La Fontaine, Fables ,
« La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf » â Analyse au fil du texte
Notre Ă©tude porte sur la fable entiĂšre
Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'Ă©tait pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'Ă©tend, et s'enfle, et se travaille,
Pour Ă©galer l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma soeur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilĂ ?
- Vous n'en approchez point. "La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bĂątir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
Introduction
Lâenvie, lâorgueil, et le dĂ©sir de paraĂźtre, ce sont des sujets bien connus des moralistes. Dâailleurs, les contemporains de La Fontaine adorent traiter ce sujet : La Rochefoucauld dans ses Maximes , MoliĂšre dans ses comĂ©dies, La BruyĂšre invente mĂȘme un personnage reprĂ©sentatif dans ses CaractĂšres :
Pamphile [...] a une fausse grandeur qui l'abaisse. [...] Plein de lui-mĂȘme, [il] ne se perd pas de vue, [et] ne sort point de l'idĂ©e de sa grandeur. [...] Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un thĂ©Ăątre : [...] nourris dans le faux, [ils] ne haĂŻssent rien tant que d'ĂȘtre naturels ; vrais personnages de comĂ©die.
La BruyĂšre, Les CaractĂšres , 1688.
DĂšs la troisiĂšme fable de son premier livre, La Fontaine reprĂ©sente aussi un personnage outrecuidant (c'est-Ă -dire, qui se croit plus quâil nâest), sous la forme dâune grenouille qui veut se faire aussi grosse quâun bĆuf.
Comme chez MoliĂšre ou La BruyĂšre on retrouve bien cette figure du comĂ©dien sans cesse en reprĂ©sentation ! Mais lâĂ©criture de La Fontaine est profondĂ©ment originale, le genre de la fable lui permet de mĂ©langer lâart du rĂ©cit et la poĂ©sie, et dâutiliser les animaux pour mieux parler des hommes.
Problématique
Comment cette mise en scĂšne originale dâune grenouille qui imite un bĆuf permet-elle de renouveler le discours des moralistes sur le dĂ©sir de paraĂźtre ?
Axes de lecture pour un commentaire composé
> Un art du récit sophistiqué.
> Une mise en scÚne qui joue avec les codes du théùtre.
> Des ressources poĂ©tiques qui mobilisent lâĂ©motion du lecteur.
> Des animaux qui représentent la société humaine.
> Une fable qui entretient des liens avec de nombreux textes.
> La dĂ©nonciation dâun monde dâapparences.
> Un message qui a une valeur universelle.
Premier mouvement :
Une intention moraliste
Une grenouille vit un bĆuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui nâĂ©tait pas grosse en tout comme un Ćuf,
Envieuse, sâĂ©tend, et sâenfle, et se travaille
Pour Ă©galer lâanimal en grosseur ;
La fable, câest un poĂšme et câest en mĂȘme temps un rĂ©cit : du coup, La Fontaine utilise les procĂ©dĂ©s des deux genres, regardez : les rimes croisĂ©es correspondent bien Ă la situation initiale dans le schĂ©ma narratif. Alors quâon Ă©tait au passĂ© (imparfait et passĂ© simple), on passe soudainement au prĂ©sent de lâindicatif : ça permet dâintroduire lâĂ©lĂ©ment perturbateur, vers le nĆud de lâintrigue.
Les deux animaux sont mis en relation dĂšs le premier vers, avec en plus un jeu sur les rimes : la grenouille est rejetĂ©e toute seule en tĂȘte de phrase, comparĂ©e Ă un Ćuf, qui est aussi de petite taille, mais qui rime ironiquement avec le mot boeuf. Cette opposition est aussi un lieu commun... On la trouve dans des expressions populaires par exemple : « qui vole un oeuf vole un boeuf » qui vole une petite chose pourrait tout aussi bien voler une grande chose.
On retrouve cette mĂȘme opposition dans la syntaxe, regardez : les deux subordonnĂ©es relatives sâopposent : celle qui dĂ©finit le boeuf occupe naturellement 2 vers avec un enjambement (la phrase se prolonge sur plusieurs vers) alors que la subordonnĂ©e qui dĂ©crit la grenouille tient tout entiĂšre sur le mĂȘme vers. Les deux animaux reprĂ©sentent bien une opposition universelle : le petit qui regarde le grand.
Mais ça va plus loin : en fait, la subordonnée de la grenouille provoque aussi un enjambement, mais juste pour retarder les verbes « étendre ⊠enfler ⊠se travailler » : la phrase est comme allongée de maniÚre artificielle. En plus, les allitérations (retour de sons consonne) en S illustrent bien ce gonflement factice. Les effets poétiques dénoncent déjà des apparences trompeuses.
Lâadjectif « Envieuse » se retrouve en tĂȘte de vers avec en plus une diĂ©rĂšse qui allonge le mot : les deux voyelles qui se suivent sont comptĂ©es dans deux syllabes sĂ©parĂ©es. Câest un thĂšme bien connu des moralistes : lâenvie est un dĂ©faut humain universel. Par exemple, un contemporain de La Fontaine, La Rochefoucauld, en parle souvent dans ses Maximes :
La jalousie est en quelque maniĂšre juste et raisonnable, puisquâelle ne tend quâĂ conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous appartenir ; au lieu que lâenvie est une fureur qui ne peut souffrir le bien des autres.
La Rochefoucauld, Maximes , 1665.
En plus au XVIIe siĂšcle, les esprits sont imprĂ©gnĂ©s dâune morale chrĂ©tienne, oĂč lâenvie est considĂ©rĂ©e comme un pĂ©chĂ© capital, câest Ă dire quâil provoque dâautres fautes. Saint Thomas dâAquin en fait notamment une longue description dans sa Somme ThĂ©ologique :
Le pĂ©chĂ© de lâenvie est un vice capital duquel naissent la haine, le murmure, la mĂ©disance, la joie quâon Ă©prouve des maux du prochain et lâaffliction quâon ressent de sa prospĂ©ritĂ©.
Saint Thomas dâAquin, Somme ThĂ©ologique , 1485.
Avec ce mot, on passe dâune situation qui met en scĂšne deux animaux, Ă une vĂ©ritable satire des dĂ©fauts humains : les petits veulent parfois Ă©galer les grands, les puissants. Les images prennent alors une deuxiĂšme signification symbolique : « lâoeuf » reprĂ©sente un rang social modeste (câest dâailleurs un aliment de base Ă lâĂ©poque) tandis que la « belle taille » et la « grosseur » du boeuf reprĂ©sentent la richesse. On dit que la fable est un apologue : le rĂ©cit ne sert quâĂ illustrer une idĂ©e philosophique ou morale.
Le verbe « enfler » permet alors de construire une mĂ©taphore filĂ©e : la grenouille reprĂ©sente un prĂ©tentieux qui en fait trop⊠Sa vantardise ressemble Ă du vent qui le gonfle artificiellement : en fait, ce nâest que du vide. Et câest vrai que la grenouille mĂąle possĂšde un sac vocal qui peut se gonfler, pour produire des coassements plus sonores lors de la parade nuptiale.
Le gonflement de la grenouille nâest donc quâune apparence vide de sens : voilĂ pourquoi câest surtout la vue qui est mobilisĂ©e dans ce dĂ©but de fable : « voir ⊠sembler ⊠grosse ⊠grosseur ⊠taille ». La Fontaine ne critique pas tant lâambition de la grenouille que les moyens artificieux, et sa motivation premiĂšre : le sentiment dĂ©raisonnable dâenvie.
DeuxiĂšme mouvement :
Une chute pleine de sens
Disant : Regardez bien, ma sĆur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; nây suis-je point encore ? â
Nenni. â Mây voici donc ? â Point du tout. â Mây voilĂ ? â
Vous nâen approchez point. La chĂ©tive pĂ©core
Sâenfla si bien quâelle creva.
Selon les versions, la ponctuation peut varier, mais en tout cas, on passe maintenant au discours direct : les paroles sont rapportĂ©es telles quelles, sans modification. On pourrait mĂȘme parler de stichomythies : les rĂ©pliques sâenchaĂźnent rapidement, comme au thĂ©Ăątre. La Fontaine fait une vĂ©ritable mise en scĂšne dramatique.
Dans notre schĂ©ma narratif, ces rĂ©pliques rapides prennent la place des pĂ©ripĂ©ties : comme câest souvent le cas au thĂ©Ăątre, la parole est en soi une action. Ici le verbe « dire » au participe prĂ©sent inscrit lâaction dans la durĂ©e : on comprend que plus la grenouille parle, plus elle gonfle, et dâailleurs, dans la nature, câest bien ça qui se passe : le grossissement de la grenouille correspond surtout au gonflement de son sac vocal, qui permet lâaugmentation du volume sonore de ses coassements.
Ă ce moment de la fable, la parole prend toute la place, câest visible dans la forme mĂȘme du texte, regardez : trois alexandrins (donc de 12 syllabes), avec des tirets longs qui allongent encore le vers visuellement, puis un octosyllabe (8 syllabes) qui le raccourcit brusquement. La mĂ©trique vient gonfler le texte en mĂȘme temps que la grenouille, qui se dĂ©gonfle ensuite aussi vite quâelle. Lâenjambement du dernier vers souligne encore ce dĂ©bordement de la phrase qui sâarrĂȘte ensuite brusquement.
Le verbe « regarder » est bientĂŽt remplacĂ© par le verbe « dire » : celle qui nâĂ©tait que spectatrice est invitĂ©e sur scĂšne pour commenter ce quâelle voit. Elle est en plus la « sĆur » de lâactrice : un terme quâon emploie plutĂŽt pour des humains. La Fontaine implique son lecteur, il le fait monter sur scĂšne et lâinvite Ă se reconnaĂźtre dans ces animaux.
« Mây voici ⊠Mây voilà » : La Fontaine place la scĂšne sous nos yeux. Dâailleurs, le pronom adverbial « y » nâa pas dâantĂ©cĂ©dent bien dĂ©fini : les linguistes parlent de dĂ©ictique quand le pronom renvoie non pas Ă un Ă©lĂ©ment du texte, mais Ă la situation dâĂ©nonciation elle-mĂȘme. Câest un procĂ©dĂ© typique du thĂ©Ăątre : La Fontaine met en scĂšne la fable sous les yeux de son lecteur.
Dans la version dâĂsope, la grenouille a aussi un auditoire, mais on est loin de la mise en scĂšne qui fait tout lâart de La Fontaine :
Elle [...] demanda Ă ses compagnes si sa taille commençait Ă approcher de celle du BĆuf. Elles lui rĂ©pondirent que non. Elle fit donc de nouveaux efforts pour s'enfler toujours de plus en plus, et demanda encore une autre fois aux Grenouilles si elle Ă©galait Ă peu prĂšs la grosseur du BĆuf. Elles lui firent la mĂȘme rĂ©ponse que la premiĂšre fois. La Grenouille ne changea pas pour cela de dessein ; mais la violence qu'elle se fit pour s'enfler fut si grande, qu'elle en creva sur-le-champ.
Ăsope, Fables , « De la Grenouille et du Boeuf », VIe siĂšcle avant J.-C.
Le verbe « ĂȘtre » devient tout de suite le verbe « approcher » dans la rĂ©plique de la sĆur : ce nâest donc pas tant lâambition qui est critiquĂ©e ici, que lâenvie et lâorgueil qui font tomber dans la faussetĂ©. Avec les verbes Ă lâimpĂ©ratif, elle se met un peu trop sur le devant de la scĂšne, et elle multiplie la premiĂšre personne du singulier : elle se donne en spectacle. Dâailleurs souvent dans les illustrations de cette fable, le bĆuf lui-mĂȘme assiste Ă la scĂšne.
Le lecteur reconnaĂźt tout de suite un personnage trĂšs humain bien reprĂ©sentĂ© chez les moralistes : le prĂ©tentieux (du latin prae-tendere, câest Ă dire, qui se tend en avant), ou bien lâoutrecuidant (de lâancien français cuider, croire : celui qui se croit plus quâil nâest), ou encore, le fat (celui qui est niaisement prĂ©tentieux), et enfin le vaniteux (du latin vanitas : le vide, la faussetĂ©, la frivolitĂ©).
Face Ă la multiplication des questions fermĂ©es (qui attendent une rĂ©ponse positive ou nĂ©gative uniquement), on retrouve Ă chaque fois la mĂȘme rĂ©ponse : « Nenni ⊠Point du tout ⊠Vous nâen approchez point »⊠Les nĂ©gations sont de plus en plus longues comme pour souligner ironiquement lâĂ©chec inĂ©vitable de la tentative. Les prĂ©sentatifs vont dans le mĂȘme sens : dâabord « voici » qui est plus proche, et ensuite « voilà » comme si le but sâĂ©loignait.
Dans notre schĂ©ma narratif, la fin du dialogue correspond exactement au dĂ©nouement du rĂ©cit. Les deux passĂ©s simple mettent en plus ces deux derniĂšres actions au premier plan : câest une chute soudaine et brutale, qui est mise sous les yeux du lecteur.
Ici, le fabuliste intervient lui-mĂȘme dans lâhistoire pour juger son personnage avec des termes pĂ©joratifs : « chĂ©tive pĂ©core ». ChĂ©tive : une personne frĂȘle ; pĂ©core : une femme sotte et prĂ©tentieuse. La Fontaine la rapproche dâun personnage stĂ©rĂ©otypĂ©. Ce sont bien des dĂ©fauts humains que le fabuliste vise Ă travers lâanimal.
TroisiĂšme mouvement :
Une morale subtile
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bĂątir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
La morale prend tout de suite un tour universel : « le monde ⊠plein de gens » avec le verbe ĂȘtre au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale pour des actions vraies en tout temps. Le dĂ©terminant indĂ©fini « Tout » est rĂ©pĂ©tĂ© en tĂȘte de vers, câest ce quâon appelle une anaphore rhĂ©torique : cela laisse penser que La Fontaine ne fait pas une liste exhaustive : tout le monde est concernĂ©.
Chez Ăsope, il nây a pas du tout de morale : il laisse le lecteur tirer ses propres conclusions. Chez PhĂšdre, la morale est situĂ©e dĂšs le dĂ©but de la fable. Elle est annoncĂ©e de maniĂšre beaucoup plus abrupte :
Le pauvre, en voulant imiter le puissant, se perd. Dans la prairie un jour une grenouille se mit Ă contempler un bĆuf. Prise de jalousie Ă la vue d'une si grande taille, elle gonfla sa peau ridĂ©e.
PhÚdre, Fables , « La Grenouille et le Boeuf », Ier siÚcle aprÚs J.-C.
La Fontaine a dĂ©placĂ© la morale Ă la fin, et il en profite pour donner trois exemples : le bourgeois, le petit prince, le marquis. Les vers sont de plus en plus courts, comme si la fable se dĂ©gonflait Ă la fin. Mais ces classes sociales ne sont pas hiĂ©rarchisĂ©es ici : il sâagit bien de garder un sens le plus universel possible. La Fontaine vise tout un chacun Ă travers la grenouille. Dâailleurs, il rappelle dans sa prĂ©face que tout le monde est visĂ© par ses morales, mĂȘme Jupiter le roi des dieux :
[...] Une ample Comédie à cent actes divers,
Et dont la scĂšne est l'Univers.
Hommes, Dieux, Animaux, tout y fait quelque rĂŽle :
Jupiter comme un autre [...]
Mais La Fontaine traite diffĂ©remment ces trois exemples. Le bourgeois, comme le marquis, veulent des choses au-dessus de leur condition. Le mĂȘme verbe est rĂ©pĂ©tĂ© deux fois : malgrĂ© leur diffĂ©rence sociale, ils sont mis sur le mĂȘme plan.
Par contre, les petits princes possĂšdent bel et bien des ambassadeurs. La Fontaine se moque tout spĂ©cialement de ces petits monarques qui se constituent un appareil diplomatique uniquement pour lâapparence : ils sont trop petits pour ĂȘtre vĂ©ritablement en contact avec de grands rois.
Les verbes sont de plus en plus futiles, regardez : bĂątir ce nâest souvent quâune façade pour montrer sa puissance. PossĂ©der des ambassadeurs inutiles, cela devient absurde. RĂȘver dâavoir des pages, câest vouloir jeter de la poudre aux yeux de ses invitĂ©s. On peut parler dâune gradation : une augmentation en intensitĂ©, qui montre la futilitĂ© des dĂ©sirs humains.
Ces trois exemples permettent de mieux comprendre la sagesse dont il est question ici : il nâest jamais bon de vouloir paraĂźtre ce quâon nâest pas. Ce nâest pas tant lâambition qui est critiquĂ©e ici, que le vent dont on se gonfle : le masque avantageux que chacun porte pour flatter son orgueil. On retrouve le thĂšme baroque du theatrum mundi : le monde est un thĂ©Ăątre oĂč chacun joue un rĂŽle.
En élargissant son exemple aux marquis, La Fontaine met en garde les nobles qui viennent à Versailles : à force de vouloir paraßtre, certains se retrouvent endettés. Dans ses Mémoires, Saint-Simon montre que cela permet à Louis XIV de mieux contrÎler la noblesse :
Il aima en tout la splendeur, la magnificence, la profusion. Ce goût il le tourna en maxime par politique, et l'inspira en tout à sa cour. C'était lui plaire que de s'y jeter en tables, en habits, en équipages [...] Le fond était qu'il [...] réduisit ainsi peu à peu tout le monde à dépendre entiÚrement de ses bienfaits pour subsister.
Saint-Simon, MĂ©moires , 1829 (posthume).
Cette grenouille de la fable, on la retrouve aussi chez MoliÚre, sous les traits de M. Jourdain, le bourgeois gentilhomme. Le jeune Cléonte, qui voudrait bien épouser Lucile, la fille de Monsieur Jourdain, reformule la morale :
CLĂONTE. â Je trouve que toute imposture est indigne dâun honnĂȘte homme, et quâil y a de la lĂąchetĂ© Ă dĂ©guiser ce que le ciel nous a fait naĂźtre, Ă se parer aux yeux du monde dâun titre dĂ©robĂ©, Ă se vouloir donner pour ce quâon nâest pas. Je suis nĂ© de parents, sans doute, qui ont tenu des charges honorables ; je me suis acquis, dans les armes, lâhonneur de six ans de services, et je me trouve assez de bien pour tenir dans le monde un rang assez passable ; mais, avec tout cela, je ne veux point me donner un nom oĂč dâautres en ma place croiraient pouvoir prĂ©tendre, et je vous dirai franchement que je ne suis point gentilhomme.
MoliĂšre, Le Bourgeois Gentilhomme , 1670.
Conclusion
Dans cette fable, La Fontaine met en scĂšne ces personnages animaux avec toutes les ressources de lâart du rĂ©cit et de la poĂ©sie pour marquer son lecteur.
Cette grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf nâest pas tant ridiculisĂ©e pour son ambition, que par sa dĂ©mesure, les moyens factices quâelle met en Ćuvre, et par ses motivations critiquĂ©es par le moraliste : lâenvie, lâorgueil, le dĂ©sir de paraĂźtre.
Cette dĂ©nonciation de lâenvie, des excĂšs, et dâun monde dâapparences est trĂšs prĂ©sente au XVIIe siĂšcle, mais elle constitue aussi un message universel goĂ»tĂ© Ă toutes les Ă©poques.
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