Couverture pour Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne

Olympe de Gouges,
Déclaration des droits de la femme
et de la citoyenne
, 1793.
Abrégé et commenté




Nous allons décrypter ensemble la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne d'Olympe de Gouges tout au long de notre parcours. Je vous présenterai la pensée de l'autrice avec les citations clés commentées et expliquées en toute simplicité.

L'ouvrage est divisé en 5 parties. D'abord, une dédicace « À la Reine » : Olympe de Gouges, critique à l’égard de l’Ancien Régime, n’est pas opposée une royauté. Elle adresse son texte à Marie-Antoinette.

Ensuite, une courte introduction, intitulée, « les droits de la femme » qui commence par une apostrophe aux hommes qui résonne comme un défi : « Homme, es-tu capable d'être juste ? »

Puis, la déclaration en elle-même est divisée en trois parties : le postambule et les 17 articles qui sont une réécriture de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Et enfin, le postambule : « Femme, réveille-toi ».

Nous allons découvrir ensemble ce texte qu'Olympe de Gouges écrit en 1791 et qui est considéré comme un ouvrage fondateur pour la cause féministe en France et dans le monde.

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À la Reine



Olympe de Gouges s'adresse directement à Marie-Antoinette, en l'appelant « Madame », et sans faire toutes les démonstrations d'admiration que font habituellement, dit-elle, les courtisans. Elle affirme bien qu'elle n'est pas là pour flatter la Reine.
Mon but, Madame, est de vous parler franchement : je n'ai pas attendu, pour m'exprimer ainsi, l'époque de la liberté.

Olympe de Gouges admire les progrès philosophiques de son siècle : la Raison et la Liberté sont des valeurs reconnues, revendiquées par les révolutionnaires.

Mais loin de s’opposer à la Reine, Olympe de Gouges annonce au contraire qu'elle l’a toujours défendue face aux médisances. En effet, Marie-Antoinette est très critiquée parmi le peuple.

Dans un premier temps, Olympe de Gouges conjure la Reine de faire revenir les frères de Louis XVI qu'on accuse de lever des troupes à l'étranger, et qui sont donc sur le point de faire la guerre à la France...
Ah ! Madame, songez que vous êtes mère et épouse ; employez tout votre crédit pour le retour des princes.

Pour Olympe de Gouges, cette prise de position pourrait lui réconcilier l'amour des français. Mais une autre ambition serait encore plus noble, et lui garantirait le soutien d'au moins la moitié du royaume : défendre la cause des femmes.
Il n'appartient qu'à celle que le hasard a élevé à une place éminente, de donner du poids à l'essor des Droits de la Femme, et d'en accélérer le succès.

Le verbe "accélérer" est intéressant : Olympe de Gouges, confiante dans les progrès de la Raison et de la Liberté, est convaincue que cette lutte va aboutir, que ce n'est qu'une question de temps. Elle conseille donc à la Reine de prendre part à ce combat et à la gloire qui l’accompagne :
Songez, Madame, que les plus grands crimes s'immortalisent comme les plus grandes vertus (...) Soutenez, Madame, une si belle cause ; défendez ce sexe malheureux. (...) Voilà à quels exploits vous devez (...) employer votre crédit.

Ce sont là les grands arguments de cette dédicace : l'amour des peuples, le goût de la bienfaisance, et la postérité. Et en effet, Marie-Antoinette est une reine qui incarne une certaine liberté face aux codes de la cour, ce discours sur la gloire pouvait la toucher.

Dans cette dédicace, Olympe de Gouges fait de cette cause féministe une chance pour la Nation entière. On retrouvera cette idée tout au long de notre texte.
C'est ainsi que tout bon citoyen sacrifie sa gloire,ses intérêts, quand il n'a pour objet que ceux de son pays.

Les droits de la femme



La première phrase de cette introduction est à la fois une apostrophe et une question rhétorique : avant de prendre la parole au nom des femmes, Olympe de Gouges interpelle les hommes :
Homme, es-tu capable d'être juste ? C'est une femme qui t'en fait la question, tu ne lui ôteras pas du moins ce droit !

En mettant ce mot « Homme » en tête de phrase, avec la majuscule, Olympe de Gouges souligne l'hypocrisie de ces droits de l'Homme qui ne sont finalement pas les droits de l'être humain.

La question est donc rhétorique, puisque la réponse est implicite, évidente : en maintenant les femmes dans une position inférieure, l'homme est surtout capable d'être injuste. Mais le défi est lancé : et si vous osiez appliquer vos droits de l'homme à la femme également ?

Olympe de Gouges tourne alors son regard vers la Nature : c'est pour elle un exemple, car c'est là qu'on trouve les lois de la Raison, l'organisation la plus parfaite. C'est une idée qui montre bien l'influence des Lumières sur sa pensée. Elle poursuit donc sa démonstration : les animaux des deux sexes contribuent tous à la vie :
Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d'œuvre immortel. L'homme seul s'est fagoté un principe de cette exception.

« Fagoté », c’est-à-dire, fabriqué maladroitement. Comment expliquer que l'homme se soit autant éloigné de la nature ? Olympe de Gouges le dit « Bizarre, aveugle, boursouflé de science et dégénéré ». Les mots sont très forts : en opprimant les femmes, l’homme s’oppose à l’ordre naturel, il devient contre-nature.
Dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l'ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l'égalité, pour ne rien dire de plus.

Ainsi, à travers cette accusation, Olympe de Gouges garde confiance en l'avenir : les lumières de la philosophie et de la Révolution sont un révélateur… Elles rendent intenables les contradictions de ces hommes qui réclament l'égalité sans envisager celle des femmes.

Dès lors, la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qu'elle s'apprête à rédiger sont la prochaine étape inévitable, initiée par tout le processus révolutionnaire...

Préambule



Le préambule de la Déclaration des Droits de la Femme et de la citoyenne est le début de la réécriture opérée par Olympe de Gouges.

Avant de commencer, une précision un peu technique mais très utile : le texte d'origine, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, est souvent appelé hypotexte, la réécriture étant l'hypertexte. Ainsi, tous les effets de sens et de style proviennent des écarts par rapport au texte original.

Des écarts significatifs sont justement présents dès les premiers mots : Olympe de Gouges change le sujet même de la déclaration. L'Assemblée Nationale, composée uniquement d'hommes, n'est pas à ses yeux représentative de la Nation, il faut réclamer une Assemblée de femmes. Olympe de Gouges exprime cette demande en leur nom :
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation. demandent à être constituées en Assemblée nationale.

Pour Olympe de Gouges, le droit des femmes est absolument nécessaire pour l'équilibre de la Nation entière. Laisser le pouvoir aux hommes seulement, est à ces yeux une grave erreur :
Considérant que (...) l'oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements.

Le mot « mépris », présent dans le texte d'origine, prend ici une nouvelle dimension, engagée, revendicatrice pour les femmes. Olympe de Gouges ajoute alors un élément qui n'est pas présent dans le texte d'origine : l'idée que ces droits garantissent non seulement la Constitution et le bonheur de tous, mais aussi « les bonnes mœurs ».

Le droit des femmes contribue naturellement à des mœurs qui respectent l'importance des liens familiaux. Cela donne aux femmes un rôle central, voire même prééminent : la société entière ne peut exister sans elles.
En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare (...) les Droits suivants de la femme et de la Citoyenne.

Cette valeur du courage, habituellement associée au registre épique, celui de la guerre, est ici au contraire associé à la maternité, à la naissance de futurs citoyens.

Ce passage a un rôle charnière : le lien de conséquence, présent dans le texte d'origine, prend alors une toute autre valeur : parce que les femmes ont un rôle aussi important, voire plus, que celui des hommes, il est nécessaire, non seulement de déclarer, mais aussi de garantir leurs droits.

Par une simple substitution, les droits des femmes deviennent aussi sacrés, inaliénables et incontestables que celui des hommes. Les négations lexicalisées prennent une force nouvelle : on ne peut aliéner (c'est-à-dire abolir) ni même contester ces droits, légitimés par cette déclaration.

Le texte juridique prend donc une dimension performative : il ne s'agit pas seulement de déclarer, mais de faire respecter, de faire advenir : la parole est aussi un acte.

Articles I à XVII



1) Dans le premier article, Olympe de Gouges transforme le texte pour faire ressortir l'égalité entre la femme et l'homme :
La femme naît libre et demeure égale à l'Homme en droits.

Ce verbe « demeurer » fait alors ressortir la nécessité de mettre en place des outils politiques qui préservent les droits acquis.

2) C'est le sens de l'article 2.
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles

Comme dans la déclaration d'origine, Olympe de Gouges énumère ces droits : « liberté, propriété, sûreté ». Mais elle ajoute un adverbe « surtout » pour insister sur « la résistance à l'oppression ». Maintenant que la tyrannie des rois est écartée, c'est celle des hommes sur les femmes qui est visée.

3) Dans le troisième article, Olympe de Gouges ajoute alors une courte définition de ce qu'est la Nation à ses yeux :
La réunion de la Femme et de l'Homme.

4,5) Les article 4 et 5 dénoncent « la tyrannie perpétuelle que l'homme oppose aux droits naturels de la femme ». La déclaration que nous sommes en train de lire est donc particulièrement ambitieuse : elle doit permettre d'y opposer des limites :
Ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

6) On se pose naturellement la question : comment définir ces limites de manière légitime ? L'article 6 défend une idée très forte : la Loi doit être l'expression de la volonté générale. Olympe de Gouges ajoute les femmes en tête du groupe nominal :
Toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation.

7, 8, 9) Les articles 7 à 9 revendiquent une loi juste, et égalitaire. C’est une condition nécessaire pour qu’elle puisse être appliquée rigoureusement à tous :
Les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.

10) Le devoir de se plier à la loi est légitime parce qu’il s’accompagne du droit de participer à son élaboration. Olympe de Gouges le dit d’une manière particulièrement percutante, c’est l’une des citations les plus célèbres :
La femme a le droit de monter à l'échafaud ; elle doit également celui de monter à la Tribune.

La tournure est remarquable du point de vue du style, mais aussi de l'effet produit. Le nom « droit », repris par le pronom « celui » met en parallèle les deux verbes « monter ». Mais contrairement à l'échafaud, la Tribune a une majuscule.

Ce passage est aussi célèbre parce que Olympe de Gouges, s'élevant contre la terreur, sera elle-même guillotinée en 1793. Elle montera à l'échafaud avec un courage rare, et ses derniers mots seront :
« Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »

11) Monter à la tribune, c’est une des formes de la liberté d'expression. Olympe de Gouges utilisait en effet tous les modes d’expression : théâtre, journaux, et même les murs de Paris, où elle placardait ses textes les plus acerbes.

Pour elle, la parole des femmes est d'autant plus importante qu'elle fonde le noyau familial : en effet, ce sont elles qui affirment la légitimité d'une naissance :
Toute citoyenne peut dire librement : je suis mère d'un enfant qui vous appartient.

C'est l'une des causes qu’Olympe de Gouges défend avec le plus de force et de constance : les enfants doivent être reconnus par leurs pères, même hors mariage.

12-15) les articles 12 à 15, dans le texte original, affirment la nécessité d'une force publique pour faire respecter les lois, et d'une contribution de tous à l'effort collectif (notamment l'impôt). Olympe de Gouges souligne alors l'importance de la contribution des femmes :
Elle a part (...) à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places.

16) l'article 16 est fondamental, car il définit ce que doit être une constitution : elle cadre toutes les autres lois. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen insiste avant tout sur la séparation des pouvoirs, concept que Montesquieu formule dans son Esprit des Lois. Mais Olympe de Gouges ajoute alors une proposition particulièrement originale qui vise à renforcer la légitimité du Régime librement consenti :
La Constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n'a pas coopéré à sa rédaction.

17) Le dernier article déclare le droit de propriété. Olympe de Gouges le renouvelle en dénonçant le fait que les femmes, mais aussi les enfants adultérins, sont le plus souvent exclus de ce droit, puisqu’ils dépendent des biens de leurs maris ou de leurs pères.
Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés ; [...] comme vrai patrimoine de la nature.

À travers ces 17 articles, on voit bien comment Olympe de Gouges, en intégrant les femmes dans un texte conçu normalement pour tous les êtres humains, fait surgir des questions bien plus larges, concernant la famille, le régime politique, la définition de la Nation elle-même, et bousculant en même temps de nombreux préjugés culturels.

Postambule



Alors que le préambule commençait par une apostrophe aux hommes, le postambule interpelle les femmes :
Femme, réveille-toi, le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'Univers, reconnais tes droits.

Les impératifs : « réveille toi... reconnais tes droits » sont les conséquences de la déclaration qui précède. L'écriture engagée est performative : elle doit avoir des conséquences dans la réalité.

Olympe de Gouges utilise alors une belle image : le tocsin (cloche qui sonne pour alerter la population d'un danger). Par cette métaphore, elle se fait sonneuse d'alerte : l'inégalité qu'elle dénonce est bien un danger, une calamité qui menace toute la Nation.

Elle fait alors remarquer que si la Révolution a renversé un ordre social injuste, elle n'a fait que renforcer l'inégalité des sexes : celle-ci était compréhensible, tant que l'homme était esclave d'un Régime injuste, mais, désormais libéré des tyrans, il devient responsable du nouvel ordre des choses.
Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Femmes ! femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué,un dédain plus signalé.

Pour Olympe de Gouges, il est temps de généraliser les principes de liberté et d'égalité. Les législateurs qui n’affranchiraient pas les femmes iraient à l'encontre de la marche de l'Histoire.
S'ils s'obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité.

Olympe de Gouges fait alors allusion à l'idée centrale du célèbre texte de La Boétie De la Servitude Volontaire : « Tout esclave a en main le pouvoir de briser sa servitude », dans une phrase particulièrement percutante :
Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir, vous n'avez qu'à le vouloir.

Or l'occasion se présente justement, parce qu'il est question, à ce moment-là, dans les débats politiques, d'une éducation nationale. Pour Olympe de Gouges, cette institution doit permettre d’émanciper les femmes. Elles ne seront plus les conseillères qui agissaient dans l'ombre d'hommes influents dans un régime aristocratique.

Olympe de Gouges fait alors un tableau de la condition des femmes sous l'Ancien Régime : elles ne pouvaient que profiter des faiblesses et des vices des hommes fortunés, mais elles étaient le plus souvent victimes de l'ordre établi, et notamment du commerce des femmes. Elle compare alors cette condition à celle des esclaves :
La raison peut-elle se dissimuler que tout autre chemin à la fortune est fermé à la femme que l'homme achète, comme l'esclave sur les côtes d'Afrique ?

Olympe de Gouges était farouchement opposée à l’esclavage, qu’elle dénonce notamment dans une pièce qu’elle a monté en 1788 : Zamore et Mirza. La pièce rencontre une forte opposition, mais elle préfigure la première abolition de l’esclavage en France, en 1794.

Poursuivant son tableau de la condition féminine à son époque, Olympe de Gouges multiplie les exemples de destins misérables. C'est l'un des rares passages où l’on trouve le registre pathétique : l'argumentation, qui cherche à convaincre rationnellement, cherche aussi à persuader, en faisant appel aux sentiments :
D'autres exemples plus touchants s'offrent à la raison. Une jeune personne sans expérience, séduite par un homme qu'elle aime, abandonnera ses parents pour le suivre, l'ingrat la laissera après quelques années !

Pour Olympe de Gouges, les lois doivent corriger ces injustices, en donnant aux femmes, non seulement des droits, mais aussi le pouvoir de les défendre, même en-dehors du mariage, qui n'est qu'une autre forme de subordination.

D'ailleurs Olympe de Gouges, mariée en 1765, devenue veuve peu de temps après, refusera toujours de se remarier, pour conserver ses droits.

Enfin, Olympe de Gouges affirme la nécessité d’une éducation nationale, permettant aux femmes de connaître, puis de défendre et de conserver leurs droits, dans une société plus sensible aux valeurs d’égalité et de justice.
Si tenter de donner à mon sexe une consistance honorable et juste, est considérée dans ce moment (...) comme tenter l'impossible (...) en attendant, on peut la préparer par l'éducation nationale, par la restauration des mœurs et par les conventions conjugales.

Forme du contrat social
de l'homme et de la femme



Dans cette dernière partie, Olympe de Gouges rédige un modèle d'acte de mariage, qui doit garantir à la fois l'égalité entre les époux et la protection de leurs enfants.

Nous N et N, mus par notre propre volonté, nous unissons pour le terme de notre vie, et pour la durée de nos penchants mutuels, aux conditions suivantes.

La première condition consiste à mettre leur fortune en commun, mais en se réservant le droit de confier une part de ce bien aux enfants qu'ils reconnaissent.

Notre bien appartient directement à nos enfants, de quelque lit qu'ils sortent, et que tous indistinctement ont le droit de porter le nom des pères et mères qui les ont avoués.

La suite du contrat prévoit alors le partage de leur fortune, en cas de séparation ou de décès de l'un des conjoints, dans le but de protéger notamment les enfants.

Ce modèle d'acte conjugal est donc particulièrement révolutionnaire puisqu'à l'époque, le droit au divorce n'existe pas, et les enfants dits naturels, hors-mariage, ne sont pas reconnus et n'ont aucun droit. On pourrait croire que ce texte juridique encourage une dissolution des mœurs. Il n'en est rien puisqu'au contraire elle renforce la responsabilité de chacun à l'égard de ses enfants. Olympe de Gouges est bien consciente des arguments de ses détracteurs :

À la lecture de ce bizarre écrit, je vois s'élever contre moi les tartufes, les bégueules, le clergé et toute la séquelle infernale.

Olympe de Gouges dénonce au passage un clergé masculin et les bégueules, les femmes qui affectent une trop grande pruderie. Pour Olympe de Gouges, justement, son texte doit améliorer les mœurs, et c'est ce qu'elle va tout de suite démontrer :

Lorsqu'il y aura une loi qui autorisera la femme du pauvre à faire adopter au riche ses enfants, les liens de la société seront plus resserrés, et les mœurs plus épurés.

Ce texte a donc pour objectif de protéger les plus faibles, en responsabilisant les plus riches. Olympe de Gouges donne deux exemples : les veuves, et les demoiselles trompées, filles-mères souvent obligées de mendier et qu'on retrouve dans les hospices. Pour Olympe de Gouges, c'est à la loi de mettre un terme à ces désordres.

Je voudrais, dis-je, que cette loi forçât un inconstant à tenir ses engagements, ou à une indemnité proportionnée à sa fortune [...] que l'homme partage sa fortune avec la femme, non à son caprice, mais par la sagesse des lois. Le préjugé tombe, les mœurs s'épurent.

Le point suivant abordé par Olympe de Gouges est le cas des prostituées, puisque bien souvent, cela devient l'unique moyen de survie de femmes qui sont en fait les victimes de la dépravation des élites. Cette très forte conscience des liens cachés entre classes sociales éloignées caractérise la pensée d'Olympe de Gouges.

Elle s'indigne alors de voir ce qui se passe dans les colonies, et fait allusion à un décret, un projet d'abolition de l'esclavage fortement combattu par ceux qui ont des intérêts commerciaux. Olympe de Gouges dénonce notamment les pères n'hésitent pas à se débarrasser des enfants qu'ils ne reconnaissent pas.

II était bien nécessaire que je dise quelques mots sur les troubles que cause, dit-on, le décret en faveur des hommes de couleur, dans nos îles. C'est là où la nature frémit d'horreur ; c’est là où la raison et l'humanité n'ont pas encore touché les âmes endurcies.

Il s'agit donc enfin, non seulement de rédiger des lois justes, mais aussi de les faire appliquer. C'est le jeu des deux pouvoirs : législatif et exécutif. Pour Olympe de Gouges. ces deux pouvoirs doivent fonctionner ensemble, comme deux époux :

Je considère ces deux pouvoirs, comme l'homme et la femme qui doivent être unis, mais égaux en force et en vertu, pour faire un bon ménage.

Olympe de Gouges raconte alors une anecdote amusante, où un cocher lui réclame plus que son dû. Le commissaire de paix, fort de son autorité, la menace d'avoir recours à la force pour la faire payer. Olympe de Gouges met en garde le nouveau régime : il ne pourra pas durer s'il applique les lois de manière arbitraire et corrompue.

Que font ces juges de paix ? Que font ces commissaires, ces inspecteurs du nouveau régime ? Rien que des sottises et des monopoles. L'Assemblée nationale doit fixer toute son attention sur cette partie qui embrasse l'ordre social.

Enfin, dans le post-Scriptum, Olympe de Gouges dit qu'elle a suspendu l'impression de cet ouvrage pour pouvoir y ajouter cette note : elle se réjouit que le Roi Louis XVIe ait accepté la nouvelle Constitution le 13 septembre 1791, qui inclut les droits de l'Homme et du Citoyen. C'est la toute première Constitution écrite de France, qui instaure le droit de vote, la séparation des pouvoirs, et limite la monarchie.

PS : Cet ouvrage était composé depuis quelques jours, [...] cependant je ne puis m'empêcher d'en arrêter la presse et de faire éclater la pure joie que mon cœur a ressentie à la nouvelle que le roi venait d'accepter la Constitution.

Avec ce dernier texte, Olympe de Gouges diversifie encore les procédés de son écriture engagée. Capable de démontrer, de convaincre, de persuader, elle utilise des émotions variées : empathie, indignation, joie, et n'hésite pas à avoir recours au récit, à l'anecdote pour emporter l'adhésion de ses lectrices et de ses lecteurs.



Olympe de Gouges (enhanced).

⇨ Gouges, 𝘋é𝘤𝘭𝘢𝘳𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘥𝘦𝘴 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵𝘴 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦 𝘦𝘵 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘤𝘪𝘵𝘰𝘺𝘦𝘯𝘯𝘦 🎧 Abrégé et expliqué (version audio podcast)

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