La Fontaine, Fables,
« Le rat de ville et le rat des champs »
Analyse au fil du texte
Notre Ă©tude porte sur la fable entiĂšre
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse Ă penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le rĂ©gal fut fort honnĂȘte,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fĂȘte
Pendant qu'ils Ă©taient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitĂŽt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rĂŽt.
- C'est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi ;
Mais rien ne vient m'interrompre :
Je mange tout Ă loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.
Introduction
La Fontaine dĂ©dicace le premier livre de ses fables au Dauphin, Louis de France, le fils de Louis XIV : les fables permettent dâapprendre des vĂ©ritĂ©s importantes de maniĂšre plaisante :
Vous ĂȘtes en un Ăąge oĂč l'amusement et les jeux sont permis aux Princes ; mais en mĂȘme temps vous devez donner quelques-unes de vos pensĂ©es Ă des rĂ©flexions sĂ©rieuses. Tout cela se rencontre aux fables que nous devons Ă Ăsope. L'apparence en est puĂ©rile, je le confesse ; mais ces puĂ©rilitĂ©s servent d'enveloppe Ă des vĂ©ritĂ©s importantes.
Jean de La Fontaine, ĂpĂźtre Ă Monseigneur le Dauphin, 1668.
La neuviÚme fable du premier livre est justement une petite histoire plaisante : le rat de ville invite le rat des champs, mais ils doivent fuir pendant leur repas... La simplicité apparente du récit illustre bien la morale confiée au rat des champs : le calme et la simplicité de la campagne sont préférables à la sophistication et aux dangers de la ville !
Cette morale universelle est dĂ©jĂ prĂ©sente dans les versions dâĂsope et dâHorace, La Fontaine va donc sâingĂ©nier Ă y ajouter une satire de la cour : les fastes de Versailles valent-ils le risque dâĂȘtre disgraciĂ© Ă tout moment ?... Les animaux reprĂ©sentent bien la sociĂ©tĂ© humaine, et Ă travers eux, La Fontaine sâadresse volontiers Ă ses contemporains.
Problématique
Comment ce rĂ©cit plaisant dâune mĂ©saventure de deux rats permet Ă La Fontaine de valoriser la simplicitĂ© de la campagne contre la sophistication et les dangers de la ville, tout en visant indirectement la vie la cour de Louis XIV ?
Axes de lecture pour un commentaire composé
> Un récit plaisant qui utilise les ressources de la poésie.
> Une réécriture libre inspirée de versions antérieures.
> Un jeu de contraste avec des valeurs opposées.
> Un apologue qui a une dimension universelle.
> La présence ironique du narrateur qui implique son lecteur.
> Des animaux qui illustrent la société humaine.
Premier mouvement :
La rencontre de mondes différents
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
Dâune façon fort civile,
Ă des reliefs dâortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse Ă penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le rĂ©gal fut fort honnĂȘte ;
Rien ne manquait au festin :
Mais quelquâun troubla la fĂȘte
Pendant quâils Ă©taient en train.
La fable commence presque comme un conte « Autrefois »... qui a le mĂȘme rĂŽle que au cĂ©lĂšbre « il Ă©tait une fois » : il plonge le lecteur dans un ailleurs indĂ©terminĂ© et intemporel. Dâailleurs, les personnages sont prĂ©sentĂ©s comme sâils Ă©taient dĂ©jĂ bien connus du lecteur, avec un article dĂ©fini : le rat de ville et le rat des champs. Ce sont presque dĂ©jĂ des allĂ©gories : la reprĂ©sentation concrĂšte dâune idĂ©e abstraite.
Et en effet, chaque rat est dâabord dĂ©fini par le lieu quâil habite : le premier reprĂ©sente nâimporte quel habitant des villes, lâautre reprĂ©sente nâimporte quel habitant des campagnes. Câest le propre de la fable : les animaux permettent de mieux parler de la sociĂ©tĂ© humaine.
« la ville ⊠les champs » ce sont des antonymes : des mots qui ont un sens opposĂ©. On les trouve en plus dans un parallĂ©lisme : une construction syntaxique similaire, ici en fin de vers sur les trois derniĂšres syllabes. Dâailleurs, musicalement, cette structure syntaxique met en valeur des rimes internes en A « Autrefois le rat ⊠Invita le rat » : tous ces effets vont concourir Ă bien distinguer deux univers qui reprĂ©sentent des valeurs diffĂ©rentes.
Et voilĂ pourquoi la fable va plus loin que le conte : comme une grande allĂ©gorie, elle construit des espaces symboliques, qui vont reprĂ©senter et confronter des idĂ©es. Câest ce quâon appelle un apologue : le rĂ©cit nâest en fait que le support dâune idĂ©e philosophique ou morale.
En plus, la fable va utiliser les ressources de la poĂ©sie. Ici par exemple, toute lâhistoire est racontĂ©e avec des heptasyllabes (des vers de sept syllabes) : câest un rythme impair, musical, presque dansant. Avec cette cadence un peu sautillante, on entend dĂ©jĂ le dĂ©placement des rats. Dâailleurs, La Fontaine appelle parfois les rats et les souris : « la gent trotte-menu ». Le fabuliste utilise toutes les ressources de la poĂ©sie pour rendre son rĂ©cit Ă©vocateur et plaisant.
Tout au long de la fable, les rimes sont croisĂ©es, sauf pour la toute derniĂšre strophe, oĂč les rimes sont embrassĂ©es : la progression des rimes sâadapte bien Ă la progression de lâhistoire.
Dâailleurs, la fable suit parfaitement le schĂ©ma narratif que vous connaissez bien : dâabord, la situation initiale, avec lâimparfait pour dĂ©crire le festin, mais tout de suite, on revient au passĂ© simple pour introduire lâĂ©lĂ©ment perturbateur, vers le noeud de lâintrigue : le verbe « troubler » est en plus annoncĂ© par un lien logique dâopposition... Les actions sont intensifiĂ©es jusquâĂ ce moment stratĂ©gique, regardez : un seul verbe dans la premiĂšre strophe, deux dans la deuxiĂšme strophe, quatre dans la troisiĂšme strophe.
Ces trois premiĂšres strophes insistent sur la sophistication du rat des villes. Dâabord, lâinvitation « fort civile », ensuite, les lieux : un « tapis de Turquie » câest un objet dâornementation prestigieux, qui vient de loin, dont lâexotisme correspond bien Ă une premiĂšre mode de lâorientalisme au XVIIe : des artistes et des Ă©rudits voyagent pour dĂ©couvrir lâEmpire Ottoman. Cette idĂ©e gĂ©nĂ©rale de raffinement traverse les civilisations.
Et enfin, le repas lui-mĂȘme, de lâortolan : câest un tout petit oiseau qui est rĂ©putĂ© pour sa chair trĂšs tendre, et pour sa raretĂ©. Câest un met de choix, qui reprĂ©sente bien lâidĂ©e gĂ©nĂ©rale de luxe que le fabuliste associe Ă la ville. Dâailleurs lâortolan sâest fait tellement rare quâil est aujourdâhui en voie dâextinction : il est interdit de le chasser ou de le servir Ă la consommation.
Le repas dâortolans est repris par dâautres termes connotĂ©s trĂšs positivement : la vie, le rĂ©gal, le festin, la fĂȘte. On dirait mĂȘme que câest une gradation : une augmentation en intensitĂ©, chaque terme est plus fort que le prĂ©cĂ©dent. La ville est donc associĂ©e Ă des notions abstraites trĂšs gĂ©nĂ©rales de raffinement un peu outranciĂšres.
Et en effet, toutes ces marques de sophistication sont en mĂȘme temps moquĂ©es par le narrateur. « Inviter Ă des reliefs » câest un raccourci frappant, on dirait plutĂŽt : inviter Ă manger des reliefs, câest Ă dire des restes. Le raccourci permet de montrer tout le ridicule quâil y a Ă inviter en grande pompe pour manger les restes de quelquâun dâautre⊠Lâironie consiste Ă laisser entendre un message contraire Ă ce quâon dit. Le narrateur valorise dĂ©jĂ implicitement la simplicitĂ© des campagnes, il prĂ©pare sa morale.
Ensuite, « mettre le couvert sur un tapis » c'est-Ă -dire, Ă mĂȘme le sol, câest un peu Ă©trange, car mĂȘme si les rats mangent bien ce qui est tombĂ© par terre, ils nâutilisent pas de couverts... La Fontaine mĂ©lange le monde des animaux et le monde des humains pour mieux montrer que la sophistication de la ville a quelque chose de factice.
On a donc un repas qui est prĂ©sentĂ© Ă la fois comme un festin, une fĂȘte somptueuse, et des restes au sol dâune maison oĂč se promĂšnent des rats... Quand le narrateur prĂ©fĂšre laisser son lecteur imaginer la vie de ces rats, il lâinvite implicitement Ă voir toute lâironie de ses propos. Câest une prĂ©tĂ©rition : dire en annonçant ce quâon ne va pas dire.
Les rats sont deux amis : câest une premiĂšre maniĂšre de les rapprocher du monde des humains, en les incluant dans un lien social. Ensuite, lâinvitation qui est faite « dâune façon fort civile » : on dirait une action diplomatique, comme deux seigneurs qui habitent des contrĂ©es sĂ©parĂ©es...
Câest en plus ici une rime signifiante : les maniĂšres civiles sont musicalement associĂ©es Ă la ville, le rat veut montrer son domaine. Dâailleurs dans « Rat de ville » on entend coup sur coup les voyelles A et I qui reviennent dans toute la deuxiĂšme strophe. Ces assonances (retour de sons voyelle) montrent quâon est bien lĂ dans le domaine du rat des villes. La musicalitĂ© de la fable permet bien de renforcer le lien animaux / humains, et lâopposition ville / campagne.
Si les rats ressemblent Ă des ĂȘtres humains, les vrais humains sont aussi prĂ©sents en creux dans cette fable, regardez : « Le couvert se trouva mis » : câest un verbe pronominal passif sans complĂ©ment dâagent : qui a mis le couvert ? Le lecteur doit imaginer que les humains qui habitent la maison ont seulement abandonnĂ© leurs restes : le rat des villes habite un endroit qui appartient Ă quelquâun de plus puissant que lui.
Câest frappant, parce que câest exactement la situation des courtisans qui habitent Ă Versailles : les nobles pouvaient acheter les restes du repas royal. AccĂ©der Ă un repas de roi, câĂ©tait un privilĂšge, lâironie de La Fontaine devait rĂ©sonner aux oreilles de ses lecteurs de lâĂ©poque. CâĂ©tait aussi une stratĂ©gie politique que Louis XIV commente dans ses MĂ©moires :
Câest un des plus visibles effets de notre puissance, que de donner, quand il nous plaĂźt, un prix infini Ă ce qui de soi-mĂȘme nâest rien.
Louis XIV, MĂ©moires, 1661.
Dâailleurs dans la version dâĂsope, le festin est composĂ© de fromage, de miel et de fruits, pas de trace des ortolans dans la version dâHorace non plus... Câest bien un met quâon trouve Ă Versailles. La rĂ©Ă©criture indique bien la volontĂ© de La Fontaine de reprĂ©senter ses contemporains Ă travers les animaux.
DeuxiĂšme mouvement :
Un récit qui interpelle le lecteur
Ă la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitĂŽt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rĂŽt.
Le fabuliste revient en arriĂšre pour mieux dĂ©crire le moment oĂč les deux rats entendent du bruit. Dans le schĂ©ma narratif, on peut dire quâil prolonge encore un peu le moment du nĆud de lâaction pour crĂ©er un effet de suspense. En plus, le complĂ©ment circonstanciel de lieu en tĂȘte de phrase vient retarder encore un peu ce moment stratĂ©gique.
Alors que tout le texte Ă©tait au passĂ©, on passe brusquement au prĂ©sent de lâindicatif, « le rat de ville dĂ©tale // Son camarade le suit ». Les actions sont comme actualisĂ©es sous les yeux du lecteur : on entre bien dans les pĂ©ripĂ©ties du schĂ©ma narratif. En mĂȘme temps, tous ces effets sont renforcĂ©s par des allitĂ©rations (retours de sons consonnes), en R pour donner Ă entendre le bruit de la porte, en T pour imiter la fuite des rats.
Dans la version dâĂsope, le danger est bien dĂ©crit, câest le maĂźtre de maison qui entre dans la piĂšce :
Comme ils sâapprĂȘtaient Ă commencer le festin, soudain un homme ouvrit la porte. EffrayĂ©s du bruit, nos rats se prĂ©cipitĂšrent peureusement dans les fentes.
Ăsope, Fables, Le Rat des champs et le Rat de maison, VIIe av. J.-C.
Horace va mĂȘme jusquâĂ mentionner les chiens de la maison :
Quand un grand bruit de clefs vient dĂ©ranger la fĂȘte.
La porte sâouvre. OĂč fuir ? TroublĂ©s, perdant la tĂȘte,
Nos rats sautent de table, et, pour chercher un trou,
Par tout lâappartement courent sans savoir oĂč,
Cependant que des chiens aboyant dans lâenceinte,
La voix qui retentit redouble encor leur crainte.
Horace, Satires, Livre II, Satire VI, Ier siĂšcle aprĂšs J.-C., traduction de Louis-Vincent Raoul, 1829.
Chez La Fontaine au contraire, la menace est de moins en moins prĂ©cise : « quelquâun » devient un simple « bruit » Ă la porte. Enfin, « on se retire » avec le pronom indĂ©fini qui ne renvoie Ă personne en particulier. Câest juste un danger, dans sa dimension universelle.
On peut aussi penser aux risques que prennent les courtisans en venant à Versailles : ils sont sans cesse sous les yeux du roi, ils dépendent de lui pour subsister, et il peut les disgracier au moindre faux pas... Dans ses Mémoires, Saint-Simon raconte par exemple la disgrùce de Mme de Saint-Géran, qui donnait des repas un peu trop longs et arrosés, en compagnie de personnes extérieures à la cour...
La peur augmente au fur et Ă mesure de la fable. Dâabord le rat des champs nâa pas conscience du danger, il se contente de suivre son camarade qui a de lâexpĂ©rience : on comprend que le Rat de ville est habituĂ© Ă ĂȘtre prudent. Quand ils reviennent, câest carrĂ©ment une « campagne » câest Ă dire, une mission militaire. Ă partir du moment oĂč ils ont Ă©tĂ© interrompus, le lieu de fĂȘte est devenu un champ de bataille.
Le sentiment dâurgence est retranscrit par les phrases ou propositions nominales, qui sont construites sans verbe conjuguĂ© : « Rats en campagne aussitĂŽt ⊠Et le citadin de dire ». Les propositions sont juxtaposĂ©es, ou simplement coordonnĂ©es au milieu de la strophe. Avec lâadverbe temporel « aussitĂŽt », tout ça contribue bien Ă accĂ©lĂ©rer le rythme.
Le mot « rĂŽt » avec lâaccent circonflexe dĂ©signe bien un rĂŽti : pour le rat de ville, rien nâa changĂ©, on retrouve le repas tel quâil Ă©tait. Mais bon, « rĂŽt » est aussi un homophone du mot « rot » sans accent circonflexe qui se prononce pareil (probablement dĂšs le XVIe siĂšcle). Le narrateur est malicieux : les rats sont obligĂ©s de manger trop vite, peut-ĂȘtre aussi dâavaler de lâair. Bref, leur repas est gĂąchĂ© par lâinquiĂ©tude.
TroisiĂšme mouvement :
Un moraliste malicieux
â Câest assez, dit le rustique :
Demain vous viendrez chez moi.
Ce nâest pas que je me pique
De tous vos festins de roi :
Mais rien ne vient mâinterrompre ;
Je mange tout Ă loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre !
Dans la version dâHorace, le festin est longuement dĂ©crit, chez Ăsope, les rats sont mĂȘme dĂ©rangĂ©s deux fois. La Fontaine au contraire simplifie le rĂ©cit au maximum, pour arriver rapidement au dĂ©nouement dans notre schĂ©ma narratif, avec le futur de lâindicatif qui montre bien ici quâon aboutit Ă des actions qui ne seront pas racontĂ©es.
En plus, ce dĂ©nouement est encadrĂ© par deux expressions qui insistent sur lâinterruption du rĂ©cit : « Câest assez » qui entre en Ă©cho avec « Adieu donc » : ce dĂ©nouement est bien un moment de rupture. Du coup la morale est bien mise en valeur sans pour autant ĂȘtre sĂ©parĂ©e du rĂ©cit.
En fait, la morale prolonge le rĂ©cit lui-mĂȘme pour lui donner sa dimension universelle, regardez : dâabord, elle rĂ©pond naturellement au lien logique dâopposition, ensuite, elle commence en plein milieu du vers, elle est pleinement intĂ©grĂ©e Ă la rĂ©plique du Rat des champs⊠Et enfin, elle participe musicalement au rĂ©cit avec les rimes embrassĂ©es.
Les deux derniĂšres strophes sont au discours direct : les paroles sont rapportĂ©es sans modifications. Câest le rat des champs qui prend en charge la morale, avec une rĂ©plique trĂšs orale : on a des exclamations, une interjection qui appartient au registre familier Ă lâĂ©poque : « Fi » câest Ă dire « peu importe ». Le rĂ©cit entre dans le domaine du thĂ©Ăątre, câest presque une tirade de comĂ©die.
Les sonoritĂ©s aussi crĂ©ent un effet de lĂ©gĂšretĂ© : « rien ⊠vient » deux voyelles qui se prononcent dans une mĂȘme syllabe, câest ce quâon appelle une synĂ©rĂšse. En mĂȘme temps, les enjambements donnent une vĂ©ritable fluiditĂ© aux vers : « je me pique // de tous vos festins ⊠fi du plaisir // que la crainte peut corrompre ». Ces effets de naturel rejoignent bien le sens de la morale : la profondeur des propos nâempĂȘche par la lĂ©gĂšretĂ© de la forme, au contraire mĂȘme : la simplicitĂ© est une marque de sagesse.
La « crainte » : câest un terme trĂšs gĂ©nĂ©ral, qui peut valoir pour nâimporte quel danger. Le « plaisir » aussi est une notion trĂšs abstraite : la mĂ©saventure se termine sur des concepts pratiquement philosophiques, et au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©ral : pour des actions valables en tout temps.
On retrouve ici les jeux dâopposition qui courent Ă travers toute la fable : « moi » rime avec « roi », la simplicitĂ© sâoppose Ă la magnificence. De mĂȘme, « plaisir » rime avec « loisir » : le repas sophistiquĂ© du cĂŽtĂ© du plaisir, la simplicitĂ© et le temps long du cĂŽtĂ© du loisir.
Dâailleurs, le mot « plaisir » est complĂštement redĂ©fini par le mot « crainte » dans la subordonnĂ©e relative, Ă travers le verbe « corrompre » qui termine la fable comme une pointe. Or justement ce verbe a plusieurs sens : dâun cĂŽtĂ© abĂźmer, altĂ©rer, pourrir (ce qui sâapplique parfaitement aux restes dâun repas), mais aussi pervertir, dĂ©praver, soudoyer (et lĂ on retrouve toute la dimension satirique qui vise le monde des humains).
« Ce nâest pas que je me pique » est une expression figĂ©e : « ne croyez pas que je sois offensĂ© par vos festins ». Mais en mĂȘme temps, le verbe « piquer » peut aussi dĂ©signer ce qui sâabĂźme, ce qui est piquĂ© de moisissure, il contredit implicitement le terme de « festin ». On perçoit bien lâironie du narrateur Ă travers les paroles du Rat des champs.
Le Rat des champs est devenu ici « le rustique » qui sâoppose donc au « citadin ». Le terme est plutĂŽt dĂ©prĂ©ciatif : ce qui est rustique est un peu trop simple, peu raffinĂ©. Et pourtant, câest justement au rustique que La Fontaine confie la morale de la fable, et ça fait partie de lâeffet de surprise de la fin de lâhistoire : la sagesse nâest pas associĂ©e Ă ce qui est normalement valorisĂ©, notamment dans les milieux visĂ©s par La Fontaine : la noblesse et les courtisans Ă Versailles.
Conclusion
La Fontaine raconte cette petite mésaventure de deux rats en utilisant des ressources musicales et poétiques, mais il reste toujours simple et plaisant. Cette forme illustre bien la morale du rat des champs : les plaisirs sophistiqués ne valent pas les plaisirs simples, si on ne peut en profiter sereinement !
Mais derriĂšre cette limpiditĂ© apparente de lâĂ©criture, le narrateur joue avec les valeurs opposĂ©s : le festin de roi nâest-il pas en rĂ©alitĂ© quâun festin pour des rats ? Chez La Fontaine, la morale universelle des fables dâĂsope et dâHorace est doublĂ©e dâune satire de la cour : est-ce que les restes du roi valent le train de vie qui est imposĂ© Ă Versailles ?
â Super : voir les conditions pour accĂ©der Ă tout ! â
âšÂ La Fontaine, Les Fables âïž Le Rat de ville et le Rat des champs (guide pour un commentaire composĂ©)
Le site existe grĂące Ă vous !
âș Pour un prix libre, vous accĂ©dez Ă TOUT mon site, sans limites !
âș Le systĂšme de paiement est international et sĂ©curisĂ© Ă 100%.
âș Vous pouvez vous dĂ©sengager en un seul clic.
âș Une question particuliĂšre ? Contactez-moi par email : mediaclasse.fr@gmail.com
Connexion
Pas de compte ? Création gratuite !
RĂ©initialiser mon mot de passe !
âšÂ * La Fontaine, Les Fables - Le Rat de ville et le Rat des Champs (texte) *
Le site existe grĂące Ă vous !
âș Pour un prix libre, vous accĂ©dez Ă TOUT mon site, sans limites !
âș Le systĂšme de paiement est international et sĂ©curisĂ© Ă 100%.
âș Vous pouvez vous dĂ©sengager en un seul clic.
âș Une question particuliĂšre ? Contactez-moi par email : mediaclasse.fr@gmail.com
Connexion
Pas de compte ? Création gratuite !
RĂ©initialiser mon mot de passe !
âšÂ * La Fontaine, Les Fables đ Le Rat de ville et le Rat des champs (axes de lecture) *
Le site existe grĂące Ă vous !
âș Pour un prix libre, vous accĂ©dez Ă TOUT mon site, sans limites !
âș Le systĂšme de paiement est international et sĂ©curisĂ© Ă 100%.
âș Vous pouvez vous dĂ©sengager en un seul clic.
âș Une question particuliĂšre ? Contactez-moi par email : mediaclasse.fr@gmail.com
Connexion
Pas de compte ? Création gratuite !
RĂ©initialiser mon mot de passe !
âšÂ * Les Fables de La Fontaine - đ (I,9) Le Rat de ville et le Rat des champs (analyse en PDF) *
   * Document téléchargeable réservé aux abonnés.