Couverture pour Discours de la servitude volontaire

La Boétie, Discours de la Servitude volontaire
Un monstre de vice
Explication linéaire



Extrait étudié



Mais Ă´ grand Dieu ! qu’est donc cela ? Comment appellerons-nous ce vice, cet horrible vice ? N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes non seulement obĂ©ir mais ramper, non pas ĂŞtre gouvernĂ©s mais tyrannisĂ©s, n’ayant ni biens ni parents ni enfants, ni leur vie mĂŞme qui soient Ă  eux ? Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautĂ©s, non d’une armĂ©e, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait dĂ©fendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; non d’un Hercule ou d’un Samson, mais d’un vrai Mirmidon, souvent le plus lâche, le plus vil et le plus effĂ©minĂ© de la nation, qui n’a jamais flairĂ© la poudre des batailles, mais Ă  peine foulĂ© le sable des tournois ; qui est inhabile, non seulement Ă  commander aux hommes, mais aussi Ă  satisfaire la moindre femmelette ! Nommerons-nous cela lâchetĂ© ? Appellerons-nous vils et couards les hommes soumis Ă  un tel joug ? Si deux, si trois, si quatre cèdent Ă  un seul, c’est Ă©trange, mais toutefois possible ; peut-ĂŞtre avec raison, pourrait-on dire : c’est faute de cĹ“ur. Mais si cent, si mille se laissent opprimer par un seul, dira-t-on encore que c’est de la couardise, qu’ils n’osent s’en prendre Ă  lui, ou plutĂ´t que, par mĂ©pris et dĂ©dain, ils ne veulent lui rĂ©sister ? Enfin, si l’on voit non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas Ă©craser celui qui, sans mĂ©nagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons-nous cela ? Est-ce lâchetĂ© ? Mais pour tous les vices, il est des bornes qu’ils ne peuvent dĂ©passer. Deux hommes et mĂŞme dix peuvent bien en craindre un, mais que mille, un million, mille villes ne se dĂ©fendent pas contre un seul homme ! Oh ! Ce n’est pas seulement couardise, elle ne va pas jusque-lĂ  ; de mĂŞme que la vaillance n’exige pas qu’un seul homme escalade une forteresse, attaque une armĂ©e, conquière un royaume ! Quel monstrueux vice est donc celui-lĂ  que le mot de couardise ne peut rendre, pour lequel toute expression manque, que la nature dĂ©savoue et la langue refuse de nommer ?

Introduction



Accroche


• Au XVI eme siècle, l’humanisme propose une vision nouvelle de l’homme capable de penser et d’influer sur son destin.
• Le Discours de La Servitude Volontaire de La Boétie (v.1648) va plus loin en lui reconnaissant également la capacité de refuser la servitude et de revendiquer la liberté comme un droit naturel.
• Cette idée très moderne figure quelques années plus tard dans Les Essais de Montaigne, grand ami de La Boétie.
Il n’est rien de plus beau ni de plus digne que de se déprendre de la servitude volontaire.
Montaigne, Essais, Livre I, 20 , 1580.

Situation


• Le Discours de la Servitude Volontaire, conçu probablement Ă  l’origine comme un exercice rhĂ©torique examine un paradoxe : la soumission consentie des peuples au pouvoir d’un tyran.
• Cet extrait est un vrai «  morceau de bravoure Â» marquant l’indignation face Ă  la gĂ©nĂ©ralisation de l’asservissement.
• Le texte qui allie Ă©motion et critique, rĂ©vèle l’importance d’un droit essentiel humain : la libertĂ©.

Problématique


Comment ce texte polĂ©mique, en utilisant toutes les ressources de la rhĂ©torique, traduit-il l’indignation face Ă  une situation contre nature et la dĂ©nonce-t-il avec force et originalitĂ© ?

Mouvements de l'explication linéaire


Les Ă©tapes de l’argumentation sont marquĂ©es par la volontĂ© de dĂ©finir la servitude volontaire : comment appellerons-nous … Comment nommerons-nous … Est-ce lâchetĂ© ou couardise ?
   1) Le constat indignĂ© d’une servitude mortifère et gĂ©nĂ©ralisĂ©e
   2) Une passivitĂ© qui n’est pourtant pas de la lâchetĂ©
   3) Un vice qui dĂ©fie la raison et le langage

Axes de lecture pour un commentaire composé


I. Un texte fait pour toucher le lecteur
   1) DĂ©crire une situation intolĂ©rable
   2) Un discours dramatisĂ© pour frapper le lecteur
   3) Un discours polĂ©mique violent
II. Un texte qui dénonce des mécanismes universels
   1) Une mĂ©thode logique pour comprendre l’absurditĂ©
   2) DĂ©noncer une tyrannie qui repose sur la passivitĂ©
   3) Un questionnement qui interroge le collectif
III. Un discours qui dénonce l’insuffisance des mots
   1) Traduire l’absurditĂ© de la servitude.
   2) Faire comprendre ce qui est contre-nature
   3) faire ressentir le paradoxe

Premier mouvement :
Un premier constat marqué par l’indignation



Mais Ă´ grand Dieu ! qu’est donc cela ? Comment appellerons-nous ce vice, cet horrible vice ? N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes non seulement obĂ©ir mais ramper, non pas ĂŞtre gouvernĂ©s mais tyrannisĂ©s, n’ayant ni biens ni parents ni enfants, ni leur vie mĂŞme qui soient Ă  eux ? Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautĂ©s, non d’une armĂ©e, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait dĂ©fendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; non d’un Hercule ou d’un Samson, mais d’un vrai Mirmidon, souvent le plus lâche, le plus vil et le plus effĂ©minĂ© de la nation, qui n’a jamais flairĂ© la poudre des batailles, mais Ă  peine foulĂ© le sable des tournois ; qui est inhabile, non seulement Ă  commander aux hommes, mais aussi Ă  satisfaire la moindre femmelette !

Une entrée en matière riche en émotions


• Le ton devient vĂ©hĂ©ment dès le lien d’opposition « mais Â». En rhĂ©torique, c’est l’exorde (l’accroche au dĂ©but d’un discours)
• Le narrateur dramatise en apostrophant Dieu lui-mĂŞme avec une interjection : « Ă´ grand Dieu ! Â».
• La stupeur est rendue par les questions rhĂ©toriques : « qu’est donc cela ? … Comment appellerons-nous ce vice [...] ? Â»
• L’indignation s’exprime par la gradation des dĂ©monstratifs : « cela … ce vice … cet horrible vice Â».
⇨ L’orateur est véhément, car il dénonce une situation morale choquante, dégradante. Il émet un jugement moral.

Une question morale


• Le registre du mal est caractĂ©risĂ© par le lexique pĂ©joratif avec « vice Â» rĂ©pĂ©tĂ© deux fois et l’adjectif pĂ©joratif : « horrible Â» : du latin « horribilis Â» Ă  la fois effrayant et surprenant.
• Une nouvelle question rhĂ©torique « N’est ce pas honteux ? Â» introduit la longue description de la situation choquante.
• L’avilissement est soulignĂ© par l’anaphore nĂ©gative : « non pas obĂ©ir… mais… non seulement ĂŞtre gouvernĂ©s… mais… Â».
⇨ Ce qui indigne d’autant plus, c’est l’aggravation continue des conditions de vie des personnes asservies.

Une situation qui va de mal en pis


• La perte des possessions « ni bien Â» est suivie par la perte des liens familiaux « ni parents ni enfants Â» et la perte d’humanitĂ© « ni leur vie Â» (gradation Ă  travers les nĂ©gations coordonnĂ©es).
• La servitude s’aggrave toujours plus avec les gradations : « obĂ©ir / ramper, gouvernĂ©s / tyrannisĂ©s Â» le pire est inĂ©luctable.
• L’indignation monte d’un ton avec l’infinitif « souffrir Â» en dĂ©but de phrase : l’absence de sujet participe Ă  la gĂ©nĂ©ralisation.
• Ensuite, la violence ne cesse d’augmenter. Le lexique du vol laisse place Ă  celui de la guerre : « armĂ©e, horde, sang Â»
⇨ Cette gradation permet à l’auteur de nous prendre à témoin, d’impliquer l’humanité entière dans son indignation.

Prendre à témoin l’humanité face à un tableau


• Dès les premiers mots, la première personne du pluriel dĂ©signe la communautĂ© humaine : « comment appellerons nous Â».
• Cette situation, chacun peut la « voir Â» : c’est une hypotypose (description saisissante et animĂ©e).
• Les actes sont dĂ©multipliĂ©s « rapides, brigandages, cruautĂ©s Â» le pluriel et le rythme ternaire crĂ©ent un effet de submersion.
• Ce danger concerne toute l’humanitĂ©, car ce « nombre infini d’hommes Â» est assujetti par « un seul Â» : l’antithèse est extrĂŞme.
• Ce contraste est renforcĂ© par l’effet de masse suggĂ©rĂ© par les substantifs « armĂ©e Â» et « horde Â» s’opposant Ă  « un seul Â».
⇨ La Boétie montre un mal extrême, collectif, et que rien ne parvient à justifier, d’autant plus que le tyran est faible.

La caricature sarcastique du tyran


• Le tyran n’a rien d’un hĂ©ros : « non un Hercule Â» (mythologie antique), « non un Samson Â» (Bible). L’anaphore rhĂ©torique Ă  la nĂ©gative renforce l’effet de contraste.
• En effet face Ă  eux le tyran n’est qu’un « myrmidon Â» (soldat insignifiant : le terme signifie « fourmi Â» en grec ancien).
• Ses dĂ©fauts sont Ă©numĂ©rĂ©s « le plus lâche, le plus vil, le plus effĂ©minĂ© Â» avec des superlatifs sur un rythme ternaire.
• Le tyran n’a pas d’expĂ©rience de l’adversitĂ© : « jamais flairĂ© la poudre des batailles .. Ă  peine foulĂ© le sable des tournois Â».
• Le blâme prend un tour misogyne : « inhabile Ă  commander aux hommes … Ă  satisfaire la moindre femmelette Â».
⇨ Quoi qu’il en soit, il s’agit surtout de ridiculiser le tyran pour montrer l’absurdité de se soumettre à un tel être.

Transition


La rhĂ©torique de l’indignation fonctionne : Comment expliquer que cette situation s’aggrave, puisque le responsable est faible ?

Deuxième mouvement :
Une passivité inqualifiable



Nommerons-nous cela lâchetĂ© ? Appellerons-nous vils et couards les hommes soumis Ă  un tel joug ? Si deux, si trois, si quatre cèdent Ă  un seul, c’est Ă©trange, mais toutefois possible ; peut-ĂŞtre avec raison, pourrait-on dire : c’est faute de cĹ“ur. Mais si cent, si mille se laissent opprimer par un seul, dira-t-on encore que c’est de la couardise, qu’ils n’osent s’en prendre Ă  lui, ou plutĂ´t que, par mĂ©pris et dĂ©dain, ils ne veulent lui rĂ©sister ? Enfin, si l’on voit non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas Ă©craser celui qui, sans mĂ©nagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons-nous cela ? Est-ce lâchetĂ© ?

À la recherche d’une définition


• La BoĂ©tie cherche alors une dĂ©finition « Nommerons-nous cela lâchetĂ© ? Appellerons-nous vils et couards ? Â» ces questions sont rhĂ©toriques : la rĂ©ponse attendue est nĂ©gative.
• La difficultĂ© de nommer est centrale « nommer, appeler Â» ces verbes sont des synonymes.
• Tous ces termes sont très pĂ©joratifs « lâche, vil, couard Â» repris par « faute de cĹ“ur Â» (coraticu en latin = le courage).
• La soumission se trouve dans l’image du « joug Â» (pièce de bois que l’on pose sur la tĂŞte du bĹ“uf).
• L’interrogation rĂ©pĂ©tĂ©e « Est-ce lâchetĂ© Â» est un vĂ©ritable fil directeur et encadre tout le passage.
⇨ La Boétie ne cache pas sa stratégie oratoire, il nous invite à examiner avec lui ces hypothèses.

Le manque de courage d’un petit groupe


• La BoĂ©tie fait une première expĂ©rience de pensĂ©e : « si deux, si trois, si quatre Â» avec le lien d’hypothèse « si Â» rĂ©pĂ©tĂ© en anaphore rhĂ©torique.
• Il augmente le nombre, en se corrigeant, comme pour trouver les limites de son hypothèse « deux, trois, quatre Â» c’est une Ă©panorthose (se reprendre et prĂ©ciser pour mieux dire).
• Il examine attentivement la situation avec des nuances « c’est Ă©trange… possible… peut-ĂŞtre Â» (modalisateurs) « pourrait-on dire Â» (conditionnel).
• Le manque de courage « faute de cĹ“ur Â» est plausible de la part d’un petit nombre d’individus confrontĂ©s Ă  un tyran isolĂ©.
⇨ La BoĂ©tie met en scène son raisonnement, en mimant l’hĂ©sitation : cela forme une concession.

La passivité d’un groupe plus grand


• La BoĂ©tie poursuit alors son expĂ©rience de pensĂ©e « Mais si cent, si mille… Â» le lien d’opposition « mais Â» introduit la question importante : jusqu’oĂą la couardise est-elle vraisemblable ?
• La structure syntaxique est exactement la mĂŞme que prĂ©cĂ©demment « si deux, si trois Â» : c’est un parallĂ©lisme.
• Avec l’augmentation du nombre, l’hypothèse devient absurde : « n’osent s’en prendre Ă  lui Â» la nĂ©gation devient incongrue.
• L’interprĂ©tation est triple : « c’est de la couardise … ils n’osent s’en prendre Ă  lui … ils ne veulent lui rĂ©sister Â»..
• La BoĂ©tie se reprend avec l’adverbe « plutĂ´t Â» c’est une nouvelle Ă©panorthose (se corriger pour ĂŞtre plus juste).
• Des motivations variĂ©es sont Ă©voquĂ©es « mĂ©pris, dĂ©dain Â».
• Finalement seule la volontĂ© semble manquer « ils ne veulent lui rĂ©sister Â» formulĂ©e par une phrase nĂ©gative.
⇨ C’est bien la dimension collective de cette étrange manque de volonté qui interroge notre auteur.

La soumission volontaire de tout un peuple


• Toutes les hypothèses sont tombĂ©es « Enfin si l’on voit… Â» le lien logique nous amène vers une conclusion.
• Les nombres deviennent vertigineux « non pas cent… mille… cent pays… mille ville… un million d’hommes Â» la mĂŞme structure syntaxique revient dans une gradation hyperbolique.
• Le comportement des masses est nĂ©gatif : « ne pas assaillir, ne pas Ă©craser Â» : elles Ă©voquent une passivitĂ© choquante.
• Leur traitement est pourtant brutal « sans mĂ©nagement aucun… les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves Â».
• L’interrogation finale « comment qualifierons-nous cela ? Est-ce de la lâchetĂ© ? Â» est une aporie : aucune rĂ©ponse n’est possible.
⇨ La rĂ©pĂ©tition de la mĂŞme question « Est-ce lâchetĂ© Â» montre que le raisonnement se heurte Ă  une faille du langage.

Transition


L’hypothèse de la lâcheté a été poussée au maximum par La Boétie. Mais force est de constater qu’aucun mot n’existe pour désigner cette étrange passivité collective face à l’injustice.


Troisième mouvement :
Un vice qui défie la raison et le langage



Mais pour tous les vices, il est des bornes qu’ils ne peuvent dĂ©passer. Deux hommes et mĂŞme dix peuvent bien en craindre un, mais que mille, un million, mille villes ne se dĂ©fendent pas contre un seul homme ! Oh ! Ce n’est pas seulement couardise, elle ne va pas jusque-lĂ  ; de mĂŞme que la vaillance n’exige pas qu’un seul homme escalade une forteresse, attaque une armĂ©e, conquière un royaume ! Quel monstrueux vice est donc celui-lĂ  que le mot de couardise ne peut rendre, pour lequel toute expression manque, que la nature dĂ©savoue et la langue refuse de nommer ?

Un vice collectif qui défie l’entendement


• La BoĂ©tie tente de placer ce « vice Â» parmi les autres : « Mais pour tous les vices Â» lien d’opposition « mais Â» relance la rĂ©flexion en prenant une nouvelle distance.
• Il adopte un regard plus gĂ©nĂ©ral « pour tous les vices Â» le dĂ©terminant indĂ©fini totalise.
• La « couardise Â» ne fonctionne pas car elle ne peut pas aller aussi loin « il est des bornes qu’ils ne peuvent dĂ©passer Â» c’est un prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale pour une loi universelle.
• Or ici justement les nombres dĂ©passent l’entendement : « dix… mille… million… Â» qui s’opposent pourtant Ă  « un seul homme Â».
• Il rĂ©sume tout le raisonnement prĂ©cĂ©dent : « ne dĂ©fend pas sa libertĂ© Â» est une pĂ©riphrase pour « se laisse asservir Â».
• DĂ©cidĂ©ment, cela va beaucoup plus loin « Oh ! ce n’est pas seulement couardise Â» l’interjection souligne a dĂ©mesure.
⇨ Comme La BoĂ©tie ne parvient pas Ă  dĂ©finir ce vice, il va tenter de passer par son inverse, la qualitĂ© de « vaillance Â».

Le courage comme la lâcheté a des limites


• La BoĂ©tie explique pourquoi « la couardise ne va pas jusque lĂ  Â» : pourquoi la servitude volontaire se distingue de la lâchetĂ©.
• Il va prendre son opposĂ© exact « de mĂŞme que la vaillance Â» la comparaison commence lĂ .
• Le mot « courageux Â» ne s’applique pas Ă  un homme qui « escalade une forteresse Â» on le dirait « tĂ©mĂ©raire Â».
• Les exemples sont d’ailleurs de plus en plus exagĂ©rĂ©s « escalader une forteresse, attaquer une armĂ©e, conquĂ©rir un royaume Â» la gradation construit une hyperbole.
⇨ De même qu’un homme seul attaquant un royaume ne serait pas qualifié de courageux, de même une armée refusant de s’attaquer à un homme seul ne serait pas qualifiée de lâche.

Un vice contre-nature et innommable


• La fin de la dĂ©monstration est une pĂ©roraison : l’exclamation et l’hyperbole « Quel monstrueux vice ! Â» reprĂ©sentent le point culminant dramatique de l’argumentation.
• Les mots manquent tellement que La BoĂ©tie doit passer par une pĂ©riphrase « celui lĂ  que Â» c’est un prĂ©sentatif, il doit montrer du doigt ce qu’il ne peut dĂ©signer autrement.
• Le vice devient ainsi pratiquement un « monstre Â», une allĂ©gorie sans nom, une crĂ©ature mythologique.
• La nature et la langue sont personnifiĂ©es : « la nature dĂ©savoue… la langue refuse Â». AllĂ©gories Ă  valeur universelle.
⇨ Les deux semblent liĂ©s : c’est parce que ce vice est contre-nature que la langue ne parvient pas Ă  le nommer

Un passage qui annonce la suite du discours


• Nous ne sommes encore qu’au dĂ©but du discours : « quel vice est donc celui-lĂ  Â» avec le lien conclusif « donc Â» La BoĂ©tie problĂ©matise ce qui sera l’objet mĂŞme de son discours.
• Pour le moment, aucune rĂ©ponse n’est apportĂ©e : « le mot de couardise ne peut rendre… toute expression manque… la nature dĂ©savoue… la langue refuse de nommer Â» les nĂ©gations sont multipliĂ©es pour exprimer cette impuissance.
• Notre passage se termine par une question « Quel monstrueux vice… ? Â» avec l’outil interrogatif.
• Si un mot ne suffit pas, il faudra donc tout un discours pour dĂ©crire ces mĂ©canismes. Plus loin, il Ă©crit :
Cherchons cependant à découvrir, s’il est possible, comment s’est enracinée si profondément cette opiniâtre volonté de servir.
⇨ Ainsi, on devine que ce vice sans nom est justement dĂ©signĂ© par le titre du discours « servitude volontaire Â» son Ă©trangetĂ© justifiant parfaitement l’association de mots si paradoxale !

Conclusion



Bilan


• Dans cet extrait du Discours de la servitude volontaire, La Boétie utilise avec fougue une rhétorique de l’ indignation non pour convaincre mais pour éveiller la conscience du lecteur.
• Sa curiositĂ© est dĂ©sormais suffisamment piquĂ©e pour le pousser Ă  suivre la suite du discours !
• Le paradoxe de la servitude volontaire s’exprime brillamment par un discours paradoxal qui échoue volontairement à définir une situation moralement absurde.
• La Boétie transforme le constat politique de la servitude en une situation contre nature qu’un homme lucide et rationnel doit refuser.
• Cette vigilance est la condition nécessaire pour défendre et entretenir la liberté.

Ouverture


• StĂ©phane Hessel, rĂ©sistant durant la 2ème Guerre Mondiale, militant actif respectĂ© et Ă©coutĂ©, Ă©crit Indignez-vous ! en 2012.
• Il y enjoint les jeunes gĂ©nĂ©rations Ă  affronter ce qui produit en eux un sentiment d’indignation et d’injustice :
Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne, on devient militant, fort et engagé, et on rejoint le courant de l’histoire vers plus de justice et de liberté.
Stéphane Hessel, Indignez-vous, 2012.


Antonio di Biagio, Triomphe de Camillus (détail), 1515.

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