneusement la chute finale.
> Une variété de voix discordantes et confuses.
> Une représentation de la condition du poète incompris à travers la figure du crapaud.

Structure du poème



Avant d’entrer dans le détail des vers, qu’est-ce qu’on voit ? C’est un sonnet, mais un sonnet à l’envers, regardez, on commence par deux tercets, on finit par deux quatrains. Mais on voit clairement, par la typographie, que le poète a conservé une pointe à la fin. Il ne s’affranchit pas des traditions poétiques, il les utilise pour mieux les détourner.

Une quinzaine d’années plus tôt, Victor Hugo avait écrit un poème « Le Crapaud », dans sa Légende des Siècles. Mais c’était pratiquement une fable, très longue, en alexandrins, avec un ton sérieux et une longue morale.

Ici, Corbière a un parti pris très différent, il se moque du classicisme des alexandrins, il préfère la simplicité des octosyllabes, et sans aller jusqu’au vers libre, on voit bien que la ponctuation déstructure totalement la régularité des vers. Donc, il ne s’affranchit pas de la tradition, il la détourne pour mieux montrer son ironie : son crapaud, contrairement à celui de Hugo, ne sera pas moralisateur.

Le Crapaud, c’est le titre du poème, c'est-à-dire que c’est le poème lui-même, avec son apparence toute biscornue. Et le poème est à l’image du poète qui l’écrit. C’est une logique métonymique : on glisse par proximité d’un élément à l’autre. Déjà, on peut deviner la chute : le crapaud, c’est le poète lui-même. Et à l’image de son poème, qui ressemble plus à un anti-poème, Corbière ne se considère pas comme un grand poète comme Hugo par exemple.

Premier mouvement :
Un lyrisme dégradé



Un chant dans une nuit sans air…
– La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.


Le lyrisme, c’est la faculté du poète d’exprimer ses propres sentiments de manière musicale. On le trouve donc dès le premier mot, mais il est tout de suite contredit par la polysémie du mot « air », qui a plusieurs sens. Une nuit sans air, c’est une nuit étouffante, mais aussi une nuit sans musique. Le vers commence avec un chant et se termine sans air, c’est une antithèse, le rapprochement de deux termes opposés. Le lyrisme est mis à mal, et pourtant, c’est bien le mot « air » qui est mis à la rime. Le lyrisme n’est pas tout à fait refusé, il est dégradé.

Le chant est d’ailleurs comme enfermé, avec la préposition « dans ». C’est une métaphore : la nuit est comparée à une boîte, elle enferme le chant. Vous allez voir que les prépositions sont importantes tout au long du poème : « dans » est répété, en écho avec la préposition « sous » qui revient aussi deux fois. Ici, le lyrisme est pour ainsi dire étouffé dans l'œuf.

Le poète porte atteinte au lyrisme aussi parce qu’il dégrade les thèmes romantiques : normalement, le paysage naturel entre en écho avec les émotions du poète, c’est ce qu’on appelle le paysage état d’âme, qu’on retrouve notamment dans Les Méditations Poétiques de Lamartine par exemple. Ici, « la lune » est réduite à une « plaque en métal clair ». La végétation est comme « découpée » : ces éléments n’ont plus rien de naturel, plus de conjonction possible avec les émotions du poète.

D’ailleurs, le mot « vert » est utilisé comme nom commun et non comme adjectif : c’est une bonne occasion de faire ressortir les homophones, les mots qui se prononcent pareil et qui prennent alors tout leurs sens dans le contexte, regardez. La végétation est comme du verre découpé, tranchant. Et enfin le vers, c’est la matière même du poème, l’outil d’expression du poète, qui est disloqué, inapte à l’expression de ses sentiments.

Du coup, le poète va développer une esthétique paradoxale, qui prend son origine dans la laideur, la dysharmonie. Par exemple, la musicalité est transformée bruit, avec des allitérations, des répétitions de son consonnes qui sont désagréables : par exemple, le L est placé après des explosives, P et K qui revient avec insistance. Le premier vers produit une assonance, un retour de son voyelle, avec la nasale AN qui revient trois fois. Des contrastes frappants accentuent cette impression de dysharmonie, avec des antithèses : clair s’oppose à sombre, la verdure s’oppose au métal.

Quel est le premier mot du poème ? Le tout premier mot, c’est un article indéfini… C’est à dire qu’on ne sait pas d’où provient ce chant dont on parle, on ne sait pas à qui il appartient. c’est une voix sans auteur. De même, le premier tiret de dialogue est très mystérieux. Qui prend la parole, est-ce la même personne qui chante ? Dès le premier tercet, le lecteur est assailli par des voix variées et brouillées.

On peut enfin insister sur la présence de la couleur verte à la fin du tercet : elle évoque déjà le crapaud du titre, et pourtant justement, on ne le voit pas encore ! Dans un premier temps, le lecteur est pour ainsi dire aveugle, plongé dans l’ombre, il ne sait pas qui sont les protagonistes, combien ils sont, il est entraîné dans une énigme qui pique sa curiosité. Le paysage est mis en place, mais de façon très lacunaire, ce ne sont que des phrases nominales, sans verbe conjugué.

… Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
– Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…


C’est particulièrement visible dans ce tercet : les phrases sont coupées par des suspensions, des moments de pause avec de la ponctuation forte ou de simples virgules. C’est ce qu’on appelle des aposiopèses : des interruptions du discours. Elles sont accompagnée du verbe « taire ». Le poème est donc lui-même un chant discontinu, entamé par le silence, parfois répétitif : les échos répètent justement le son CO.

On peut imaginer que le poème imite le son du crapaud. Vous savez peut-être que le crapaud coasse, mais il siffle aussi, de manière étrangement discontinue. Voilà ce que ça donne...

Alors que le chant est annoncé sous forme d’anaphores rhétoriques : il est répété en début de phrase, le premier verbe conjugué du poème, c’est au contraire le verbe « taire » qui n’arrive qu’au vers 6. Au moment justement où apparaît le deuxième tiret de dialogue et la deuxième personne : « viens ». Ce jeu avec les apparitions et disparitions de voix variées constitue une véritable mise en scène qui attise la curiosité du lecteur.

Le verbe de mouvement « viens » à l’impératif, est en plus accompagné de deux pronoms très spéciaux : ça, et là. Les linguistes disent que ce sont des déictiques, c'est-à-dire qu’ils renvoient à la situation d’énonciation, ou si vous préférez, tout bêtement, ils montrent du doigt. Ce n’est pas anodin dans un poème, car c’est plutôt un procédé théâtral. On est bien dans une mise en scène de l’apparition du crapaud, le poète guide le lecteur en aveugle.

D’ailleurs pour l’instant, le crapaud n’a pas été nommé, les pronoms « ça » et « c’est » revoient plus loin ! C’est extrêmement rare, et c’est ce qu’on appelle une référence cataphorique : les pronoms désignent un élément qui apparaît plus tard dans le texte. C’est bien une preuve que le poète ménage ses effets, en prolongeant le mystère au maximum. En plus, ce sont des pronoms dépréciatifs, c'est-à-dire qu’ils portent une connotation négative. Ce qu’on cherche à voir n’a donc pourtant rien de beau.

L’esthétique paradoxale se retrouve dans les contrastes : tout « vif », il est pourtant « enterré » : on peut y reconnaître une locution figée, c'est à dire une expression toute faite : « enterré vivant » qui est inversée ici « tout vif enterré ». D’ailleurs cela crée un enjambement qui déstructure le vers : la phrase se prolonge d’un vers à l’autre. Les attentes du lecteur sont donc sans cesse en butte à des surprises, des imprévus.

Bien sûr, c’est une esthétique liée à la mort : le crapaud est « enterré », la préposition « sous le massif » est aggravée ensuite « dans l’ombre ». Cela forme une gradation : une progression ascendante. Si le massif évoque la pierre tombale fleurie, l’ombre évoque carrément le royaume des morts, les Enfers.

Deuxième mouvement :
Une esthétique paradoxale



– Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… – Horreur ! –


On trouve le mot « chant » en anaphore rhétorique au début de chaque strophe du sonnet, sauf ici, où on a un couac pour ainsi dire, au moment de l’apparition du crapaud. L’animal qui chante bien, traditionnellement, c’est le rossignol. Mais ici, c’est un rossignol de boue : c’est une antithèse qui oppose le ciel et la terre. Le lyrisme dégradé est lié à l’esthétique paradoxale que le poète souhaite créer.

Le crapaud est aussi un animal bien présent dans la littérature : on le trouve dans des contes et dans des fabliaux. Il a mauvaise réputation, mais il n’est jamais complètement négatif. Au Moyen- ge par exemple, il était censé contenir une crapaudine, une pierre capable de soigner toutes les maladies. Dans les contes, le crapaud cache souvent un prince charmant. Cette apparition soudaine du crapaud s’inscrit donc dans une tradition littéraire qui cultive déjà le jeu avec le paradoxe.

Cette intertextualité, et l’apparition soudaine du crapaud en plein milieu du sonnet va éveiller la curiosité du lecteur. Ce moment de basculement entre les quatrains et les tercets, c’est ce qu’on appelle la volta. Même si Tristan Corbière inverse la forme du sonnet, il respecte cette tradition. Il met en valeur l’apparition du crapaud dans une phrase nominale, exclamative. C’est du discours direct, c'est-à-dire que les paroles sont rapportées sans modifications. On retrouve aussi l’effet théâtral : « vois-le ! ». L’effet de surprise est soigneusement mis en scène par le poète.

C’est d’ailleurs seulement dans ce quatrain que le dialogue se met réellement en place, avec un véritable échange : « pourquoi cette peur ». La situation d’énonciation est révélée au fur et à mesure. Il s’agit sans doute d’un couple d’amoureux, et c’est peut-être le poète lui-même, qui parle à la première personne et se présente comme un soldat fidèle, selon la tradition galante du chevalier servant. Il se montre protecteur « il n’y a pas de raison d’avoir peur, près de moi ».

Mais ce n’est pas tout : la personne qui parle à la première personne essaye d’atténuer l’horreur du crapaud : il ne peut pas être dangereux, car c’est un poète. Déjà, cela prépare la révélation finale : le poète s’identifie au crapaud.

Ce poète est défini par ce qui lui manque : tondu, il n’a pas de cheveux. On peut penser au mythe biblique de Samson et Dalila : Samson est un guerrier si puissant qu’il parvient à tuer un lion à main nues, mais il perd toute sa force quand Dalila lui coupe les cheveux dans son sommeil. Le crapaud permet de représenter un poète défini par sa faiblesse.

Sans aile, entre en écho avec le « sans air » du premier vers. Et c’est bien sûr une référence à Baudelaire : le crapaud est moins encore que L’Albatros, dont les ailes symbolisent l’imagination. C’est un oiseau amputé. Le mot « aile » est mis cruellement au singulier, il n’a même pas une seule aile. Contrairement à Baudelaire, il n’y a rien de sublime dans ce poète : rossignol de la boue, il n’a pas de lien avec le ciel ou avec l’élévation. Il reste terre à terre.

La prononciation va contribuer à cela. Pour respecter la métrique, on ne peut pas prononcer la diérèse classique, « po_ète », où chaque voyelle compte pour une syllabe. On est obligé de prononcer une synérèse, c'est-à dire les deux voyelles sur la même syllabe : « vois-le poète tondu, sans aile ». Le poète est ridiculisé, mais pas par les marins comme dans l’Albatros : par lui-même ! Il ne se prend pas au sérieux, c’est de l’autodérision, déjà on voit poindre la révélation finale : on se trouve devant un autoportrait.

Par homophonie, on peut aussi entendre « sans elle » c’est à dire sans compagne, ce qui re-motive le titre du recueil, les Amours Jaunes : le poète est un être solitaire, incompris. Et d’ailleurs, le personnage qui prend la défense du crapaud est incompris lui aussi. Sa réplique est encadrée visuellement par les réactions de dégoût de sa compagne : « horreur ». La variété des voix illustre bien ce sentiment profond d’incompréhension.

Troisième mouvement :
Le poète fatalement incompris



… Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonsoir – ce crapaud-là c’est moi.


Le poète tente encore de défendre le crapaud : « il chante », sous entendu : comme un poète. Mais chaque argument agrave la réaction de sa compagne qui répète « Horreur !! » avec deux points d’exclamation cette fois (c’est un cas particulièrement rare dans la littérature). Cette gradation qui traverse les deux quatrains illustre bien l’incompréhension dont le poète est victime.

Dernière tentative du poète pour défendre le crapaud : « vois-tu pas son œil de lumière ? » Mais il sait qu’il fait appel à un cliché littéraire ! Déjà dans dans la préciosité, les yeux sont le miroir de l’âme. Voilà pourquoi ça tombe à plat tout de suite, avec une négation très forte « non : il s’en va ». Si cette lumière existe, on ne la voit pas : le poète reste incompris jusqu’au bout.

La musicalité de cette dernière strophe illustre bien le lyrisme dégradé qui traverse tout le poème. La répétition du mot « horreur » crée un jeu d’écho, avec l’allitération en R qui illustre la peur de la compagne. Le mot « lumière » est aussitôt transformé à la rime en « pierre » avec l’insistance de la préposition « sous ». C’est une esthétique qui évoque le monde des morts, mais sans aucune trace de sublime.

On peut penser au mythe d’Orphée : le poète capable de faire pleurer les pierres avec son chant, il sera l’un des rares à descendre aux Enfers et à en revenir. Tout comme Hercule, Thésée, Ulysse, Énée, Er le Pamphylien, euh… oui en fait ils sont plutôt nombreux à revenir des enfers dans la mythologie !

Mais bon, en tout cas, le crapaud quant à lui, il reste froid, pas vraiment vivant, pas vraiment mort, enterré vivant, pratiquement lui-même métamorphosé en pierre. C’est une esthétique qui ne fait référence à la mythologie que pour refuser l’héroïsme et le sublime.

La révélation finale est orchestrée par des mouvements, et une mise en scène pratiquement théâtrale qui ménage ses effets. Le verbe « voir » à l’impératif est répété une deuxième fois en tête de vers : les personnages se déplacent. Le crapaud également « il s’en va » c’est pratiquement une poursuite. En fait, le poème est construit comme une devinette qui attise la curiosité du lecteur. Typographiquement, les points de suspension séparent le dernier vers, et retardent la solution de l’énigme.

D’ailleurs, le mot « pourquoi » est répété au début de chaque quatrain, et on retrouve à la fin le son OA à chaque vers : « pourquoi … vois-tu pas … froid … c’est moi » c’est intéressant, parce que la voix du poète devient progressivement similaire au coassement du crapaud, et le « c’est moi » final est comme une métamorphose accomplie. C’est certainement cette métamorphose qui explique la déstructuration de la syntaxe, et l’oubli de l’adverbe de négation « Vois-tu pas ».

La révélation finale est mise en valeur avec une tournure emphatique « ce crapaud-là, c’est moi ». Cela correspond à la solution de la petite énigme : le poète, la première personne du singulier qui s’exprime depuis le début, le crapaud et les différents pronoms qui le désignent ne font qu’un. C’est aussi la pointe que l’on attend traditionnellement dans un sonnet. C’est pratiquement une chute comme dans une nouvelle, qui invite à relire le poème pour voir se dessiner l’autoportrait du poète incompris.

Dans cette fin de poème, il n’y a pas de morale, seulement un certain état d’esprit d’humilité et de résignation devant la fatalité. En toute simplicité, le poète prend congé « Bonsoir » : il accepte la solitude. On peut d’ailleurs se demander à quoi correspond le dernier tiret, puisque manifestement c’est la même personne qui parle avant et après… Ce serait une sorte de parenthèse, un aparté comme au théâtre : le poète se parle à lui-même, le dialogue est devenu un monologue, la solitude du poète est une fatalité.

Conclusion



Dans ce poème, Tristan Corbière utilise la figure du crapaud pour mettre en place un lyrisme dégradé. Il prend à contrepied les thèmes romantiques et joue avec les références littéraires traditionnelles pour construire une esthétique paradoxale : la laideur et la mort, sans jamais être sublimes, font pourtant l’objet d’un travail poétique étrangement fascinant.

Tout est fait pour attiser notre curiosité : l’identification du crapaud au poète et à la première personne du singulier se fait progressivement. Elle est mise en scène dans un dialogue qui devient comme une petite énigme où il faudrait identifier les voix qui se confrontent. Ce n’est que dans le dernier mot que le poète révèle son identité...

Mais c’est trop tard, il est déjà seul, et il restera incompris. Et pourtant si l’on y pense bien, ce poème est peut-être une revanche, car il permet enfin au poète d’être compris, par le lecteur qui devine ses intentions.

⇨ * Corbière, Les Amours Jaunes 🔎 Le Crapaud (analyse au fil du texte) *

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