La Boétie, Discours de la Servitude volontaire
« Le pouvoir de lâhabitude »
Explication linéaire
Extrait étudié
Nul doute que ce ne soit la nature qui nous dirige dâabord suivant les penchants bons ou mauvais quâelle nous a donnĂ©s ; mais aussi faut-il convenir quâelle a encore moins de pouvoir sur nous que lâhabitude ; car, si bon que soit le naturel, il se perd sâil nâest entretenu ; et la nourriture nous façonne toujours Ă sa façon, de quelque maniĂšre que ce soit, malgrĂ© la nature. Les semences de bien que la nature met en nous sont si frĂȘles et si minces quâelles ne peuvent rĂ©sister au moindre heurt dâune nourriture qui les contrarie. Elles ne se conservent pas si facilement quâelles sâabĂątardissent, dĂ©gĂ©nĂšrent mĂȘme et disparaissent, comme il arrive Ă ces arbres fruitiers qui, ayant tous leur espĂšce propre, la conservent tant quâon les laisse venir naturellement, mais la perdent, pour porter des fruits tout Ă fait diffĂ©rents des leurs, dĂšs quâon les a greffĂ©s. Les herbes ont aussi chacune leur propriĂ©tĂ©, leur naturel, leur singularitĂ© : mais toutefois, le gel, le temps, le terroir ou la main du jardinier, amĂ©liorent ou dĂ©tĂ©riorent sensiblement leur qualitĂ© ; la plante quâon a vue dans un pays nâest souvent plus reconnaissable dans un autre.
Qui verrait les VĂ©nitiens, poignĂ©e de gens qui vivent si librement que le plus mĂ©chant dâentre eux ne voudrait pas ĂȘtre le roi de tous, ainsi nĂ©s et nourris quâils ne reconnaissent dâautre ambition sinon Ă qui mieux avisera et le plus soigneusement prendra garde Ă entretenir la libertĂ©, ainsi appris et formĂ©s dĂšs le berceau quâils nâĂ©changeraient pas un brin de leur libertĂ© pour toutes les autres fĂ©licitĂ©s humaines ; qui verrait, dis-je, ces hommes, et sâen irait ensuite, en les quittant, dans les domaines de celui que nous appelons le Grand seigneur, voyant lĂ des gens qui ne sont nĂ©s que pour le servir et qui pour maintenir sa puissance abandonnent leur vie, penserait-il que ces deux peuples sont de mĂȘme nature ? Ou plutĂŽt ne croirait-il pas quâen sortant dâune citĂ© dâhommes, il est entrĂ© dans un parc de bĂȘtes ?
On raconte que Lycurgue, lĂ©gislateur de Sparte, avait nourri deux chiens, tous deux frĂšres, tous deux allaitĂ©s du mĂȘme lait, lâun engraissĂ© Ă la cuisine et lâautre habituĂ© Ă courir les champs, au son de la trompe et du huchet. Voulant montrer aux LacĂ©dĂ©moniens que les hommes sont tels que la nourriture les fait, il exposa les deux chiens sur la place publique et mit entre eux une soupe et un liĂšvre : lâun courut au plat et lâautre au liĂšvre et pourtant, dit-il, ils sont frĂšres ! Donc ce lĂ©gislateur avec ses lois et sa police Ă©duqua si bien les LacĂ©dĂ©moniens que chacun dâeux eut prĂ©fĂ©rĂ© mourir de mille morts, plutĂŽt que de reconnaĂźtre autre seigneur que la loi et la raison.
Introduction
Accroche
⹠La rédaction de ce texte Discours de la servitude volontaire est probablement une réaction aux différentes révoltes paysannes réprimées par le connétable de Montmorency (1648).
âą En tout cas, ce texte nous fait rĂ©agir, rĂ©flĂ©chir, et porte jusquâĂ nos jours la question de la volontĂ© du citoyen face Ă la tyrannie.
âą DĂšs sa diffusion, le texte attire la controverse. Les protestants sâen emparent pour dĂ©fendre leur libertĂ© de culte.
âą Dâautres au contraire veulent diminuer son impact :
Ce sont discours lĂ©gers vains et de rĂȘveurs songe-creux qui nâentendent [pas] lâĂtat.
Henri de Mesmes, Contre La Boétie, sans date, contemporain du Discours.
Situation
âą La BoĂ©tie postule en effet que lâhomme est libre par nature et se demande ce qui l'amĂšne Ă abdiquer cette libertĂ©.
âą Il Ă©voque notamment dans notre passage le rĂŽle de lâhabitude ce quâon appellerait aujourdâhui le conditionnement social.
âą Il dĂ©crit alors comment notre nature peut ĂȘtre dĂ©voyĂ©e par un contexte qui lâaccoutume « au venin de la servitude ».
Problématique
Comment La BoĂ©tie mobilise-t-il ces exemples variĂ©s pour dĂ©fendre la libertĂ© naturelle des hommes, comme une valeur humaniste quâil faut protĂ©ger par des lois ?
Mouvements de l'explication linéaire
Les trois paragraphes visent Ă convaincre le lecteur en lui donnant des exemples de plus en plus frappants.
1) Dans un premier mouvement, La BoĂ©tie dĂ©veloppe une mĂ©taphore vĂ©gĂ©tale pour montrer comment la nature peut ĂȘtre modifiĂ©e par lâaction de lâhomme.
2) Ensuite, il présente les Vénitiens et des Turcs, dont les coutumes sont tout à fait opposées, les uns ayant une liberté que les autres ne connaissent pas.
3) Enfin, La Boétie rapporte un exemple antique : celui de Lycurgue, législateur de Sparte, qui montra à son peuple combien la loi et la raison sont préférables à la tyrannie.
Premier mouvement :
Lâhumain entre nature et habitude
Nul doute que ce ne soit la nature qui nous dirige dâabord suivant les penchants bons ou mauvais quâelle nous a donnĂ©s ; mais aussi faut-il convenir quâelle a encore moins de pouvoir sur nous que lâhabitude ; car, si bon que soit le naturel, il se perd sâil nâest entretenu ; et la nourriture nous façonne toujours Ă sa façon, de quelque maniĂšre que ce soit, malgrĂ© la nature. Les semences de bien que la nature met en nous sont si frĂȘles et si minces quâelles ne peuvent rĂ©sister au moindre heurt dâune nourriture qui les contrarie. Elles ne se conservent pas si facilement quâelles sâabĂątardissent, dĂ©gĂ©nĂšrent mĂȘme et disparaissent, comme il arrive Ă ces arbres fruitiers qui, ayant tous leur espĂšce propre, la conservent tant quâon les laisse venir naturellement, mais la perdent, pour porter des fruits tout Ă fait diffĂ©rents des leurs, dĂšs quâon les a greffĂ©s. Les herbes ont aussi chacune leur propriĂ©tĂ©, leur naturel, leur singularitĂ© : mais toutefois, le gel, le temps, le terroir ou la main du jardinier, amĂ©liorent ou dĂ©tĂ©riorent sensiblement leur qualitĂ© ; la plante quâon a vue dans un pays nâest souvent plus reconnaissable dans un autre.
Deux puissances sâaffrontent : la Nature et lâhabitude
⹠Certes la puissance de la nature est incontestable « nul doute » la litote redouble la négation pour mieux renforcer le propos.
âą Les deux forces sont alors opposĂ©es : la nature a « moins de pouvoir que « lâhabitude ». Ces deux forces sont personnifiĂ©es.
⹠Cette opposition est intemporelle « la nature dirige » mais « la nourriture façonne » au présent de vérité générale.
⹠Entre les deux, l'homme est le jouet de ces puissances « suivant les penchants ⊠à sa façons, de quelque maniÚre que ce soit » les CC de maniÚre de maniÚre sont multipliés.
âą Le locuteur sâimplique dans la 1Ăšre personne du pluriel : « sur nous » câest une destinĂ©e commune Ă tous les hommes.
âš La BoĂ©tie veut nous montrer que la nature est premiĂšre, câest elle qui nous rend libre, mais elle est menacĂ©e par lâhabitude.
MalgrĂ© sa puissance, la nature est dĂ©passĂ©e par lâhabitude
âą La puissance de la nature sâimpose en premier avec lâadverbe « dâabord », relativisĂ©e ensuite par le lien dâopposition : « mais ».
âą La nature « a moins de pouvoir » que lâhabitude : La BoĂ©tie utilise le comparatif dâinfĂ©rioritĂ©.
âą Le lien de cause « car » introduit lâidĂ©e qui met le bon naturel en pĂ©ril « il se perd sâil nâest entretenu » : il faudrait donc lutter sans cesse pour le conserver.
âą Cette vĂ©ritĂ© est dĂ©plaisante « aussi faut-il convenir » il prĂ©suppose ainsi que la nature est meilleure que lâhabitude.
âą Lâhabitude agit « malgrĂ© la nature » et malgrĂ© ses vertus : « Si bon que soit le naturel ».
âš Pour nous faire comprendre ce mĂ©canisme, La BoĂ©tie a dâabord recours Ă une mĂ©taphore vĂ©gĂ©tale.
La métaphore végétale pour la fragilité de la nature humaine
âą Les penchants naturels sâexpriment par une mĂ©taphore filĂ©e : « semences, arbres fruitiers, espĂšce, fruits, herbes, plante » oĂč domine le lexique vĂ©gĂ©tal.
⹠La comparaison « comme à ces arbres fruitiers » nous les montre avec le démonstratif « ces arbres ».
âą La fragilitĂ© de ces semences « si menues, si frĂȘles » est soulignĂ©e par les intensifs « si » : « pas si facilement ».
âą Leur faiblesse est extrĂȘme car elles « ne peuvent rĂ©sister au moindre heurt » la nĂ©gation est alliĂ©e au superlatif dâinfĂ©rioritĂ©.
âš Lâhabitude de la servilitĂ© fait perdre la richesse ( exprimĂ©e par « les fruits ») de lâĂ©tat naturel.
La dĂ©gradation symbolique du vĂ©gĂ©tal provoquĂ©e par lâhabitude
⹠La Boétie développe sa métaphore végétale en trois temps pour montrer comment le penchant naturel se perd facilement.
âą Dâabord, les « semences » fragiles « si frĂȘles et minces », changent sous lâeffet dâune « nourriture qui les contrarie ».
âą DeuxiĂšme image : les « greffes » vont mĂȘme amener des « arbres fruitiers » Ă porter des « fruits diffĂ©rents » alors quâil ont pourtant chacun « leur espĂšce propre ».
âą Enfin, la « main du jardinier » (le lĂ©gislateur ou lâĂ©ducateur) peut agir dans les deux sens : « amĂ©liorer ou dĂ©tĂ©riorer ».
âš Cette mĂ©taphore filĂ©e vĂ©gĂ©tale soulĂšve toute la difficultĂ© dâ« entretenir » la variĂ©tĂ© des qualitĂ©s issues de la nature. Mais cela est complexe « pas si facilement ».
Transition
La Boétie montre une liberté facilement remise en cause par les habitudes instaurées par un tyran. Il compare alors deux civilisations de son époque : les Vénitiens et les Turcs.
DeuxiĂšme mouvement :
Deux exemples opposés, les Vénitiens et les Turcs
Qui verrait les VĂ©nitiens, poignĂ©e de gens qui vivent si librement que le plus mĂ©chant dâentre eux ne voudrait pas ĂȘtre le roi de tous, ainsi nĂ©s et nourris quâils ne reconnaissent dâautre ambition sinon Ă qui mieux avisera et le plus soigneusement prendra garde Ă entretenir la libertĂ©, ainsi appris et formĂ©s dĂšs le berceau quâils nâĂ©changeraient pas un brin de leur libertĂ© pour toutes les autres fĂ©licitĂ©s humaines ; qui verrait, dis-je, ces hommes, et sâen irait ensuite, en les quittant, dans les domaines de celui que nous appelons le Grand seigneur, voyant lĂ des gens qui ne sont nĂ©s que pour le servir et qui pour maintenir sa puissance abandonnent leur vie, penserait-il que ces deux peuples sont de mĂȘme nature ? Ou plutĂŽt ne croirait-il pas quâen sortant dâune citĂ© dâhommes, il est entrĂ© dans un parc de bĂȘtes ?
L'opposition de deux peuples contemporains
⹠La Boétie oppose deux peuples de son époque : les Vénitiens et le peuple du « Grand Seigneur » (les Turcs).
âą La BoĂ©tie nous invite Ă voyager par la pensĂ©e : le verbe « voir » (repris plusieurs fois : « qui verrait⊠voyant là ⊠») est associĂ© au verbe « aller » : « et sâen irait ensuite ».
âą Les mĂȘmes mots sont repris parallĂšlement : « gens qui vivent librement » // « gens qui abandonnent leur vie ».
âą Lâopposition se prolonge jusquâĂ la fin du mouvement : la « citĂ© des hommes » sâoppose Ă un « parc de bĂȘtes ».
⹠Enfin, deux questions rhétoriques nous invitent à conclure : « penserait-il que⊠? ⊠ne croirait-il pas que⊠? »
âš Regardons de plus prĂšs ces deux exemples.
Lâexemple vĂ©nitien : la libertĂ© volontaire !
âą Venise est prĂ©sentĂ©e de maniĂšre trĂšs positive (câest une RĂ©publique depuis le Moyen Ăge, le pouvoir est partagĂ©e entre une oligarchie et un doge Ă©lu Ă vie, mais sans rĂ©el pouvoir).
⹠Trois conséquence à cette liberté exceptionnelle, sont décrites dans trois subordonnées circonstanciel de conséquence.
âą La premiĂšre : ils « vivent si librement que » personne ne « veut ĂȘtre le roi de tous ». Personne ne recherche le pouvoir.
âą La deuxiĂšme : « ainsi nĂ©s et nourris quâils ne reconnaissent dâautre ambition » que de prĂ©server et « entretenir la libertĂ© ». Chacun se fait donc le garant de cette valeur collective.
âą La troisiĂšme : « ainsi appris dĂšs le berceau quâil nâĂ©changeraient pas un brin de libertĂ© » contre la moindre « fĂ©licitĂ© humaine ».
⚠On peut alors se demander quels sont les facteurs qui protÚgent cette liberté naturelle.
Ce qui protÚge la liberté naturelle des Vénitiens
âą Dâabord, les initiatives pour « entretenir la libertĂ© » sont valorisĂ©es par des superlatifs : « qui mieux avisera » « le plus soigneusement ».
⹠Celle-ci repose sur une éducation précoce : les qualités innées (« nés et nourris ») sont développées par un véritable enseignement (« appris et formés dÚs le berceau »).
âą Leurs refus sont exprimĂ©s Ă la forme nĂ©gative : « ne voudrait pas⊠ne connaissent dâautre ambition⊠nâĂ©changeraient pas ».
âą La valeur de la libertĂ© sâexprime particuliĂšrement avec lâantithĂšse et lâhyperbole oĂč un « brin de libertĂ© » est mis en regard de « toutes les autres fĂ©licitĂ©s humaines ».
âš La vie des VĂ©nitiens est donc dĂ©nuĂ©e de cette « servitude volontaire » dĂ©noncĂ©e dans le Discours et quâon retrouve au contraire chez le « Grand seigneur » turc.
Le contre-exemple turc : lâasservissement par coutume
âą Le peuple Turc est dĂ©signĂ© par son reprĂ©sentant, sultan de Turquie, chef de lâEmpire Ottoman, tyran puissant Ă lâĂ©poque.
âą La pĂ©riphrase dĂ©crit « des gens qui ne sont nĂ©s que pour le servir » la restriction insiste sur le verbe « servir » qui reprend le titre mĂȘme du Discours de la servitude.
âą Cela va mĂȘme trĂšs loin parce que « pour maintenir sa puissance, ils abandonnent leur vie ».
⹠Les CC but « pour le servir [...] pour maintenir sa puissance » convergent vers la personne du tyran.
âą La mĂ©taphore « parc de bĂȘtes » est trĂšs dĂ©prĂ©ciative : en perdant leur libertĂ©, ils perdent aussi leur humanitĂ©.
⚠Cet exemple illustre la servitude inculquée par la coutume, que La Boétie dénonce dans son discours.
Transition
Cet exemple est alors redoublĂ© par un rĂ©cit, tirĂ© de lâHistoire de lâantiquitĂ© cette fois-ci. Câest notre troisiĂšme mouvement.
TroisiĂšme mouvement :
Un apologue : Lycurgue et ses chiens
On raconte que Lycurgue, lĂ©gislateur de Sparte, avait nourri deux chiens, tous deux frĂšres, tous deux allaitĂ©s du mĂȘme lait, lâun engraissĂ© Ă la cuisine et lâautre habituĂ© Ă courir les champs, au son de la trompe et du huchet. Voulant montrer aux LacĂ©dĂ©moniens que les hommes sont tels que la nourriture les fait, il exposa les deux chiens sur la place publique et mit entre eux une soupe et un liĂšvre : lâun courut au plat et lâautre au liĂšvre et pourtant, dit-il, ils sont frĂšres ! Donc ce lĂ©gislateur avec ses lois et sa police Ă©duqua si bien les LacĂ©dĂ©moniens que chacun dâeux eut prĂ©fĂ©rĂ© mourir de mille morts, plutĂŽt que de reconnaĂźtre autre seigneur que la loi et la raison.
La Boetie met en scĂšne un dirigeant exemplaire
⹠La Boétie varie ses exemples : « On raconte que ». La tournure impersonnelle introduit un apologue (bref récit à visée morale).
âą Lâexemple est cette fois tirĂ© de lâAntiquitĂ© et met en scĂšne Lycurgue (IX-VIIIe s) « le lĂ©gislateur de Sparte », figure lĂ©gendaire.
âą Ce personnage fait preuve de sagesse : « voulant montrer aux LacĂ©dĂ©moniens que les hommes sont tels que la culture les a faits ». Il enseigne une vĂ©ritĂ© morale par lâexpĂ©rience.
âą Le verbe dâĂ©tat « les hommes sont tels » est bien au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale : il sâagit de dĂ©montrer une vĂ©ritĂ© intemporelle.
âą Lycurgue nâest pas quâun lĂ©gislateur « avec ses lois et son art politique », il Ă©duque en faisant rĂ©flĂ©chir : « Ă©duqua et forma ».
âš Comment se traduit lâenseignement de ce personnage si extraordinaire ?
Une fable particuliĂšrement efficace
âą Ce rĂ©cit est Ă la fois une fable et une vĂ©ritable petite expĂ©rience scientifique, menĂ©e avec « deux chiens » qui ont tout en commun « deux frĂšres » sauf lâĂ©ducation.
⹠Il fait en sorte que cette expérience serve à tous : « exposa », « sur la place publique ».
âą Cet enseignement atteint son but, de maniĂšre hyperbolique « si bien que chacun dâeux eut prĂ©fĂ©rĂ© mourir mille morts, plutĂŽt que de reconnaĂźtre autre seigneur que la loi et la raison. »
âą Ces deux valeurs que sont « la loi et la raison » sont ici personnifiĂ©es, et deviennent les vĂ©ritables maĂźtres des hommes, (et non un tyran guidĂ© par lâambition).
âš Cette façon dâĂ©duquer correspond tout Ă fait Ă la conception humaniste qui fait appel Ă lâintelligence et la rĂ©flexion, que la BoĂ©tie parvient en plus Ă rendre plaisante.
Le cĂŽtĂ© plaisant de lâapologue
âą Lâanecdote est habilement mise en scĂšne par La BoĂ©tie : il la prĂ©paration de lâexpĂ©rience : Lycurgue « avait nourri » au plus-que-parfait (antĂ©rioritĂ© dans le passĂ©).
âą Chaque Ă©tape de lâexpĂ©rience est retracĂ©e avec vivacitĂ© au passĂ© simple « exposa, mit, courut ».
âą LâĂ©ducation des deux chiens sâoppose, exactement comme les VĂ©nitiens et les Turcs.
⹠Le premier chien « engraissé à la cuisine » son naturel a été altéré par la maniÚre dont il a été élevé.
âą Lâautre « habituĂ© Ă courir les champs au son de la trompe » est restĂ© en contact avec la nature, il chasse.
âą Enfin, lâexclamation de Lycurgue « Et pourtant, ils sont frĂšres ! » est au discours direct, ce qui anime la dĂ©monstration.
âš Lâart du rĂ©cit soutient une dĂ©monstration non moins habileâŠ
Un raisonnement parfaitement maßtrisé
âą La Boetie assure une liaison avec lâexemple prĂ©cĂ©dent en reprenant des termes communs : « nĂ©s et nourris » // « nĂ©s, allaitĂ©s, nourri ».
âą Dans tous ces exemples, la nourriture est une mĂ©taphore pour lâĂ©ducation ou la culture : nourriture de lâesprit et de lâĂąme.
⹠Ensuite, il énonce sa thÚse : « les hommes sont tels que la culture les a faits ». Cet aphorisme énonce une vérité générale de maniÚre brÚve et frappante.
âą Elle est illustrĂ©e par les deux exemples symĂ©triques : « Lâun courut Ă la soupe, lâautre au liĂšvre ». Les symboles sont trĂšs forts, le « liĂšvre » rapide, agile, est une nourriture vivifiante, que le chien doit chasser par lui-mĂȘme.
âą La conclusion que tire La BoĂ©tie est marquĂ©e par « Donc » connecteur logique de consĂ©quence. Il associe deux mots-clĂ©s « loi » et « raison » marquant le dĂ©but dâune rĂ©flexion qui sera poursuivie par les philosophes des LumiĂšres.
⚠Le Discours de la Servitude Volontaire est un raisonnement construit de maniÚre trÚs rigoureuse, qui ouvre des perspectives philosophiques inédites.
Conclusion
Bilan
Ce passage est une réflexion humaniste par différents aspects :
âą L'utilisation de la langue française, reconnue langue nationale dans lâadministration depuis l'Ă©dit de Villers-Cotteret, 1539.
âą Les exemples variĂ©s sont riches en mĂ©taphores, racontĂ©s de maniĂšre plaisante, et rigoureusement dĂ©veloppĂ©s pour dĂ©montrer lâimportance dâentretenir la libertĂ© par des actions lĂ©gislatives concrĂštes.
âą La rĂ©fĂ©rence Ă la situation politique de La RĂ©publique de Venise et la tyrannie du Sultan turc montrent lâintĂ©rĂȘt que les humanistes portent aux questions de Pouvoir.
âą LâautoritĂ© de lâAntiquitĂ© (dont les textes sont redĂ©couverts et traduits au XVIe). Lâanecdote de Lycurgue se trouve chez Plutarque, un auteur latin traduit par La BoĂ©tie.
Ouverture
⹠Le texte est donc à la fois un « essai », un exercice rhétorique et une réflexion humaniste et politique.
âą La BoĂ©tie place en effet lâhomme au centre de lâunivers car il lui reconnaĂźt la libertĂ© de choisir entre servitude et libertĂ©.
âą Cette rĂ©flexion trĂšs moderne montre que la tyrannie ne repose pas tant dans la violence du tyran que dans lâacceptation aveugle de la servitude.
⹠Cette idée inspirera les écrivains des LumiÚres, on peut penser à Rousseau dans Le Contrat Social par exemple :
Renoncer Ă sa libertĂ©, câest renoncer Ă sa qualitĂ© dâhomme, aux droits de lâhumanitĂ©, mĂȘme Ă ses devoirs. (âŠ) Une telle renonciation est incompatible avec la nature de lâhomme et câest ĂŽter toute moralitĂ© Ă ses actions que dâĂŽter toute libertĂ© Ă sa volontĂ©.
Rousseau , Le Contrat Social, 1762.
Gardes janissaires, Empire Ottoman.
âšÂ đŒ Extrait Ă©tudiĂ© au format PDF tĂ©lĂ©chargeable
Le site existe grĂące Ă vous !
âș Pour un prix libre, vous accĂ©dez Ă TOUT mon site, sans limites !
âș Le systĂšme de paiement est international et sĂ©curisĂ© Ă 100%.
âș Vous pouvez vous dĂ©sengager en un seul clic.
âș Une question particuliĂšre ? Contactez-moi par email : mediaclasse.fr@gmail.com
Connexion
Pas de compte ? Création gratuite !
Réinitialiser mon mot de passe !
âšÂ * đ L'explication liste Ă puces au format PDF tĂ©lĂ©chargeable *
   * Document téléchargeable réservé aux abonnés.