Couverture pour Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme…
3 citations décryptées




Le combat d’Olympe de Gouges n’est-il qu’un combat pour l’égalité ? Comment implique-t-il des valeurs aussi variées que la justice, la liberté, la fraternité, voire même la sororité ? C’est ce qu’on va comprendre en analysant trois citations de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne.

Première citation :
Les Droits de la Femme



Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ?

Dans cette première citation, Olympe de Gouges revendique avant tout la justice « Homme, es-tu capable d’être juste ? ». Elle interroge les hommes directement en les tutoyant (« dis-moi ? ») pour mieux souligner l'hypocrisie de ces droits de l'Homme de 1789 qui ne changent rien au sort des femmes…

L’homme est donc accusé « d’ôter » aux femmes leurs droits, et même de les « oppresser », elles manquent de liberté. Olympe de Gouges a donc recours au seul droit qui lui reste « tu ne lui ôteras pas du moins ce droit » avec le démonstratif : ce droit, justement, d’apostropher l’oppresseur.

C’est toute la force littéraire de ce texte : Olympe de Gouges se met en scène dans son propre discours avec le présentatif : « C’est une femme qui t’en fait la question ». L’article indéfini « une femme » représente bien toutes les femmes, qu’on retrouve ensuite dans le possessif « mon sexe ».

On peut alors se demander : est-ce que cette question est rhétorique ? Quelle que soit la réponse, elle résonne surtout comme un défi, soit de justifier, soit de réparer l’injustice.

Cela explique la question suivante « qui t’a donné le souverain empire ? ». Cette fois les réponses tombent à l’eau : « La force » n’a rien de légitime, « les talents » ne reposent sur rien d’objectif.

Voilà ce qui nous amène à notre deuxième citation : après avoir interpellé les hommes avant le préambule, symétriquement, Olympe de Gouge s’adresse aux femmes dans le postambule.

Deuxième citation :
Extrait du Postambule



Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation.

L’apostrophe est directe : « Femme, réveille-toi », on retrouve le même tutoiement, mais cette fois-ci les questions rhétoriques sont remplacées par des impératifs « Réveille-toi … reconnais tes droits ». La métaphore de l’éveil, c’est la fin d’un aveuglement, et donc symboliquement la fin de l’obscurantisme.

La métaphore est ensuite filée, avec d’un côté le « flambeau de la vérité » qui éclaire l’avenir, et de l’autre les « nuages de la sottise et de l’usurpation » qui obscurcissent le passé.

Olympe de Gouges revendique explicitement l’héritage des Lumières, qui ont bouleversé le XVIIIe siècle. D’où le sens accompli du passé composé « le puissant empire de la nature n’est plus environné … la vérité a dissipé ».

La métaphore est aussi sonore avec « le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ». La philosophie des Lumières est bien « universaliste » : la « raison » est la même pour tous, une même « vérité » dans tout « l’empire de la Nature ».

Ainsi pour Olympe de Gouges, « les préjugés, le fanatisme, la superstition, et les mensonges » sont devenus ceux des révolutionnaires qui perpétuent la domination masculine de l’Ancien Régime. Olympe de Gouges sait que son discours a une dimension subversive… Cela nous mène à la troisième citation.

Troisième citation :
Article X



Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes fondamentales ; la femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi.

Ce passage est très beau, parce que Olympe de Gouges prédit sans le savoir sa propre exécution, puisqu’elle montera à « l’échafaud » pour avoir placardé ses « opinions », sur le murs de Paris, la « tribune » qui était à sa disposition…

Mais ce passage est beau aussi d’un point de vue littéraire, parce que « le droit de monter à l’échafaud » est aussitôt repris par le pronom « celui de monter à la tribune » : les deux s’équilibrent parfaitement, autour de l’adverbe « également », mettant en parallèle les deux expressions qui utilisent le verbe « monter ».

J’ai conservé la citation entière : la citoyenne doit pouvoir s’exprimer comme le citoyen « pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre établi ». Pour Olympe de Gouges, la liberté d’expression, instrument de vérité et de cohésion sociale exclut le mensonge, la diffamation, ou l’incitation à la haine.





Portait présumé d'Olympe de Gouges.

⇨ * GOUGES, 𝘋é𝘤𝘭𝘢𝘳𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘥𝘦𝘴 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵𝘴 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦... 💟 3 citations analysées (PDF téléchargeable) *

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