Couverture du livre Gargantua de Rabelais

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Couverture pour Gargantua

Les personnages principaux
de Gargantua de Rabelais



Quand on se penche sur les personnages du roman Gargantua, on se rend vite compte que les personnages se rĂ©partissent en deux pĂŽles. D’un cĂŽtĂ©, ceux qui entourent Grandgousier, personnages positifs : Gargantua lui-mĂȘme, son prĂ©cepteur Ponocrates et ses compagnons.

En face, les personnages nĂ©gatifs
 Dans la premiĂšre partie du roman, ce sont d’abord les mauvais prĂ©cepteurs et les thĂ©ologiens de la Sorbonne. Ces personnages incarnent la malhonnĂȘtetĂ© intellectuelle et le dogmatisme religieux.

Ensuite, dans la deuxiÚme partie du roman, toujours du cÎté des personnages négatifs, tout le camp de Picrochole, le seigneur voisin qui envahit les terres de Grandgousier, sans raison. Ils incarnent toutes les mauvaises pratiques diplomatiques et militaires.

Avec ce tableau, on devine bien que cette rĂ©partition des personnages rĂ©vĂšle le systĂšme de valeur de Rabelais lui-mĂȘme.

Grandgousier



Grandgousier, c'est le pĂšre de Gargantua, on va voir qu’il incarne toutes les valeurs humanistes dĂ©fendues par Rabelais. Bon vivant et gĂ©nĂ©reux, le roman s’ouvre sur un festin oĂč il convie tous ses voisins.

DĂšs le dĂ©but, c’est un modĂšle pour son fils, mais aussi pour le lecteur : Grandgousier sait voir plus loin que les apparences. Par exemple, il dĂ©cĂšle l’intelligence de Gargantua derriĂšre l’anecdote triviale du torche-cul.
— Tu es plein de bon sens, mon petit bonhomme ; [...] je te ferai passer docteur en gai savoir [...] car tu as de la raison plus que tu n'as d'annĂ©es.

Grandgousier sait s’entourer des bonnes personnes. Par exemple, c’est son ami Dom Philippe des Marais (Vice-roi de Papeligosse) qui lui prĂ©sente Ponocrates, le bon prĂ©cepteur.

Il entretient de bonnes relations diplomatiques avec les seigneurs voisins. Quand Picrochole envahit ses terres, il met tout en Ɠuvre pour Ă©viter la guerre. D’abord, il envoie des ambassadeurs pour comprendre les causes du conflit.
— Je veux en avoir le fin mot, avant que de dĂ©cider autre chose sur ce qu'il convient de faire.

Ensuite, il envoie des charrettes entiùres de fouaces plutît que de recourir à la violence
 Et enfin, il est croyant, mais pas excessivement religieux. Ce n’est qu’aprùs avoir agi, qu’il prie Dieu qu'il fasse revenir ses ennemis à la raison.

Quand il s’avĂšre que la guerre est inĂ©vitable, il Ă©crit Ă  son fils. C’est un passage passionnant, parce qu’il lui fait pratiquement un rĂ©sumĂ© de ses principes militaire :
Mon intention n'est pas de provoquer mais d'apaiser, ni d'attaquer mais de défendre, ni de conquérir mais de garder mes loyaux sujets et mes terres héréditaires. [...] Le résultat sera atteint avec la moindre effusion de sang possible et, si c'est réalisable (grùce à des moyens plus efficaces, des piÚges et des ruses de guerre) nous sauverons toutes les ùmes et renverrons tout ce monde joyeux en ses demeures.

On voit donc ressortir plusieurs valeurs importantes : la paix, la loyautĂ©, la transmission, protĂ©ger les civils en pensant au salut de l’ñme avant tout, et privilĂ©gier la stratĂ©gie Ă  la destruction.

Quand la guerre est finie, Grandgousier traite bien ses prisonniers, et ne punit que les responsables.

Certaines de ses phrases sont d’ailleurs de vĂ©ritables aphorismes de sagesse. Quand il reproche Ă  son ennemi Picrochole son excĂšs d’ambition, on reconnaĂźt ce que les anciens appelaient l’hybris, le crime de dĂ©mesure.
— C'est trop d'ambition [...] : qui trop embrasse mal Ă©treint. Le temps n'est plus de conquĂ©rir ainsi les royaumes en causant du tort Ă  son prochain.

Ainsi pour Grandgousier comme pour Rabelais, il faut se méfier des excÚs. La religion par exemple, doit respecter le bon sens, et contribuer à la vie humaine. Voilà pourquoi il réprouve les pÚlerinages :
Ne vous embarquez pas pour ces voyages ineptes et inutiles. Entretenez vos familles, travaillez chacun selon votre vocation, instruisez vos enfants [...]. Ce faisant, vous serez sous la protection de Dieu.

Gargamelle



C’est la mĂšre de Gargantua, elle n’est pas trĂšs prĂ©sente Ă  travers le roman, mais elle a tout de mĂȘme un rĂŽle central : c’est elle qui donne Ă  Gargantua son origine quasiment mythologique : ayant mangĂ© trop de tripes, elle lui donne naissance par l’oreille.

C’est intĂ©ressant parce que dans la mythologie, c’est AthĂ©na (Minerve en grec) la dĂ©esse de l’intelligence et de la stratĂ©gie militaire, qui sort toute armĂ©e du crĂąne de Zeus.

Tout dans cette naissance est symbolique. D’abord, les tripes, ce sont les intestins, qui reprĂ©sentent la digestion. Or chez Rabelais, tout processus intellectuel est comparable Ă  une digestion, qui commence par l’écoute.

Ainsi, cette naissance par l’oreille et ces cris « À boire, Ă  boire ! » laissent deviner les intentions de Rabelais : la boisson est surtout une mĂ©taphore pour parler, non pas d’alcool, mais des bonnes paroles, qui passent par l’oreille, et qui Ă©lĂšvent ensuite l’intelligence et l’ñme — si on parvient Ă  n’en garder que la substantifique moĂ«lle


Et ainsi, ce personnage de Gargamelle est aussi l’occasion pour Rabelais de mettre de cĂŽtĂ© les commentaires inutiles et superflus, les exĂ©gĂšses et gloses de toutes sortes.
Le SupplĂ©ment au SupplĂ©ment des Chroniques dit que Gargamelle en mourut de joie. Pour ma part, je n'en sais rien et je [m’en soucie] bien peu.

Gargantua



Gargantua, c’est le gentil gĂ©ant qui donne son titre au roman. Son nom provient des premiers mots de son pĂšre Ă  sa naissance « que grand tu as » Sous-entendu le gosier. Il est donc le digne fils de son pĂšre, Grandgousier.

Mais justement, dans ce nom, il y a une ellipse (une omission laissĂ©e Ă  la sagacitĂ© du lecteur) : on ne dit pas explicitement ce qu’il a de grand. C’est donc une invitation Ă  imaginer toutes les dimensions symboliques du personnage. Ce qui est grand avant tout chez Gargantua, c’est la soif : soif de savoir / appĂ©tit de connaissance.

Je crois que ce qui donne le plus de richesse Ă  la lecture, quand on lit ce roman, c’est de considĂ©rer Gargantua comme un « gĂ©ant de papier » qui serait un peu comme le double inversĂ© de l’ogre des contes de fĂ©e. Au lieu d’ĂȘtre une force destructrice, son appĂ©tit est inspirant, crĂ©ateur et gĂ©nĂ©reux.

Gargantua, c’est donc Ă  la fois le gĂ©ant et le livre. Semblable aux SilĂšnes, ces boites des apothicaires d’apparence grotesque, qui renferment des substances prĂ©cieuses, ou encore Ă  l’os qui contient la substantifique moĂ«lle, et Ă  Socrate lui-mĂȘme, que Rabelais qualifie de « prince des philosophes ».

Au point mĂȘme que le portrait de Socrate pourrait certainement s’appliquer en grande partie Ă  Gargantua :
Ne voyant que son physique [...] vous n'en auriez pas donnĂ© une pelure d'oignon : [...] le regard d’un taureau, les vĂȘtements rustiques, toujours prĂȘt Ă  trinquer avec chacun, [...]. Mais en ouvrant une telle boĂźte, vous auriez trouvĂ© au-dedans [...] une intelligence plus qu'humaine, une force d'Ăąme prodigieuse, [...] une sobriĂ©tĂ© sans Ă©gale.

Ainsi, l’homme toujours prĂȘt Ă  trinquer est en mĂȘme temps d’une parfaite sobriĂ©tĂ©. Cela confirme bien que la boisson dĂ©signe surtout ici la joie de vivre, la convivialitĂ© : c’est-Ă -dire, l’échange qui fait grandir, le gĂ©ant nous Ă©lĂšve Ă  sa hauteur.

Au Moyen-ùge, puis à la Renaissance, il y a une image trÚs répandue parmi les penseurs et les philosophes. Ils disent : nous sommes des nains perchés sur les épaules de géants.

On doit cette image Ă  un certain ​​Bernard de Chartres, philosophe du XIIe siĂšcle qui a travaillĂ© toute sa vie pour concilier les pensĂ©es de Platon et d’Aristote :
Nous sommes comme des nains juchĂ©s sur des Ă©paules de gĂ©ants (les Anciens), de telle sorte que nous puissions voir plus de choses et de plus Ă©loignĂ©es que n’en voyaient ces derniers.

Il y a deux Ă©lĂ©ments extraordinaires dans cette image. D’abord, le fait de s’en rĂ©fĂ©rer aux Anciens, ce n’est pas si simple dans un contexte oĂč de nombreux auteurs grecs et latins sont considĂ©rĂ©s comme profanes. Rabelais lui-mĂȘme s’est vu confisquer une partie de sa bibliothĂšque en 1523. Lire les Anciens et notamment les grecs c’est Ă  l’époque faire preuve d’une trop grande indĂ©pendance d’esprit vis Ă  vis de la religion.

DeuxiĂšme Ă©lĂ©ment qui va avoir son importance dans les siĂšcles Ă  venir : « nous pouvons voir des choses plus Ă©loignĂ©es que n’en voyaient ces derniers ». C’est-Ă -dire que le respect que nous avons pour nos Anciens ne doit pas nous empĂȘcher de chercher Ă  voir plus loin. Notre modestie (nous sommes des nains) ne doit pas Ă©teindre notre curiositĂ©.

Et en effet, Gargantua ressemble Ă  une mĂ©taphore dionysiaque de l’intelligence elle-mĂȘme, une allĂ©gorie oĂč le corps, gigantesque et Ă  gĂ©omĂ©trie variable, devient monstrueux et difforme ou au contraire prodigieux et puissant, selon le soin que l’on apporte Ă  son Ăąme.

Ainsi, tant qu’il se peigne avec un gobelet, il met la charrue avant les bƓufs ! Sous-entendu, tant qu’il utilise des outils inappropriĂ©s, il ne parvient pas Ă  distinguer les causes et les consĂ©quences.

Toute l’Ɠuvre de Rabelais pose cette question : comment utiliser au mieux les outils de la technique, des sciences, des arts et du langage, pour atteindre l’épanouissement et l’harmonie : « Science sans conscience n’est que ruine de l’ñme. »

Les maĂźtres sophistes



Naturellement, je vais vous parler maintenant des trois grands maĂźtres sophistes du roman (puisque c’est la premiĂšre Ă©ducation reçue par Gargantua) : le premier prĂ©cepteur de Gargantua, MaĂźtre Thubal Holoferne, le deuxiĂšme, MaĂźtre Jobelin BridĂ© et enfin, celui qui vient rĂ©clamer les cloches de Notre-Dame, MaĂźtre Janotus de Bragmardo.

D’abord, ils sont dĂ©signĂ©s comme des sophistes. C’est le terme pĂ©joratif que Platon utilise pour dĂ©signer ceux qui vendent leur savoir-faire rhĂ©torique. À ses yeux, ce n’est pas tant la vĂ©ritĂ© et la sagesse du philosophe qui les intĂ©resse, que le maniement de la parole pour manipuler les foules.

Mais c’est plus complexe chez Rabelais : pour lui, ce sont avant tout des docteurs issus de l’enseignement scolastique de l’UniversitĂ©. C’est-Ă -dire, des thĂ©ologiens qui sĂ©lectionnent les ouvrages, les noient sous des interprĂ©tations religieuses, et privilĂ©gient le par cƓur, au lieu de transmettre les mĂ©thodes pour mieux comprendre et juger.

Et pour Rabelais, le symbole mĂȘme de cet enseignement, c’est la Sorbonne, qui impose ses interprĂ©tations des textes, et condamne tout autre point de vue. Dans toute son Ɠuvre, Rabelais ne cessera de critiquer l’enseignement de la Sorbonne, qui en retour, l’accusera d’hĂ©rĂ©sie.

Qu’est-ce qu’on apprend de particulier sur ces diffĂ©rents maĂźtres sophistes ? D’abord concernant MaĂźtre Thubal Holoferne : on reconnaĂźt exactement toutes les critiques de Rabelais Ă  l’égard des universitaires, Ă©coutez :
Il lui lut les Modes de signifier, avec les commentaires de Heurtebise, de Faquin, de Tropditeux, de Galehaut, [...] d'un tas d'autres ; il y passa plus de dix-huit ans et onze mois. Il connaissait si bien l'ouvrage que, mis au pied du mur, il le restituait par coeur, Ă  l'envers.

La critique de Rabelais se reflĂšte jusque dans le nom mĂȘme des auteurs « Tropditeux » c’est-Ă -dire, celui qui commente trop. Le temps passĂ© Ă  apprendre par cƓur, presque 20 ans, lui permet de restituer Ă  l’envers, c’est-Ă -dire, sans avoir compris.

Le deuxiĂšme prĂ©cepteur, c’est MaĂźtre Jobelin BridĂ©.
AprĂšs, il eut un autre vieux tousseux, nommĂ© MaĂźtre Jobelin BridĂ©, qui lui lut Hugutio, le GrĂ©cisme d'Everard, le Doctrinal, [...] le SupplĂ©ment, [...] et quelques autres de mĂȘme farine. À la lecture des susdits ouvrages, il devint tellement sage que jamais plus nous n'en avons enfournĂ© de pareils.

La liste est hĂ©tĂ©roclite et n’a pas vraiment de sens, au point qu’on peut se demander ce que signifie « de mĂȘme farine ». Bien sĂ»r, l’adjectif « sage » est ironique. On peut imaginer que Gargantua est en fait abruti par ces lectures.

Notre troisiĂšme sophiste intervient plus tard dans le roman, quand Gargantua a pris les cloches de Notre-Dame. Les universitaires de la Sorbonne dĂ©signent le plus vieux et le meilleur d’entre eux pour dĂ©fendre leur cause et rĂ©cupĂ©rer les cloches. On devine l’enjeu : symboliquement, il s’agit de s’approprier la bonne parole pour la garder dans une tour.

Or le discours de Janotus de Bragmardo n’a mĂȘme pas besoin d’ĂȘtre dĂ©montĂ© par l’auteur, puisqu’il ne cesse de se dĂ©crĂ©dibiliser avec des mots inventĂ©s, des rĂ©fĂ©rences incomplĂštes, des comparaisons inappropriĂ©es :
Oh ! Monsieur, [...] clochidonnaminez-nous ! Vraiment c'est le bien de la ville. Tout le monde s'en sert. Si votre jument s'en trouve bien, notre Faculté aussi, laquelle a été comparée aux juments sans esprit et faite semblable à celles-ci.

Ponocrates



AprĂšs ces thĂ©ologiens, qui imposent leurs propres interprĂ©tations des textes, Ponocrates va reprĂ©senter une toute nouvelle pĂ©dagogie, qui va s’intĂ©resser au contraire Ă  la connaissance de l’Homme et du monde.
— Voyons [...] la diffĂ©rence qu'il y a entre la science de vos ahuris de nĂ©antologues du temps jadis et celle des jeunes gens d'aujourd'hui.

Ponocrates prĂ©sente alors son Ă©lĂšve, EudĂ©mon (« le bon gĂ©nie » en grec ancien) qui fait un discours admirable. C’est un personnage qui va d’ailleurs suivre Gargantua dans ses aventures.

Ponocrates forme alors Gargantua, selon les principes dĂ©fendus par Rabelais lui-mĂȘme : d’abord, observer la Nature, et s’en inspirer pour ĂȘtre efficace.
Sortant de l'eau, il [...] montait aux arbres comme un chat, sautait de l'un à l'autre comme un écureuil, [...] puis sautait en bas, les membres ramassés de telle sorte qu'il ne souffrait nullement de la chute.

Dans la formation de Ponocrates, Gargantua doit lire les textes directement sans interprétation préalable.
On lui lisait quelque page des saintes Ecritures, [...] avec la prononciation requise. Cet office était dévolu à un jeune page [...] nommé Agnostes.

Agnostes, en grec ancien, celui qui ne sait pas, l’ignorant. Rabelais laisse entendre que la lecture se fait donc sans interprĂ©tation prĂ©alable. Gargantua est libre de s’approprier lui-mĂȘme les Écritures. Pour en savoir plus sur ce passage, je vous renvoie Ă  mon commentaire linĂ©aire sur la formation humaniste de Gargantua.

MalgrĂ© ce programme trĂšs dense, ce qui guide l’enseignement de Ponocrates, c’est le plaisir d’apprendre :
Cette méthode, bien qu'elle pût sembler difficile à suivre au commencement, fut à la longue si douce, si légÚre et délectable qu'elle se rapprochait plus d'un passe-temps de roi que du travail d'un écolier.

À la fin du roman, considĂ©rĂ© comme un grand pĂ©dagogue, Ponocrates est chargĂ© de l’éducation d’un prince : le jeune fils de Picrochole, en attendant qu’il soit en Ăąge de rĂ©gner.

VoilĂ  certainement pourquoi les profs de français aiment bien Rabelais en gĂ©nĂ©ral : il est un peu notre prof Ă  tous, puisqu’il transmet les meilleurs principes de pĂ©dagogie !

FrĂšre Jean des Entommeures



FrĂšre Jean des Entommeures, c’est l’un des personnages les plus importants de la seconde partie du roman, puisqu’il est pour ainsi dire, le HĂ©ros de la guerre Picrocholine, qui protĂšge d’abord l’enclos et les vignes de l’abbaye de SeuillĂ© avant de dĂ©fendre courageusement les terres de Grandgousier.

La description physique de Frùre Jean des Entommeures apporte beaucoup d’indications :
Jeune, fier, pimpant, joyeux, pas manchot, hardi, courageux, décidé, haut, maigre, bien fendu de gueule, bien servi en nez, beau débiteur d'heures, beau débrideur de messes, beau décrotteur de vigiles et pour tout dire, en un mot, un vrai moine s'il en fut jamais depuis que le monde moinant moina de moinerie ; au reste, clerc jusques aux dents en matiÚre de bréviaire.

Ce portrait nous rĂ©vĂšle bien un moine qui a toutes les qualitĂ©s valorisĂ©es par les humanistes : l’enthousiasme, l’habiletĂ©, le courage. AprĂšs pour mieux comprendre toute la portĂ©e de ce passage, j’ai rĂ©alisĂ© une explication linĂ©aire de ce passage.

Le nom mĂȘme « des Entommeures » Ă©voque l’entame, c'est-Ă -dire une premiĂšre incision qui est faite dans un morceau de pain, de fromage, ou encore en mĂ©decine, lors d’une opĂ©ration chirurgicale. On y retrouve bien la force de frappe du moine guerrier qui pourfend ses ennemis.

Mais en allant plus loin, symboliquement, on peut supposer que ce FrĂšre Jean incarne celui qui met Ă  jour les fragilitĂ©s de l’institution, la premiĂšre fissure de la digue sur le point de rompre, la premiĂšre incision nĂ©cessaire avant de recoudre une blessure, recoudre un corps malade.

Et en effet, alors que les autres moines sont dĂ©crits comme de bons Ă  rien qui se contentent de prier au lieu d’agir, FrĂšre Jean au contraire est toujours actif et utile Ă  la communautĂ© :
Voici quel est notre bon FrĂšre Jean ; [...] chacun recherche sa compagnie : il n'est point bigot ; ce n'est point une face de carĂȘme ; [...] franc, joyeux, gĂ©nĂ©reux, bon compagnon ; [...] il peine Ă  la tĂąche ; il dĂ©fend les opprimĂ©s ; il console les affligĂ©s ; il secourt ceux qui souffrent, il garde les clos de l'abbaye.

Le camp de Grandgousier



Du cÎté de Grandgousier, on retrouve toute une série de personnages secondaires, mais tous ayant des qualités bien déterminées.

Le berger Frogier est celui qui s’oppose le premier aux fouaciers du pays de LernĂ©, le pays de Picrochole. Son discours est plein de bon sens :
— Depuis quand ĂȘtes-vous devenus [...] aussi arrogants ? Diable ! D'habitude vous nous en donniez volontiers, et maintenant vous refusez. Ce n'est pas agir en bons voisins.

Pillot, c’est un autre berger, qui rapporte Ă  Grandgousier le pillage que les armĂ©es de Grandgousier font sur ces terres.

Gymnaste est l’écuyer de Gargantua. Gentilhomme de Touraine, il lui enseigne toutes les techniques d’équitation utiles en temps de guerre. TrĂšs habile, il stupĂ©fie ses ennemis par ses acrobaties :
Tandis qu'il évoluait ainsi, les maroufles en grand ébahissement se disaient l'un à l'autre : « Par la MÚre Dieu ! C'est un lutin ou un diable déguisé de la sorte. Des entreprises du Malin, délivre-nous, Seigneur ! ».

Capitaine TolmÚre : capitaine de Gargantua, il se voit attribuer un chùteau (Le Riveau) pour récompense de ses loyaux services dans la grande guerre Picrocholine.

Ulrich Gallet, c’est le maĂźtre de requĂȘtes de Grandgousier. C’est lui qui fait tous les Ă©changes avec Picrochole lui-mĂȘme. Mais ses discours pleins de sagesse et de bonne volontĂ© ne parviennent pas Ă  apaiser les ambitions de conquĂȘte de Picrochole.

Le camp de Picrochole



Picrochole, c’est un roi voisin, pris d’une grande ambition : pour lui, envahir le territoire de Grandgousier n’est qu’une premiĂšre Ă©tape dans son rĂȘve de conquĂ©rir le monde. Et en effet, toutes les rĂ©actions de Picrochole sont guidĂ©es, non par la raison, mais par la colĂšre et l’ambition. Son nom lui-mĂȘme provient du grec : qui a la bile amĂšre.

Dans ce projet de conquĂȘte, il est encouragĂ© par des conseillers complaisants : le duc de Menuail, le comte Spadassin et le capitaine Merdaille. La menuaille dĂ©signe de petits poissons ou de la petite monnaie
 Un spadassin, c’est un tueur Ă  gage.

À ces conseillers, on peut certainement ajouter un certain Hastiveau, ami de longue date de Picrochole, puis les ducs de Tournemoule, Basdefesses et le vicomte de Morpiaille qui sont citĂ©s plus loin.

Un seul personnage met en garde Picrochole contre cette guerre : un certain ÉchĂ©phron (qui est d’ailleurs le nom d’un personnage secondaire de l’OdyssĂ©e). Mais il n’est pas Ă©coutĂ©.

À l’origine des guerres picrocholines, un certain Marquet, un vendeur de fouaces, qui, au lieu de vendre sa marchandises aux bergers de Grandgousier, les insulte copieusement. BlessĂ© par Frogier, il rapporte sa mĂ©saventure Ă  Picrochole.

À ce moment, on voit apparaĂźtre toute une sĂ©rie de personnages qui sont juste nommĂ©s : l’arriĂšre-garde est confiĂ©e au Duc de Racquedenare, l’avant-garde au seigneur ThĂ©odore, etc.

Toucquedillon, le grand Ă©cuyer de Picrochole est alors promu capitaine. Il s’occupera de l’artillerie. Dans un premier temps, il valorise leur position de force et incite son roi Ă  attaquer. Il a un certain bon sens, notamment parce qu’il lui recommande de se prĂ©parer Ă  un siĂšge.

Mais Ă  la fin de la guerre, il est fait prisonnier. Convaincu par les arguments de Grandgousier et par sa clĂ©mence, il plaidera en faveur de la paix auprĂšs de Picrochole. Mais un certain Hastiveau l’accuse de traĂźtrise, Toucquedillon le tue et est aussitĂŽt mis Ă  mort par Picrochole.

Un autre personnage se dĂ©tache, c’est le capitaine Tripet, qui est envoyĂ© pour attaquer le GuĂ© de VĂšde, son armĂ©e est dĂ©faite par celle de Gargantua. Au moment de la retraite, il tente de prendre le cheval de Gymnaste, mais ça se retourne contre lui, et il se fait Ă©ventrer, c’est-Ă -dire, Ă©triper.

Un troisiĂšme capitaine de Picrochole joue un rĂŽle dans cette guerre : le capitaine Tyravant, qui tente d’attaquer FrĂšre Jean des Entommeures alors que toute son armĂ©e est en fuite. Il se retrouve assommĂ© Ă  coup de bĂąton de croix.

Un dernier personnage est assez rarement citĂ©, il s’agit de la sorciĂšre qui prĂ©dit Ă  Picrochole que son royaume lui sera rendu lors du retour des Coquecigrues. Le destin de ce roi illustre bien le propos final de Rabelais : science sans conscience n’est que ruine de l’ñme
 Conduire ses actions sans la boussole de l’humanisme, c’est se condamner Ă  une fin absurde


​​Depuis, on ne sait ce qu'il est devenu. [...] On m'a dit qu'il est Ă  prĂ©sent pauvre gagne-petit Ă  Lyon, colĂ©rique comme auparavant. Il s'inquiĂšte toujours auprĂšs de tous les Ă©trangers de l'arrivĂ©e des coquecigrues, avec le ferme espoir que, selon la prophĂ©tie de la vieille, il recouvrera son royaume Ă  leur venue.


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