Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791.
Postambule : « Femme, réveille-toi » (explication linéaire)
Extrait étudié
Femme, rĂ©veille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout lâunivers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature nâest plus environnĂ© de prĂ©jugĂ©s, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vĂ©ritĂ© a dissipĂ© tous les nuages de la sottise et de lâusurpation. Lâhomme esclave a multipliĂ© ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ă femmes ! femmes, quand cesserez-vous dâĂȘtre aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la RĂ©volution ? Un mĂ©pris plus marquĂ©, un dĂ©dain plus signalĂ©. Dans les siĂšcles de corruption vous nâavez rĂ©gnĂ© que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est dĂ©truit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de lâhomme. La rĂ©clamation de votre patrimoine, fondĂ©e sur les sages dĂ©crets de la nature ; quâauriez-vous Ă redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot du lĂ©gislateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos lĂ©gislateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochĂ©e aux branches de la politique, mais qui nâest plus de saison, ne vous rĂ©pĂštent : femmes, quây a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous Ă rĂ©pondre. Sâils sâobstinaient, dans leur faiblesse, Ă mettre cette inconsĂ©quence en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement la force de la raison aux vaines prĂ©tentions de supĂ©rioritĂ© ; rĂ©unissez-vous sous les Ă©tendards de la philosophie ; dĂ©ployez toute lâĂ©nergie de votre caractĂšre, et vous verrez bientĂŽt ces orgueilleux, nos serviles adorateurs rampants Ă vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trĂ©sors de lâĂtre suprĂȘme. Quelles que soient les barriĂšres que lâon vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous nâavez quâĂ le vouloir.
Introduction
Accroche
âą En 1793, Olympe de Gouges est guillotinĂ©e peu de temps avant Marie Antoinette. Ses derniers sur lâĂ©chafaud sont : « Enfants de la Patrie, vous me vengerez ! ».
âą Dans la mĂȘme pĂ©riode, Mme Roland est aussi guillotinĂ©e, pour avoir tenu un salon aux idĂ©es avancĂ©es et dĂ©rangeantes.
⹠En fait, de nombreuses femmes ont contribué à la Révolution Française : femmes du peuple réclamant du pain à Versailles, salonniÚres chez qui se sont forgés les concepts clés de la Révolution.
⹠Des femmes assistaient aux débats de la Convention, on les appelait les « tricoteuses » car elles écoutaient en tricotant.
⹠Pourtant, les femmes sont écartées du droit de vote par la constitution de 1791.
Situation
âą Cette usurpation dâun droit fondamental pour lequel elles se sont battues mĂšne Olympe de Gouges, femme libre, engagĂ©e et combattante, Ă rĂ©diger La DĂ©claration des Droits de la Femme et de la Citoyenne la mĂȘme annĂ©e.
âą Ce texte se compose dâun prĂ©ambule adressĂ© aux hommes, dâarticles de lois qui pastichent ceux de la DĂ©claration de lâHomme et du Citoyen de 1789
âą Enfin vient le postambule, destinĂ© aux femmes, qui les exhorte Ă faire reconnaĂźtre leurs droits, tant quâil en est encore temps.
Problématique
Comment Olympe de Gouges, dans ce postambule, entend-t-elle rĂ©veiller les consciences, alors que les droits des femmes menacent dâĂȘtre oubliĂ©s par la RĂ©volution qui bascule dans la Terreur ?
Mouvements de l'explication linéaire
Lâapostrophe du dĂ©but est suivie dâune sĂ©rie de questions auxquelles ODG rĂ©pond dans un troisiĂšme temps : ces marques structurent notre texte.
ââ 1. La RĂ©volution de 1789 « sous lâĂ©tendard des LumiĂšres ».
ââ 2. La RĂ©volution est prĂ©sentĂ©e comme une rencontre ratĂ©e pour les femmes.
ââ 3. ODG espĂšre une autre RĂ©volution pour le droit des femmes.
Axes de lecture pour un commentaire composé
I. Montrer les injustices faites aux femmes
ââ 1) Un pamphlet virulent et amer
ââ 2) Un Ă©tat comparable Ă l'esclavage
ââ 3) DĂ©noncer des dĂ©cisions rĂ©trogrades
II. Revendiquer les valeurs des LumiĂšres
ââ 1) Sâappuyer sur un idĂ©al universel
ââ 2) Les avancĂ©es des philosophes des LumiĂšres
ââ 3) Le pouvoir de la Raison
III. Une révolution pour les femmes
ââ 1) Sortir des logiques de lâAncien RĂ©gime
ââ 2) les Ă©lĂ©ments d'un vĂ©ritable programme de lutte
ââ 3) Se donner les moyens d'obtenir ces droits
Premier mouvement :
La RĂ©volution de 1789 « sous lâĂ©tendard des LumiĂšres »
Femme, rĂ©veille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout lâunivers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature nâest plus environnĂ© de prĂ©jugĂ©s, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vĂ©ritĂ© a dissipĂ© tous les nuages de la sottise et de lâusurpation. Lâhomme esclave a multipliĂ© ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne.
Un pamphlet particuliĂšrement virulent
⹠ODG utilise la forme du pamphlet : texte destiné à frapper les esprits, caractéristique du registre polémique.
âą Lâapostrophe est directe, sans article, « femme ». ODG sâadresse Ă LA femme dans son sens gĂ©nĂ©rique, sans faire de distinction sociale.
âą Ce postambule renvoie au prĂ©ambule adressĂ© Ă lâHomme « Homme, es-tu capable dâĂȘtre juste ? »
âą Le tutoiement indique la proximitĂ©, la sororitĂ© (fait dâĂȘtre ou de se sentir sĆurs).
âą LâimpĂ©ratif dâordre « RĂ©veille-toi » crĂ©e une image pour mieux mobiliser les femmes, en les reprĂ©sentant endormies alors que la RĂ©volution prend des dĂ©cisions en leur dĂ©faveur.
âš Cette mise Ă lâĂ©cart des femmes est injuste notamment parce que la RĂ©volution a un idĂ©al universel
Sâappuyer sur un idĂ©al universel
âą Lâimage du « tocsin de la raison » (sâopposant au tocsin de lâĂ©glise) fait donc appel Ă tout ĂȘtre douĂ© de Raison.
âą Le CC de lieu « dans tout lâunivers » souligne lâidĂ©al universel de la RĂ©volution, câest une hyperbole Ă lâĂ©poque.
âą En effet, la DĂ©claration universelle des droits de lâhomme nâest signĂ©e quâen 1948 (par 58 Ătats membres de lâONU).
âą La parataxe (avec les points virgule) indique que la derniĂšre action « Reconnais tes droits » doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e dans la foulĂ©e.
âą La Femme doit sâopposer Ă lâusurpation de ses droits puisquâelle est comme lâhomme dĂ©tentrice dâune mĂȘme Raison.
âš La DĂ©claration dâorigine repose en effet sur la notion de « droit naturel » cher aux philosophes (Rousseau, Locke) : le droit est Ă©tabli par lâappartenance Ă lâhumanitĂ©.
Lâinfluence des LumiĂšres
⹠ODG recourt à des thÚmes propres aux écrivains des LumiÚres : « la raison ⊠le puissant empire de la nature ».
⹠La métaphore du « flambeau de la vérité » est trÚs riche : la vérité est un véritable guide pour la Raison.
âą Lâimage des « nuages de la sottise » file cette mĂ©taphore de la Raison qui apporte la lumiĂšre dans la nuit de lâobscurantisme.
âą Un champ lexical de lâoppression crĂ©e une confrontation : « prĂ©jugĂ©s, fanatisme, superstition et mensonge ».
⹠Ces termes issus des écrits de Voltaire ou de l'Encyclopédie de Diderot sont réutilisés par Robespierre, Marat, Danton...
⹠Le passé composé « a dissipé » désigne des actions récentes qui ont des conséquences sur le présent.
âą De mĂȘme, la nĂ©gation partielle « nâest plus » souligne quâune nouvelle Ăšre sâest ouverte.
⚠Ces valeurs nouvelles issues des LumiÚres dénoncent une condition féminine injuste désormais intenable.
Une condition intenable comparĂ©e Ă lâesclavage des noirs
âą ODG sâĂ©lĂšvre contre lâesclavages dans son théùtre (Zamore et Mirza), ses pamphlets (RĂ©flexion sur les Hommes NĂšgres).
âą Elle fait ici de tout citoyen masculin un « homme esclave » car lâesclavage est lâimage par excellence de la privation des libertĂ©s.
âą Elle souligne que la force de lâhomme a Ă©tĂ© « multipliĂ©e »âŠ
⹠Avec le pronom possessif « recourir aux tiennes » elle souligne que les femmes ont combattu avec les hommes.
âą La mĂ©taphore « briser les fers » renvoie Ă une certaine image de lâesclave Ă cette Ă©poque.
âą Cette image « fers » typique de lâesclavage de lâĂ©poque renvoie Ă la phrase cĂ©lĂšbre de Rousseau : « lâhomme est nĂ© libre et partout il est dans les fers » (PrĂ©ambule du Contrat Social, 1762).
⹠La derniÚre phrase met en parallÚle « devenu libre / devenu injuste » pour montrer la responsabilité des hommes : libres, ils auraient dû libérer les femmes.
⚠ODG prévoit que les injustices iront croissant. En effet, aprÚs sa mort, les clubs de femmes sont interdits (octobre 1793).
DeuxiĂšme mouvement :
La Révolution, une rencontre ratée pour les femmes.
Ă femmes ! femmes, quand cesserez-vous dâĂȘtre aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la RĂ©volution ? Un mĂ©pris plus marquĂ©, un dĂ©dain plus signalĂ©. Dans les siĂšcles de corruption vous nâavez rĂ©gnĂ© que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est dĂ©truit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de lâhomme. La rĂ©clamation de votre patrimoine, fondĂ©e sur les sages dĂ©crets de la nature ; quâauriez-vous Ă redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot du lĂ©gislateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos lĂ©gislateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochĂ©e aux branches de la politique, mais qui nâest plus de saison, ne vous rĂ©pĂštent : femmes, quây a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous Ă rĂ©pondre.
Une invective au ton amer
âą ODG change de ton : elle sâadresse aux femmes par une double interjection mise en valeur par le « à » lyrique qui exprime de façon emphatique le regret.
âą ODG se distancie cette fois des autres femmes en les vouvoyant : « quand cesserez-vous dâĂȘtre aveugles ? » : elle met en cause leur passivitĂ© et va en montrer les consĂ©quences.
âą La mĂ©taphore de lâaveuglement fait Ă©cho au champ lexical lumiĂšre /obscuritĂ© du premier paragraphe.
âą Le lecteur de lâĂ©poque reconnaĂźt la cĂ©lĂšbre tirade de Figaro de Beaumarchais « Ă femme, femme⊠» Ă©voquant sa dĂ©ception quand il croit que Suzanne le trompe.
âš Ce point de vue (ironique chez Beaumarchais) faisant des femmes un ĂȘtre dĂ©cevant, rĂ©sonne comme un dĂ©fi pour rĂ©veiller les femmes.
Des questions qui sont autant de défis
⹠Les questions sont rhétoriques et ouvertes « Quels sont les avantages » obligeant à chercher une réponse implicite.
⹠Elles résonnent comme une accusation aux hommes et un défi aux femmes « Que vous reste-t-il ? »
âą ODG y rĂ©pond elle-mĂȘme par des phrases nominales (ce qui en accentue la brutalitĂ©) : « un mĂ©pris plus marquĂ© ⊠la conviction des injustices », etc.
âą Ces rĂ©ponses sont organisĂ©es sous la forme dâune gradation (augmentation en intensitĂ©) : le « mĂ©pris » laisse place Ă la « conviction » puis Ă la « rĂ©clamation ».
âą La question rhĂ©torique « Quâauriez-vous Ă redouter ? » avec le conditionnel indique quâil est encore temps de rĂ©agir.
âą Les verbes « redouter » puis « craindre » Ă©taient valables sous lâAncien RĂ©gime, mais aujourdâhui, le courage prĂ©vaut.
âš Chaque question marque une nouvelle Ă©tape : le droit des femmes aurait dĂ» progresser en sortant de lâAncien RĂ©gime.
Une dĂ©gradation par rapport Ă lâAncien RĂ©gime
⹠Le parallélisme « plus marqué ⊠plus signalé » avec les deux termes presque synonymes « mépris ⊠dédain » indique une situation dégradée.
âą Le pouvoir des femmes passe par une mĂ©taphore politique «le rĂšgne ⊠lâempire » qui appartient au passĂ©, il « est dĂ©truit » (le participe passĂ© marque une Ă©poque rĂ©volue).
âą La pĂ©riphrase « siĂšcle de corruption » dĂ©signe lâAncien RĂ©gime.
âą ODG ironise sur le fait que le pouvoir des femmes sâappuyait sur « faiblesse des hommes » on pense aux favorites qui influencent les souverains (Madame de Pompadour).
âą Mais le pouvoir des femmes va plus loin, certaines Ă©taient souveraines (Catherine de Russie) certaines Ă©taient scientifiques (Ămilie du ChĂątelet) et ont soutenu les EncyclopĂ©distes.
âš Tous les espoirs des LumiĂšres et de la RĂ©volution sont déçus car les constats de 1791 sont dramatiquesâŠ
Un bilan dramatique
⹠Deux solutions sont évoquées, symétriques et brusques « la conviction des injustices // la réclamation de votre patrimoine »
âą Dâabord, la « conviction » : la rĂ©alitĂ© des injustices est dĂ©sormais impossible Ă nier quand on regarde ce que les rĂ©volutionnaires ont fait.
âą Ensuite, la « rĂ©clamation de votre patrimoine » l'Ă©tymologie du terme « patrimoine » (= hĂ©ritĂ© du pĂšre) dĂ©nonce bien lâinjustice que câest de devoir le rĂ©clamer.
⹠Ce « patrimoine » est à prendre dans un sens le plus large : tous les droits issus des « sages décrets de la nature ».
âą En raccourci : la seule chose quâil reste aux femmes câest de rectifier les dĂ©clarations des hommes, ce que vient de faire Olympe de Gouges en réécrivant la dĂ©claration de 1789.
âą Au vu de lâactualitĂ© de lâĂ©poque : ODG songe Ă revenir aussi sur la constitution de 1791 qui vient tout juste dâĂȘtre rĂ©digĂ©e, et qui rĂ©serve le droit de vote Ă des hommes riches propriĂ©taires !
âą La morale est « accrochĂ©e aux branches de la politique » : cette mĂ©taphore montre Ă quel point ces domaines se sont mĂȘlĂ©s.
âš Olympe de Gouges accuse les rĂ©volutionnaire de poursuivre lâordre ancien de bien des maniĂšres, notamment en reconduisant une vision de la femme marquĂ©e par des prĂ©jugĂ©s moraux issus de la religion.
La dĂ©nonciation dâune religion rĂ©trograde
âą Lâanecdote des Noces de Cana est tirĂ©e de La Bible. Lâinfluence de lâĂglise Ă©tait telle que toutes les femmes, Ă©levĂ©es par des prĂȘtres et des religieuses, la connaissent.
⹠La périphrase « législateur des noces de Cana » désigne le Christ, mis en parallÚle avec « les Législateurs français » (les rédacteurs de la Constitution).
âą Ces rĂ©volutionnaires anticlĂ©ricaux reconduisent pourtant une morale chrĂ©tienne qui soumet la femme Ă lâhomme.
âą Avec ironie, ODG fait allusion Ă un « bon mot » : le Christ renvoyant Marie Ă son statut de femme : « Tu nâes quâune crĂ©ature ».
âą ODG lui oppose une rĂ©ponse nette avec lâindĂ©fini « Tout » qui fait allusion Ă la phrase cĂ©lĂšbre de SieyĂšs : « Quâest-ce que le Tiers Ătat ? â Tout » au dĂ©but de la RĂ©volution Française.
âš Ce passage montre lâanticlĂ©ricalisme dâODG : la RĂ©volution doit remettre en cause lâinfĂ©rioritĂ© imposĂ©e aux femmes par les superstitions religieuses.
TroisiĂšme mouvement :
Une autre révolution pour le droit des femmes ?
Sâils sâobstinaient, dans leur faiblesse, Ă mettre cette inconsĂ©quence en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement la force de la raison aux vaines prĂ©tentions de supĂ©rioritĂ© ; rĂ©unissez-vous sous les Ă©tendards de la philosophie ; dĂ©ployez toute lâĂ©nergie de votre caractĂšre, et vous verrez bientĂŽt ces orgueilleux, nos serviles adorateurs rampants Ă vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trĂ©sors de lâĂtre suprĂȘme. Quelles que soient les barriĂšres que lâon vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous nâavez quâĂ le vouloir.
Un programme de lutte
âą LâhypothĂšse est lourde de sens : si la direction donnĂ©e Ă la RĂ©volution ne change pas « Sâils sâobstinaient⊠» cette DĂ©claration des Droits de la Femme serait un objectif de lutte.
âą Les verbes dâaction se succĂšdent l'impĂ©ratif : « Ă©pousez, rĂ©unissez vous, dĂ©ployez » : ODG engage les femmes Ă une action politique. Les clubs de femme sont notamment trĂšs actifs au dĂ©but de la RĂ©volution.
⹠Le tutoiement « Réveille-toi » a laissé place à une deuxiÚme personne du pluriel « opposez, réunissez, vous verrez » ODG guide les femmes.
âą Puis elle sâinclut parmi les femmes qui luttent avec la premiĂšre personne du pluriel « nos serviles adorateurs ».
âą La certitude du rĂ©sultat est marquĂ©e par le futur de lâindicatif quasiment prophĂ©tique : « Vous verrez »
⚠Les femmes restent porteuses des idéaux des LumiÚres (force de la raison, étendards de la philosophie, énergie du caractÚre féminin).
Une opposition de valeurs
âą Le champ lexical de lâhĂ©roĂŻsme est attribuĂ© aux femmes « courage, force, Ă©tendards, Ă©nergie, caractĂšre ».
⹠Au contraire les hommes sont qualifiés avec des termes péjoratifs : « faiblesse, inconséquence, contradiction, orgueil, vaines prétentions ».
⹠La négation lexicalisée dénonce la courte vue des hommes « inconséquence ».
âą Les « vaines prĂ©tentions » sâinscrivent mĂȘme dans toute une tradition morale qui traverse les siĂšcles.
âą Lâimage finale retourne la relation de domination : « nos serviles adorateurs rampant Ă vos pieds », faisant rĂ©fĂ©rence Ă une image de lâamour courtois finalement galvaudĂ©e en cette fin de XVIIIe siĂšcle (la femme est suzeraine de lâhomme).
âą Enfin, le Dieu du christianisme est remplacĂ© par lâĂtre SuprĂȘme, Dieu « naturel » des philosophes.
âš ODG prend la posture dâune guide, exhortant les autres femmes Ă suivre son exemple.
Vouloir, câest pouvoir
⹠Les verbes se répondent phonétiquement
La derniÚre exhortation d'ODG fait les verbes : « pouvoir » et « vouloir ». Le pouvoir est subordonné au vouloir.
âą La restriction « Vous nâavez quâà » montre un objectif accessible, Ă portĂ©e de main.
âą Lâemploi du verbe « affranchir » est incorrect, mais comprĂ©hensible. Il faut savoir que La DĂ©claration DâOlympe de Gouges a surtout pour vocation dâĂȘtre lue Ă lâoral.
⹠Cette référence est une allusion au Discours de La Servitude Volontaire de La Boétie qui ressurgit au moment de la Révolution (il est cité par Marat notamment) :
« Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. »
âš parallĂšle efficace dâODG entre la rĂ©volte et la fermetĂ© nĂ©cessaires aux hommes pour rĂ©sister au roi-tyran et aux femmes pour lutter contre lâhomme-tyran.
Conclusion
Bilan
âą Dans ce postambule, Olympe de Gouges sâappuie sur les valeurs de LumiĂšres et la vocation universelle de la DĂ©claration de 1789 pour Ă©crire un pamphlet particuliĂšrement virulent.
âą Ce texte exprime le sentiment des femmes dâavoir Ă©tĂ© pour ainsi dire flouĂ©es par les hommes de la RĂ©volution qui ont rĂ©servĂ© le droit de vote (par le « cens ») Ă de riches propriĂ©taires.
âą Enfin, on peut admirer la force de conviction dâOlympe de Gouges qui utilise lâinvective face Ă des tribuns comme Robespierre, Marat, Danton.
Ouverture
âą Olympe de Gouges connaĂźt bien Condorcet qui publie en 1790 un essai : Sur lâadmission des femmes au Droit de CitĂ©. Il sâĂ©tonne que les femmes aient si peu de droits et dĂ©fend notamment leur droit Ă lâĂ©ducation. Ce texte aura une grande influence sur la IIIe RĂ©publique.
Nâont-ils pas violĂ© le principe de lâĂ©galitĂ© des droits, en privant tranquillement la moitiĂ© du genre humain de celui de concourir Ă la formation des lois, en excluant les femmes du droit de citĂ© ?
Ange-Louis Janet, Allégorie de la France illuminant le monde, vers 1870.