La Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1577. « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. » Explication linéaire
Extrait étudié
Pauvres et misérables peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien, vous vous laissez emporter devant vous le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons et les dépouiller des meubles anciens et paternels ! Vous vivez de sorte que vous ne vous pouvez vanter que rien soit à vous ; et semblerait que meshui ce vous serait grand heur de tenir à ferme vos biens, vos familles et vos vies ; et tout ce dégât, ce malheur, cette ruine, vous vient, non pas des ennemis, mais certes oui bien de l’ennemi, et de celui que vous faites si grand qu’il est, pour lequel vous allez si courageusement à la guerre, pour la grandeur duquel vous ne refusez point de présenter à la mort vos personnes. Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez recéleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes ? Vous semez vos fruits, afin qu’il en fasse le dégât ; vous meublez et remplissez vos maisons, afin de fournir à ses pilleries ; vous nourrissez vos filles, afin qu’il ait de quoi soûler sa luxure ; vous nourrissez vos enfants, afin que, pour le mieux qu’il leur saurait faire, il les mène en ses guerres, qu’il les conduise à la boucherie, qu’il les fasse les ministres de ses convoitises, et les exécuteurs de ses vengeances ; vous rompez à la peine vos personnes, afin qu’il se puisse mignarder en ses délices et se vautrer dans les sales et vilains plaisirs ; vous vous affaiblissez, afin de le rendre plus fort et roide à vous tenir plus courte la bride ; et de tant d’indignités, que les bêtes mêmes ou ne les sentiraient point, ou ne l’endureraient point, vous pouvez vous en délivrer, si vous l’essayez, non pas de vous en délivrer, mais seulement de le vouloir faire. Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres.
Introduction
Accroche
• C'est vers 1549 que La Boétie écrit son Discours de la servitude volontaire. Il a à peu près 18 ans et se demande comment les peuples peuvent ainsi se laisser maltraiter par des tyrans.
• Avec son ami Montaigne, il partage des valeurs humanistes, c'est-à-dire qu'il croit fermement que l'intelligence permet de prendre conscience de la dignité humaine, nous menant sur la voie de la liberté et de l'accomplissement de soi.
Situation
• Ainsi, ce Discours de la servitude volontaire parle à notre intelligence. La Boétie veut nous faire prendre conscience que la force des tyrans ne provient que de notre consentement.
• Ce passage est une étape fondamentale du raisonnement de La Boétie, où il nous montre comment le tyran s'approprie les forces de ses sujets, uniquement parce qu'ils la lui offrent.
• Cela l'amène à la conclusion suivante, qui fait toute la force de ce passage : il suffit de vouloir cesser de servir, pour être libre.
Problématique
Comment cette démonstration produit-elle, non seulement une prise de conscience, mais aussi un puissant désir de ne pas rester dans la servitude ?
Mouvements de l'explication linéaire
Une série de questions rhétoriques au milieu du passage, constitue un moment de basculement qui dessine trois mouvements :
I. Trouver à qui profite la misère des peuples
II. Comprendre d'où vient la force de ces tyrans
III. Comprendre que cesser de servir les tyrans suffit à s'en libérer
Axes de lecture pour un commentaire composé
I. Représenter l'asservissement scandaleux des peuples
1) Susciter la pitié à l'égard des peuples réduits à la misère
2) Donner à voir un pillage scandaleux
3) Montrer un asservissement sans limites
II. Dénoncer la figure du tyran
1) Trouver à qui profite la misère des peuples
2) Représenter le tyran dans toute son ignominie
3) Montrer que le monstre n'est qu'un homme
III. Faire voir au peuple sa responsabilité
1) Un peuple victime de son aveuglement
2) Prendre conscience de l'origine de la force des tyrans
3) Cesser de servir pour se libérer
Premier mouvement :
Trouver à qui profite la misère des peuples
Pauvres et misérables peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien, vous vous laissez emporter devant vous le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons et les dépouiller des meubles anciens et paternels ! Vous vivez de sorte que vous ne vous pouvez vanter que rien soit à vous ; et semblerait que meshui ce vous serait grand heur de tenir à ferme vos biens, vos familles et vos vies ; et tout ce dégât, ce malheur, cette ruine, vous vient, non pas des ennemis, mais certes oui bien de l’ennemi, et de celui que vous faites si grand qu’il est, pour lequel vous allez si courageusement à la guerre, pour la grandeur duquel vous ne refusez point de présenter à la mort vos personnes.
S'adresser à un peuple réduit à la misère
• L'apostrophe à une entité collective « misérables peuples » nous met en présence de ces multitudes qui sont plongées dans la pauvreté.
• Les synonymes : « Pauvres et misérables » font ressortir le sens figuré, moral, de cette misère : la servitude est pire que la pauvreté.
• Cette longue phrase exclamative est une hypotypose (description saisissante et animée) faite pour inspirer la pitié et l'indignation (registres pathétique / satirique).
• Dès le début du passage, le présent d'énonciation « laissez … vivez » tend vers le présent de vérité générale
⇨ Ce tableau a une valeur universelle : tout peuple asservi est misérable. L'auteur va donc chercher à discerner les causes de cet état de fait.
Un peuple victime de son aveuglement
• La négation lexicale : « insensés » montre qu'ils agissent en dépit de la raison, ou du moins, en dépit du bon sens.
• La métaphore des œillères « opiniâtres … aveugles » illustre cet aveuglement.
• Le parallélisme « votre mal … votre bien » en fait même un double aveuglement.
• La voix pronominale « vous vous laissez » annonce déjà leur part de responsabilité.
• La métaphore de l'aveuglement est filée : « devant vous » : le pillage se déroule devant leurs yeux mais ils n'agissent pas, comme s'ils ne le voyaient pas.
⇨ La Boétie va alors s'attacher à rendre visible le scandale du pillage.
Le vol est pourtant visible
• Les superlatifs redoublés « le plus beau et le plus clair » décrivent une véritable confiscation des biens du peuple avec des adjectifs très visuels « beau et clair ».
• La multiplication des démonstratifs « votre … vos … vos » donne à voir la variété des possessions qui sont volées par les tyrans.
• La gradation « champs … maisons … meubles » part de l'extérieur pour aller jusqu'à l'intérieur des maisons.
• Les indicateurs deviennent temporels « anciens et paternels » le vol s'étend jusqu'aux générations précédentes.
• Le champ lexical du vol « emporter, voler » est complété par la paronomase « dépouiller … piller ».
⇨ Ce vol généralisé ne laisse aucune possession réelle aux peuples.
Un dépouillement absolu
• La négation totale « Vous ne pouvez vanter » est cruelle : les sujets ne peuvent attester aucune possession.
• Le pronom indéfini « rien » va plus loin encore : tout peut leur être pris à n'importe quel moment, de sorte qu'ils ne possèdent réellement aucun bien.
• Le subjonctif « que rien soit à vous » (mode de l'irréel) insiste sur la virtualité des possessions : tout ce qu'ils possèdent peut leur être enlevé.
• La gradation « biens, familles, vies » dénonce une appropriation qui s'étend jusqu'à la vie d'êtres humains..
• Les deux conditionnels « semblerait que … vous serait grand heur » évoquent la possibilité d'un grand bonheur, la possession « ferme » de leurs biens.
⇨ La Boétie décrit ce pillage pour mieux dénoncer la figure du tyran.
Un tyran dont la convoitise n'a pas de limites
• Période : longue phrase qui a un rythme ample. Le ton monte durant la protase, jusqu'à l'acme (le moment où la tension est la plus forte) « et dans tout ce dégât » puis il redescend pendant l'apodose, pour accuser le responsable de ces malheurs.
• La gradation très forte « dégât, malheur, ruine » montre que le vol laisse place à une destruction sans limites.
• La négation et le pluriel « non pas des ennemis » évoquent une situation de guerre, qui pourrait expliquer une telle ruine.
• Le lien d'opposition « mais certes oui de l'ennemi » vient contredire cela : « l'ennemi » est au singulier : c'est le tyran seul. La Boétie se reprend et se corrige pour mieux dire (ce qu'on appelle une épanorthose).
⇨ Ce n'est pas une armée, mais un tyran seul, il n'est pas si fort qu'on croit.
Ce tyran n'a pas si grand qu'on croit
• Le pronom démonstratif vient l'isoler : « celui que ».
• Le verbe « faire » aboutit au verbe « être » : « vous faites si grand qu'il est ». Les peuples fabriquent ceux qui le dominent. Propos central dans ce discours.
• La deuxième personne du pluriel « vous faites » s'adresse directement aux peuples qui se donnent des maîtres.
• Le CC de but « pour lequel vous allez à la guerre » dénonce la trahison du seigneur qui doit normalement protéger ses sujets en portant lui-même les armes.
• Adverbes intensifs : « si grand … si courageusement » opposent d'un côté le courage du peuple, de l'autre la grandeur usurpée du tyran.
• Le polyptote (mots qui partagent une même racine) « grand … grandeur » dénonce l'illusion d'une grandeur qui ne provient que du sacrifice des sujets.
⇨ La démonstration atteint son but : montrer que le peuple possède en réalité la capacité de faire tomber le tyran.
La Boétie commence à faire émerger la responsabilité du peuple
• La négation « vous ne refusez point » évoque implicitement une solution : sa thèse consiste justement à enlever la négation de cette phrase.
• Le sujet et le COD « vous ne refusez point … vos personnes » le sujet et le COD sont en fait la même personne.
• L'antithèse (mise en présence de deux termes opposés) : « vos vies … la mort » insiste sur le fait qu'ils donnent ce qu'ils ont de plus précieux : la vie elle-même.
• Le dernier possessif « vos personnes » insiste sur le fait qu'ils n'ont en réalité rien à perdre à refuser de donner leur vie.
⇨ En nous donnant à voir ce peuple misérable, aveugle, qui donne sa vie à un tyran, La Boétie pose les bases de sa démonstration. La force des tyrans ne provient en fait que de la servitude volontaire des peuples.
Deuxième mouvement :
Comprendre d'où vient la force des tyrans
Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez recéleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes ?
La dénonciation du tyran
• Le pronom démonstratif « Celui qui » dénonce la personne du tyran, responsable de tous ces méfaits.
• Le présent d'énonciation « qui vous maîtrise » tend vers une valeur générale : cette affirmation est vraie pour tout tyran qui maîtrise un peuple.
• La négation restrictive « n'a que deux yeux » vient réduire le tyran à ses caractéristiques humaines.
• L'énumération « deux yeux, deux mains, un corps » passe du pluriel au singulier, comme pour réduire et isoler la personne du tyran.
⇨ La Boétie veut montrer que le tyran n'est qu'un homme ordinaire, c'est justement la servitude des peuples qui en fait un monstre surhumain.
Le tyran devient un monstre alors que ce n'est qu'un homme
• Cette énumération suit en plus un ordre chronologique : les « yeux » repèrent, les « mains » prennent, le « corps » absorbe. Le tyran apparaît comme un montre ou un ogre.
• Les pluriels sont impressionnants « tant d'yeux … tant de mains » et il ajoute « les pieds ». En 1651 Hobbes compare l'appareil d'État à un monstre mythologique, le Léviathan.
• La répétition de la négation restrictive « et n'a autre chose que » insiste sur le fait que le tyran n'a aucun organe de plus que les autres hommes.
• La Boétie prend le plus petit « le moindre homme » parmi ce qu'il y a de plus grand « grand et infini nombre de nos villes ».
• L'apparition de la première personne du pluriel : « nos villes » permet à La Boétie de se mettre du côté des peuples asservis.
⇨ Le discours de La Boétie est humaniste, il veut donner au grand nombre un savoir libérateur.
Des questions salvatrices
• Ces cinq questions ouvertes marquent une progression, du lieu « d'où … ? » à la manière « Comment … ? »
• Ce sont des questions rhétoriques, car l'auteur y répond lui-même dans des subordonnées circonstancielles « si vous ne les lui baillez ».
• Le verbe « bailler » signifie « confier, donner » : La Boétie montre donc que cette force est en fait celle du peuple lui-même !
• Les dernières questions sont au conditionnel « Comment oserait-il … Que pourrait-il » ces hypothèses évoquent déjà des solutions.
• Les verbes avoir et être « avoir intelligence » et « être receleurs » montre que le peuple possède en lui-même la solution pour sortir de la servitude.
⇨ Ces questions et réponses font émerger une vérité importante pour la suite du raisonnement : nous sommes responsables de cet asservissement.
La Boétie veut nous mettre face à notre responsabilité
• Le vocabulaire juridique révèle une situation absurde puisque les victimes participent au crime « recéleurs du larron qui vous pille … complices du meurtrier qui vous tue ».
• Les actions sont de plus en plus violentes « épier … frapper … fouler ».
• La dernière formule synthétique achève le raisonnement par l'absurde avec la deuxième personne du pluriel « traîtres à vous-mêmes ».
⇨ Il devient donc urgent de cesser d'agir contre soi-même.
Troisième mouvement :
Cesser de servir pour se libérer
Vous semez vos fruits, afin qu’il en fasse le dégât ; vous meublez et remplissez vos maisons, afin de fournir à ses pilleries ; vous nourrissez vos filles, afin qu’il ait de quoi soûler sa luxure ; vous nourrissez vos enfants, afin que, pour le mieux qu’il leur saurait faire, il les mène en ses guerres, qu’il les conduise à la boucherie, qu’il les fasse les ministres de ses convoitises, et les exécuteurs de ses vengeances ; vous rompez à la peine vos personnes, afin qu’il se puisse mignarder en ses délices et se vautrer dans les sales et vilains plaisirs ; vous vous affaiblissez, afin de le rendre plus fort et roide à vous tenir plus courte la bride ; et de tant d’indignités, que les bêtes mêmes ou ne les sentiraient point, ou ne l’endureraient point, vous pouvez vous en délivrer, si vous l’essayez, non pas de vous en délivrer, mais seulement de le vouloir faire. Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres.
Préparer une chute mémorable
• Ce dernier mouvement est une longue phrase, suivie d'une phrase très courte, cela démultiplie son impact.
• Une même structure de phrase est répétée (parallélisme), des actions, suivies d'un complément circonstanciel de but : « vous semez vos fruits, afin qu'il en fasse dégât », opposant les actions des peuples et celles des tyrans.
• Le subjonctif (mode de l'irréel) pour toutes les actions du tyran montrent bien que ces actions pourraient — et devraient — ne pas être réalisées.
• Les actions des peuples sont constructives « semez … meublez … remplissez … nourrissez » tandis que les actions des tyrans sont destructrices « faire dégât » ou condamnables « soûler sa luxure … les mener en ses guerres ».
⇨ Au-delà de la démonstration, La Boétie veut nous faire réagir, il utilise les ressources de la persuasion pour toucher nos émotions.
La Boétie représente le tyran dans toute son ignominie
• Ces actions sont de plus en plus graves et condamnables : le tyran porte atteinte d'abord aux « fruits » puis aux « meubles », et enfin aux « enfants ».
• Au-delà même des enfants, il termine cette gradation sur « vos personnes ».
• L'auteur est présent par des termes aux connotations négatives : le verbe « soûler », la comparaison des « guerres » à une « boucherie »…
• Le champ lexical du péché est systématiquement associé aux possessifs « sa luxure … ses convoitises … ses vengeances … ses plaisirs »
• Les adjectifs sont axiologiques (ils émettent un jugement) : « sales et vilains » alimentent ce registre du jugement (épidictique) et notre indignation (satirique).
• Le tyran est représenté dans ses frasques, avec les verbes « se mignarder … se vautrer » qui l'animalisent.
⇨ Tout est fait pour provoquer en nous des émotions très fortes, qui vont nous aider à passer à l'action, ou du moins justement, à cesser de désirer la servitude.
Prendre conscience du rapport de forces
• Au lieu d'accuser principalement le tyran, La Boétie se tourne vers les sujets avec la forme pronominale « vous vous affaiblissez ».
• La structure en « afin que » revient à la fin du paragraphe « afin de le rendre plus fort » en prenant une hauteur de vue : toutes les actions sont résumées en une seule « s'affaiblir » d'un côté, « le rendre plus fort » de l'autre.
• Le jeu d'opposition des termes (antithèse) où l'on entend « faible … fort » insiste sur cette absorption pratiquement vampirique de la force des sujets.
⇨ L'étape suivante est donc de montrer que cette force qu'ils abandonnent met à mal leur dignité d'êtres humains.
Préserver la dignité et l'humanité des peuples
• Autre manière de résumer tout le propos qui précède : « tant d'indignités ». Le pluriel et la négation lexicalisée (in+digne) dénoncent l'irrespect du tyran.
• La métaphore « vous rompez » montre des peuples brisés comme des objets (réification), qui en perdent leur humanité.
• La métaphore « tenir la bride » assimile les sujets à des animaux (animalisation).
• La Boétie va encore plus loin en disant que « les bêtes même » ne sont pas aussi maltraitées.
• Le conditionnel « ne l'endureraient point » montre même que les bêtes refuseraient d'obtempérer à de tels ordres.
⇨ La Boétie a développé un raisonnement qui lui permet enfin de formuler une conclusion particulièrement puissante.
Un message simple et optimiste : il suffit de cesser de vouloir
• La répétition du verbe « délivrer » à la négative permet à La Boétie de démontrer que les peuples n'ont pas à conquérir leur liberté par les armes ou par un combat.
• L'adverbe « seulement » opère une restriction « de le vouloir faire » ce n'est qu'une question de volonté.
• Le passage se termine sur une formule célèbre à l'impératif « soyez résolus ». Il invite les peuples à désirer la liberté.
• La deuxième partie de la formule est percutante « et vous voilà libres » le présentatif « voilà » nous montre cette liberté comme si elle était déjà advenue.
• C'est une parole qui décrète « vous voilà libre » on appelle cela la fonction performative du langage (les mots prennent la valeur d'un acte).
⇨ La Boétie veut non seulement produire une prise de conscience, mais aussi la mise en place concrète d'une réaction contre les tyrans.
Conclusion
Bilan
Dans ce passage du Discours de la servitude volontaire, La Boétie s'attache d'abord à trouver à qui profite la misère des peuples. Il représente les multitudes qui donnent tout ce qu'elle possèdent à un tyran dont la convoitise na pas de limites. Mais cela fait émerger une première vérité : ce tyran n'est qu'un homme, sa force ne devrait pas prendre de telles proportions, qui en font un monstre. La Boétie invite alors les peuples à se ressaisir de leur humanité ; en refusant simplement de servir un homme, ils obtiendront la liberté.
Ouverture
Cette valeur de la liberté est très forte chez les humanistes, elle sera ensuite revendiquée notamment par les philosophes des Lumières. Ainsi, Diderot écrit dans l'article « Autorité politique » de son Encyclopédie :
Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et [chacun] a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. Diderot, Encyclopédie, Article « autorité politique », 1751-1772.
Au XIXe siècle, cette notion de Liberté est aussi une valeur fondamentale pour toute la génération romantique. Victor Hugo écrit par exemple :
Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. Etre libre, rien n'est plus grave ; la liberté est pesante, et toutes les chaînes qu'elle ôte au corps, elle les ajoute à la conscience. Victor Hugo, Actes et Paroles, 1875.
Portrait imaginaire de La Boétie.
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