Couverture pour Lettres d'une Péruvienne

Françoise de Graffigny, Lettres PĂ©ruviennes. ƒuvre abrĂ©gĂ©e et commentĂ©e




1747, Françoise de Graffigny s’inspire des Lettres persanes de Montesquieu pour Ă©crire une Ɠuvre extraordinaire : Les Lettres d’une PĂ©ruvienne.

Il s’agit donc d’un roman Ă©pistolaire, une correspondance fictive. Mais ici la personne qui Ă©crit n’est pas un prince persan en voyage : Zilia est une pĂ©ruvienne arrachĂ©e Ă  son pays : cela change beaucoup de choses !

Le dĂ©centrement est triple : Zilia appartient Ă  une civilisation mĂ©connue, mais Françoise de Graffigny s’est beaucoup documentĂ©e sur la culture Inca. Son point de vue fĂ©minin est assumĂ©, ce qui est rare dans la littĂ©rature de l’époque. Et enfin, arrivĂ©e en France, Zilia a perdu son rang : son statut social est celui d’une esclave.

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PremiĂšre partie



LETTRE PREMIÈRE



Dans la plupart des lettres, Zilia s'adresse Ă  Aza, prince Inca qu’elle aime et qu’elle devait Ă©pouser. Mais la voilĂ  en captivitĂ© : des barbares sont venus piller le temple oĂč elle Ă©tait prĂȘtresse.
Les cris de ta tendre Zilia, tels qu'une vapeur du matin, [...] se dissipent avant d'arriver jusqu'Ă  toi ; [...] en vain j'attends que tu viennes briser les chaĂźnes de mon esclavage : hĂ©las ! [...] Peut-ĂȘtre tes maux surpassent-ils les miens !

Ce jour-là, elle s'était levée tÎt pour nouer ses quipos (des cordons que les incas utilisaient pour noter des évÚnements). Françoise de Graffigny en fait le support des lettres de Zilia.

Mais soudain une clameur l'a interrompu : elle a couru Ă  l'entrĂ©e du temple et a vu des soldats pillant la ville du Soleil. Zilia s’est cachĂ©e derriĂšre l'autel, mais elle est faite prisonniĂšre


Dans cette premiĂšre lettre, Zilia dĂ©nonce la cruautĂ© des conquistadors, insensibles aux supplications de leurs victimes :
Quel est le peuple assez fĂ©roce pour n'ĂȘtre point Ă©mu aux signes de la douleur ? Les barbares MaĂźtres d'Yalpor, fiers de la puissance d'exterminer ! La cruautĂ© est le seul guide de leurs actions.

Yalpor, c'est le nom Inca du tonnerre, il désigne en fait les fusils des occidentaux. Ce langage imagé permet à Françoise de Graffigny de rendre compte du regard étranger de Zilia.

LETTRE DEUXIÈME



Zilia vient d’apprendre qu'Aza est vivant, elle remercie le citoyen qui lui a transmis ces nouvelles. Mais elle implore Aza de se mĂ©fier des Espagnols : elle lui conseille de fuir avec elle.
Riches de la possession de nos cƓurs, grands par nos vertus, [...] tu seras plus Roi rĂ©gnant sur mon Ăąme qu'en doutant de l'affection d'un peuple innombrable.

Zilia se remĂ©more avec Ă©motion leur premiĂšre rencontre, et le moment oĂč elle a appris qu'elle deviendrait son Ă©pouse, Ă©tant sa plus proche parente, comme le veut la coutume.

LETTRE TROISIÈME



Zilia raconte qu'elle a Ă©tĂ© enlevĂ©e de nuit pour ĂȘtre transportĂ©e dans un bĂątiment trĂšs Ă©trange (on devine qu'il s'agit d'un bateau, mais qu'elle n'en a jamais vu).
Cette maison, comme suspendue et ne tenant point à la terre, était dans un balancement continuel.

Le dĂ©part du bateau a rĂ©veillĂ© Zilia... Elle se demande si ce n'est pas la fin du monde, et elle Ă©voque les croyances Incas sur l'apocalypse :
Notre habitation recevait des ébranlements tels que la terre en éprouvera, lorsque la lune en tombant réduira l'univers en poussiÚre.

LETTRE QUATRIÈME



En Ă©coutant les personnes qui l’entourent, Zilia comprend qu’elle a Ă©tĂ© vendue par les Espagnols Ă  des personnes d’une autre nation, trĂšs diffĂ©rents, mais elle se mĂ©fie de leur sollicitude.
Un certain empressement rĂ©pandu sur leurs actions [...] prĂ©vient en leur faveur ; mais je remarque des contradictions dans leur conduite.

À son chevet, deux personnages... Le premier semble ĂȘtre un « Cacique Â», un chef. Le deuxiĂšme lui prend la main plusieurs fois par jour, ce qui la met mal Ă  l'aise. On devine que c’est un mĂ©decin qui lui prend le pouls.
Cette espĂšce de cĂ©rĂ©monie me paraĂźt une superstition de ces peuples : j'ai cru remarquer que l'on y trouvait des rapports avec mon mal, mais il faut apparemment ĂȘtre de leur Nation pour en sentir les effets.

LETTRE CINQUIÈME



Zilia ne comprend pas pourquoi ses ravisseurs la maintiennent dans un lit et lui refusent certains aliments, alors qu’en mĂȘme temps ils lui vouent une espĂšce de culte. Le Cacique s'agenouille prĂšs de son lit et lui parle doucement en prenant sa main. Le lecteur devine dĂ©jĂ  que cet officier français l’aime certainement.
Cette Nation ne serait-elle point idolĂątre ? Je n'ai encore vu faire aucune adoration au Soleil ; peut-ĂȘtre prennent-ils les femmes pour l'objet de leur culte ?

LETTRE SIXIÈME



On a enfin donnĂ© Ă  Zilia la permission de se lever. Elle s'est alors empressĂ©e d'aller voir par une petite fenĂȘtre pour dĂ©couvrir avec horreur qu'elle se trouve au milieu de la mer. Elle dĂ©cide de se jeter Ă  l’eau
.
Que la Mer abßme à jamais dans ses flots ma tendresse malheureuse, ma vie et mon désespoir.

LETTRE SEPTIÈME



Zilia a été sauvée par ses surveillants, et maintenant, elle a honte d'avoir cédé au désespoir.
Que le sang-froid est cruel aprĂšs la fureur ! Que les points de vue sont diffĂ©rents sur les mĂȘmes objets ! Dans l'horreur du dĂ©sespoir on prend la fĂ©rocitĂ© pour du courage.

En proie à ses remords, elle se sent indigne de participer aux festivités des sauvages qui boivent abondamment une liqueur rouge en dansant.

Seul le Cacique ne participe pas Ă  cette joie : depuis le geste de dĂ©sespoir de Zilia, il redouble d'attentions pour elle.
Il y a des moments oĂč je trouve de la douceur dans ces entretiens muets ; le feu de ses yeux me rappelle l'image de celui que j'ai vu dans les tiens, [...] HĂ©las ! cette illusion est passagĂšre.

LETTRE HUITIÈME



Le Cacique a enfin rĂ©ussi Ă  convaincre Zilia de s'approcher de la fenĂȘtre. Il l'a fait regarder Ă  travers une longue-vue, et lui a fait comprendre, par signes, qu'ils sont bientĂŽt arrivĂ©s Ă  destination.
Par un prodige incomprĂ©hensible [...] il m'a fait voir la terre dans un Ă©loignement oĂč, sans le secours de cette merveilleuse machine, mes yeux n'auraient pu atteindre.

LETTRE NEUVIÈME



Zilia commence Ă  comprendre quelques mots de la langue du Cacique. Il s'appelle DĂ©terville, et la rĂ©gion oĂč ils vont s'appelle France.

DĂ©terville lui fait prononcer quelques mots français. Le lecteur commence Ă  comprendre ce qui se joue dans cette relation d'un homme amoureux d’une femme sur laquelle il a tout pouvoir

DĂšs que j'ai rĂ©pĂ©tĂ© aprĂšs lui « Oui, je vous aime, ou bien je vous promets d'ĂȘtre Ă  vous, la joie se rĂ©pand sur son visage.

LETTRE DIXIÈME



Ils sont enfin arrivĂ©s dans une ville bĂątie sur le rivage de la mer, Mme de Graffigny pense probablement Ă  Marseille. Zilia est Ă  la fois craintive et Ă©merveillĂ©e :
Les maisons n'ont aucune ressemblance avec celles des villes du Soleil : si celles-lĂ  les surpassent en beautĂ© par la richesse de leurs ornements, celles-ci sont fort au-dessus par les prodiges dont elles sont remplies.

Zilia est frappĂ©e par la dĂ©couverte d'un miroir dans lequel elle voit son reflet, d'abord sans comprendre :
En entrant dans la chambre oĂč DĂ©terville m'a logĂ©e [...] j'ai vu dans l'enfoncement une jeune personne habillĂ©e comme une vierge du Soleil. J'ai couru vers elle Ă  bras ouverts. Quelle surprise, mon cher Aza, [...] de ne trouver qu'une rĂ©sistance impĂ©nĂ©trable !

DĂ©terville lui a donnĂ© une « China Â», c'est-Ă -dire une servante. Jeune et vive, elle s'empresse de lui rendre des soins.

LETTRE ONZIÈME



DĂ©terville a menĂ© Zilia dans une maison oĂč elle a suscitĂ© un grand Ă©tonnement, certaines femmes ont Ă©touffĂ© leurs rires, mais Zilia est restĂ©e digne.
Je crus dĂ©mĂȘler que la singularitĂ© de mes habits causait [cette] surprise. [...] Je ne pensai plus qu'Ă  leur persuader par ma contenance, que mon Ăąme ne diffĂ©rait pas tant de la leur.

Les hommes lui font beaucoup de compliments qu'elle ne comprend pas mais qui font trÚs plaisir à Déterville.
Des grĂąces, une taille de Nymphe... [...] Tous rĂ©pĂ©tĂšrent Ă  peu prĂšs les mĂȘmes mots ; je ne sais pas encore leur signification, mais [...] le visage est toujours riant.

Les maniĂšres des français lui paraissent extraordinaires : leur agitation continuelle la surprend beaucoup, notamment par leurs gestes, se tirant par leurs habits, se baisant la main.
À juger de leur esprit par la vivacitĂ© de leurs gestes, je suis sĂ»re qu’ils [...] prendraient notre air [...] modeste pour de la stupiditĂ©, et la gravitĂ© de notre dĂ©marche pour un engourdissement.

LETTRE DOUZIÈME



Zilia raconte qu'elle a reçu un nouvel habit Ă  l'usage du pays, ce qui l’a stupĂ©fiĂ©e lorsqu'elle s'est vue dans le miroir :
Quoi que je dusse ĂȘtre accoutumĂ©e Ă  ses effets, je ne pus encore me garantir de la surprise, en me voyant comme si j'Ă©tais vis Ă  vis de moi-mĂȘme.

DĂ©terville entre dans la chambre au moment oĂč sa China finit les ajustements. Zilia lui tend la main pour le remercier
 DĂ©terville est Ă©mu :
Il parut vouloir me prendre dans ses bras, puis s'arrĂȘtant tout Ă  coup, il me serra fortement la main en prononçant d'une voix Ă©mue : Non, le respect, sa vertu...

Ensuite, ils montent dans une petite chambre roulante, tirée par ce qu'elle appelle des Hamas. Il s'agit bien sûr d'un carrosse.
Que les prodiges sont familiers en ce pays ! Je sentis cette machine ou cabane, je ne sais comment la nommer, [...] se mouvoir.

LETTRE TREIZIÈME



Zilia est arrivée dans une ville nommée Paris, c'est le terme de leur voyage, mais ce n'est pas, dit-elle, le terme de ses chagrins, car tout y est trÚs différent de ce qu'elle connaßt..
J'essayerais en vain de te donner une idée juste de la hauteur des maisons. elles sont si prodigieusement élevées, qu'il est plus facile de croire que la nature les a produites telles qu'elles sont, que de comprendre comment des hommes ont pu les construire.

Zilia est accueillie chez DĂ©terville, oĂč elle admire les boiseries dorĂ©es. La mĂšre de DĂ©terville, Ă  demi-couchĂ©e, embrasse son fils, et considĂšre Zilia froidement. DĂ©terville salue Ă©galement un couple qui semble avoir un statut plus Ă©levĂ© : elle apprendra plus tard que c’est le frĂšre aĂźnĂ© de DĂ©terville et sa femme.

Entre alors une jeune fille du mĂȘme Ăąge que Zilia, qui lui parle d’un air plein de bontĂ©. Mais la mĂšre lui fait signe de s’en aller. Zilia est emmenĂ©e dans une chambre, oĂč elle reste seule.

Alors qu'elle allait s'endormir, DĂ©terville arrive avec la jeune fille Ă  l’air aimable, qu’il prĂ©sente comme sa sƓur CĂ©line.
La compagnie de l'un et de l'autre m’était si agrĂ©able, que je ne m'aperçus point qu'il Ă©tait jour avant qu'ils ne me quitassent.

LETTRE QUATORZIÈME



Zilia accompagne DĂ©terville dans un salon, oĂč une femme l'examine en riant, bientĂŽt rejointe par un jeune homme ; ils semblent ĂȘtre une Pallas et un Anqui, d’un sang royal.
Ce Sauvage tĂ©mĂ©raire [...] ayant eu l'audace de porter la main sur ma gorge, je le repoussai avec [...] une indignation qui lui firent connaĂźtre que j'Ă©tais instruite [...] des lois de l'honnĂȘtetĂ© !

Heureusement, Déterville intervient et réprimande le jeune homme, qui s'éloigne sans répliquer.
Ô, mon cher Aza, que les mƓurs de ce pays me rendent respectables celles des enfants du Soleil ! Que la tĂ©mĂ©ritĂ© du jeune Anqui rappelle chĂšrement Ă  mon souvenir ton tendre respect.

LETTRE QUINZIÈME



Zilia trouve que DĂ©terville et sa sƓur se distinguent par leur vertu et leur bontĂ© au sein d'une Nation peu respectueuse...
Les maniĂšres simples, la bontĂ© naĂŻve, [...] de CĂ©line feraient volontiers penser qu'elle a Ă©tĂ© Ă©levĂ©e parmi nos Vierges. La douceur honnĂȘte, le tendre sĂ©rieux de son frĂšre, persuaderaient facilement qu'il est nĂ© du sang des Incas.

Zilia pense que DĂ©terville la traite royalement, parce qu’il connaĂźt son rang. Mais la mĂšre de DĂ©terville, qu'elle appelle Madame, la traite avec dĂ©dain. Heureusement, DĂ©terville et CĂ©line continuent Ă  la retrouver tous les soirs dans sa chambre.

LETTRE SEIZIÈME



Zilia n'a bientĂŽt plus de Quipos, mais elle apprend Ă  tracer ses pensĂ©es avec une plume : un professeur vient tous les jours lui donner des leçons.
Ce pauvre sauvage se donne beaucoup de peines pour m'instruire, [...] cependant je fais si peu de progrÚs que je renoncerais à l'entreprise si je savais qu'une autre voie pût m'éclaircir de ton sort et du mien.

Zilia raconte qu’elle a vu un spectacle dĂ©routant mettant en scĂšne des insensĂ©s et des mĂ©chants. On devine que c’était une tragĂ©die, qu'elle dĂ©crit avec son regard extĂ©rieur :
De belles femmes, qu'apparemment ils persécutent, pleurent sans cesse, et font des gestes de désespoir, qui [suffisent à] faire connaßtre l'excÚs de leur douleur.

C'est intĂ©ressant, parce que Zilia interroge la Catharsis ici : avons-nous vraiment besoin du spectacle du vice pour nous conduire Ă  la vertu ? C’est trĂšs diffĂ©rent chez les Incas

Notre Nation [...] chĂ©rit le bien par ses propres attraits ; il ne nous faut que des modĂšles de vertu pour devenir vertueux.

LETTRE DIX-SEPTIÈME



Zilia ne sait plus que penser de l'esprit des français, qui passe d’un extrĂȘme Ă  l’autre. Elle a vu un spectacle complĂštement opposĂ© au premier, avec des chants et des danses, qui lui a beaucoup plu. On devine que c'Ă©tait un opĂ©ra. Elle le compare au spectacle tragique vu la veille.
Celui-là est cruel, effrayant, révolte la raison, et humilie l'humanité. Celui-ci, amusant, agréable, imite la nature et fait honneur au bon sens.

Elle remarque aussi que les Ă©motions sont parfaitement transmises par les chants et la musique, malgrĂ© la diffĂ©rence de culture et de langues :
Il faut, mon cher Aza, que l'intelligence des sons soit universelle, car il ne m'a pas été plus difficile de m'affecter des différentes passions que l'on a représentées, que si elles eussent été exprimées dans notre langue.

Zilia raconte alors un incident. En sortant du théùtre, un jeune homme donna un billet Ă  CĂ©line qui sembla trĂšs Ă©mue. Le soir mĂȘme, dans la chambre, elle montra le papier Ă  son frĂšre mais elle Ă©tait tremblante :
Sur le peu que je devinai de leur entretien, j'aurais pensé qu'elle aimait le jeune homme qui le lui avait donné, s'il était possible qu'on s'effrayùt de la présence de ce qu'on aime.

LETTRE DIX-HUITIÈME



Zilia sait maintenant former des figures sur le papier : cette lettre est la premiĂšre qu’elle Ă©crit ainsi. Elle commence Ă  comprendre la langue française

À mesure que j'en ai acquis l'intelligence, un nouvel univers s'est offert Ă  mes yeux. les objets ont pris une autre forme, chaque Ă©claircissement m'a dĂ©couvert un nouveau malheur !

Ainsi, Zilia a compris qu'elle se trouve sur un autre continent, et que c’est par cupiditĂ© que les occidentaux ont franchi ces espaces considĂ©rables entre leurs deux mondes.
L'amour ne fera-t-il pas ce que la soif de richesses a pu faire ? [...] Que l'on m'enseigne les chemins qui me conduiront jusqu'Ă  toi, les pĂ©rils Ă  surmonter [...] seront des plaisirs pour mon cƓur.

LETTRE DIX-NEUVIÈME



Un Ă©vĂ©nement terrible est arrivĂ© : DĂ©terville est parti depuis un mois, il a Ă©tĂ© envoyĂ© Ă  la guerre par son Souverain. Ce dĂ©part a tout changĂ©. Madame la mĂšre de DĂ©terville a envoyĂ© CĂ©line et Zilia dans une maison de Vierges. On devine que c'est un couvent :
La DivinitĂ© du pays exige qu'elles renoncent Ă  tous ses bienfaits, aux connaissances de l'esprit, aux sentiments du cƓur, et je crois mĂȘme Ă  la raison, du moins leurs discours le font-ils penser.

C’est l’occasion pour Françoise de Graffigny, de faire une critique des maisons religieuses, qui ne donnent aucune connaissance valable aux jeunes femmes qui y sont formĂ©es.

CĂ©line est contrainte par sa mĂšre Ă  devenir religieuse pour conserver intact l’hĂ©ritage du fils aĂźnĂ© (pratique occidentale qui surprend Zilia). CĂ©line, sĂ©parĂ©e de son amoureux, est trop affectĂ©e pour Ă©couter les peines de Zilia.

LETTRE VINGTIÈME



Dans cette lettre, Zilia dĂ©crit les inĂ©galitĂ©s de la sociĂ©tĂ© française, oĂč les souverains tirent leur richesse et leur pouvoir de leurs sujets, contrairement au Royaume d'Aza, oĂč le Capa-Inca protĂšge son peuple de l’indigence.

Ici, les nobles peinent Ă  maintenir une magnificence qui cache leur pauvretĂ© rĂ©elle. Pendant ce temps, le peuple parvient Ă  peine Ă  survivre. Zilia dĂ©nonce l’importance absurde de l’or :
Sans avoir l'or, il est impossible d'acquérir une portion de cette terre que la nature a donnée à tous les hommes.

Zilia se demande alors dans quelle classe sociale elle-mĂȘme doit se ranger, elle qui n'a ni or, ni terres, ni industrie.
Quoique tout sentiment de honte qui ne vient pas d'une faute commise me soit étranger, [...] je ne puis me défendre de souffrir l'idée que les autres ont de moi.

Heureusement, Zilia sait désormais lire, et Céline l'aide à comprendre les livres, qui lui apportent du plaisir et de l'espoir.
Je comprends qu'ils sont Ă  l'Ăąme ce que le Soleil est Ă  la terre, et que je trouverais avec eux toutes les lumiĂšres, tous les secours dont j'ai besoin.

LETTRE VINGT-ET-UNIÈME



Zilia a rencontré un religieux français, qu'elle appelle Cusipata. Il lui décrit la religion chrétienne, et Zilia en admire la morale.
De la façon dont il m'a parlĂ© des vertus qu'elle prescrit, elles sont tirĂ©es de la Loi naturelle, et en vĂ©ritĂ© aussi pures que les nĂŽtres, mais je n'ai pas l'esprit assez subtil pour apercevoir le rapport que devraient avoir avec elles les mƓurs et les usages de la nation.

Mais Zilia est choquĂ©e du dĂ©dain que le prĂȘtre montre Ă  l’égard du culte du Soleil. Elle se retient de lui dĂ©montrer que ses rĂ©cits ne sont pas plus vraisemblables que le mythe de Manco Capac !
Si les lois de l'humanité défendent de frapper son semblable, [...] à plus forte raison ne doit-on pas blesser son ùme par le mépris de ses opinions.

Comme il semble trĂšs cultivĂ©, Zilia lui demande si elle se trouve loin de son pays. Le prĂȘtre lui raconte comment DĂ©terville l’a sauvĂ©e en saisissant un navire espagnol : selon lui, seul DĂ©terville a le pouvoir de l’aider Ă  retrouver Aza.

LETTRE VINGT-DEUX



Zilia voulait se faire un ami du Cusipata, mais il l’a déçue. D'abord, elle l'a interrogĂ© sur les hommes merveilleux qui font des livres, mais il lui a rĂ©pondu en riant qu’ils vendent leur pensĂ©e. On devine que le prĂȘtre se mĂ©fie des philosophes !

Puis, quand elle a Ă©voquĂ© son projet de retourner Ă  Cuzco avec Aza, il s’y est clairement opposĂ©, lui disant que son amour pour Aza Ă©tait incompatible avec la vertu !
À ces paroles insensĂ©es, la plus vive colĂšre s'empara de mon Ăąme, j'oubliai la modĂ©ration que je m'Ă©tais prescrite, je l'accablai de reproches, [...] et sans attendre ses excuses, je le quittai.

LETTRE VINGT-TROIS



DĂ©terville est de retour ! Mais la joie a Ă©tĂ© vite suivie d'une grande tristesse. L’entendant lui souhaiter la bienvenue en français, DĂ©terville Ă©merveillĂ© a posĂ© un genou Ă  terre :
— À quel sentiment, divine Zilia, dois-je attribuer le plaisir que je vois aussi naĂŻvement exprimĂ© dans vos beaux yeux que dans vos discours ?

Zilia lui assure qu'elle l'aime, DĂ©terville est bouleversĂ© :
— Vous ne parlez pas assez bien français pour dĂ©truire mes justes craintes [...] Quel sens attachez-vous Ă  ces mots : je vous aime ?
— Ces mots [...] doivent, je crois, vous faire entendre [...] que l'amitiĂ© et la reconnaissance m'attachent Ă  vous.


Zilia lui confirme que son amour est pour Aza et qu'elle a décidé de le rejoindre à tout prix. Dévasté, Déterville tente d'abord de la dissuader, mais il lui promet finalement de trouver Aza.
— Oui, s'il est possible, je serai le seul malheureux. Vous connaĂźtrez ce cƓur que vous dĂ©daignez, [...] et je vous forcerai au moins Ă  me plaindre.

LETTRE VINGT-QUATRE



Suite à cette discussion, Zilia tombe malade. Céline vient à son chevet pour la soigner, mais d'un air trÚs froid, lui reprochant de rendre son frÚre malheureux.

La mĂšre de DĂ©terville et CĂ©line vient de dĂ©cĂ©der, mais elle a lĂ©guĂ© tout son bien Ă  leur frĂšre aĂźnĂ©. DĂ©terville s’est alors absentĂ© pour dĂ©fendre la part de sa sƓur et lui Ă©crit rĂ©guliĂšrement des lettres oĂč il demande des nouvelles de Zilia, que CĂ©line vient lui lire :
Je ne doute pas que Déterville ne les écrive, afin qu'elles me soient lues, néanmoins je suis persuadée qu'il s'abstiendrait, s'il était instruit des reproches dont cette lecture est suivie.

LETTRE VINGT-CINQ



CĂ©line a beaucoup insistĂ© pour que Zilia aille voir DĂ©terville au parloir du couvent. Il semblait dĂ©moralisĂ©, mais il lui a apportĂ© une bonne nouvelle : Aza est en sĂ©curitĂ© Ă  la cour d'Espagne. Et il lui a lu une lettre de son contact lĂ -bas.
Si j'avais suivi les mouvements de mon cƓur, cent fois j'aurais interrompu DĂ©terville pour lui dire tout ce que la reconnaissance m'inspirait, mais je n'oubliais point que mon bonheur devait augmenter ses peines ; je lui cachai mes transports.

Zilia lui a exprimĂ© toute sa gratitude, mais aussi son dĂ©sir de rejoindre Aza. DĂ©terville lui a montrĂ© sa dĂ©tresse :
— Quoi ! Zilia, [...] vous voulez nous quitter ! [...] Ah ! Cruelle Zilia, voyez mon dĂ©sespoir, c'est votre ouvrage.
— C'est vous que je devrais accuser. Vous flĂ©trissez mon Ăąme en la forçant d'ĂȘtre ingrate. [...] Ne ternissez pas [votre] gĂ©nĂ©rositĂ© par un dĂ©sespoir qui ferait l'amertume de ma vie sans vous rendre heureux.
— Oui, Zilia, [...] je sens toute mon injustice, [...] vous le voulez, vous serez obĂ©ie.


LETTRE VINGT-SIX



Zilia a compris qu'il Ă©tait plus simple d'organiser le voyage d'Aza pour la rejoindre en France. DĂ©terville Ă©crit lui-mĂȘme au Ministre d'Espagne pour hĂąter le dĂ©part d'Aza.
Quels doux moments j'ai passĂ©s, pendant que DĂ©terville Ă©crivait ! Quel plaisir d'ĂȘtre occupĂ©s des arrangements de ton voyage, de voir les prĂ©paratifs de mon bonheur, de n'en plus douter !

Zilia espĂšre que DĂ©terville pourra lui transmettre ses nƓuds, et ses lettres, avec un interprĂšte pour qu'il puisse les comprendre.

LETTRE VINGT-SEPT



CĂ©line a gagnĂ© son procĂšs : sa part d’hĂ©ritage lui est rendue, elle va pouvoir Ă©pouser son amant, et elle a mis de cĂŽtĂ© des habits et des bijoux pour Zilia. Mais celle-ci proteste car elle sait qu'en France il est honteux de recevoir autant de dons.
— Nos usages sont plus humains, celui qui reçoit s'honore autant que celui qui donne, vous m'avez appris Ă  penser autrement, n'Ă©tait-ce donc que pour me faire des outrages ?
— Je voulais seulement que vous partagiez avec moi les prĂ©sents d'un frĂšre gĂ©nĂ©reux ; c'Ă©tait le plus sĂ»r moyen de lui en marquer ma reconnaissance !


CĂ©line la rassure : elle n’est pas obligĂ©e d’accepter ces prĂ©sents. Mais une autre surprise l'attend : DĂ©terville lui a envoyĂ© quatre coffres oĂč Zilia retrouve des objets du Temple du Soleil.
Ces trésors sont à vous, belle Zilia,puisque je les ai trouvés sur le vaisseau qui vous portait.

Zilia reconnaissante, dĂ©cide de partager ces trĂ©sors avec DĂ©terville et CĂ©line, qui s'amuse de sa gĂ©nĂ©rositĂ© :
— Vous ĂȘtes injuste Zilia [...] vous voulez faire accepter des richesses immenses Ă  mon frĂšre, vous que l'offre d'une bagatelle offense ?

Ayant mis dans sa chambre les objets du Temple du soleil, Zilia retrouve la ferveur de sa religion, et sait dĂ©sormais qu’Aza est sur le point de la rejoindre.

Seconde partie



LETTRE VINGT-HUIT



Zilia se trouve dans la maison de campagne de Céline qui vient d'y célébrer son mariage. Cette demeure, presque aussi grande qu'une ville, est ornée comme un temple, mais elle s'étonne de voir tant de décorations agréables mais inutiles.
Je ne puis me dĂ©fendre de penser que les Français ont choisi le superflu pour objet de leur culte : [...] les Arts [...] sont ici tant au-dessus de la nature ; ils semblent ne vouloir que l'imiter, ils la surpassent.

Elle admire aussi la maĂźtrise de la nature : les plantes de climats variĂ©s poussent dans un mĂȘme jardin, l'eau s'Ă©lance dans les airs, le feu mĂȘme dessine des tableaux sur le ciel nocturne.
Quel art, mon cher Aza ! quels hommes ? quel gĂ©nie ! J'oublie tout ce que [...] j'ai vu de leur petitesse ; je retombe malgrĂ© moi dans mon ancienne admiration.

LETTRE VINGT-NEUF



Zilia revient avec regret sur son admiration des Français. Elle reconnaĂźt leur gĂ©nie mais dĂ©plore l'usage qu'ils en font :
Leur goĂ»t effrĂ©nĂ© pour le superflu a corrompu leur raison, leur cƓur, et leur esprit.

Zilia trouve d’abord que la vanitĂ© dominante des français est de paraĂźtre opulents, ils vivent au-dessus de leurs moyens :
Quelle peine ! Quel embarras ! Quel travail pour soutenir leur dĂ©pense au-delĂ  de leurs revenus !

Ensuite, les rapports sociaux lui semblent superficiels. Les bonnes mƓurs qui permettent la vie harmonieuse en sociĂ©tĂ©, sont remplacĂ©es par de fausses marques de considĂ©ration.
Ce qu'ils appellent la politesse leur tient lieu de sentiment : elle consiste dans une infinitĂ© de paroles sans signification, d'Ă©gards sans estime et de soins sans affection.

Enfin, Zilia a l'impression que les français fuient sa conversation comme s'ils la trouvaient sans esprit.
Pour mériter quelque réputation à cet égard, il faut avoir fait preuve d'une grande sagacité, à saisir les différentes significations des mots et à déplacer leur usage.

LETTRE TRENTE



Zilia sait que Déterville s'oblige à cacher son amour pour elle.
Quoique la compagnie soit toujours fort nombreuse et fort gaie, la tristesse rÚgne sur son visage. Il est aisé de deviner que ce n'est pas sans violence qu'il subit la loi qu'il s'est imposée.

Elle comprend son chagrin, mais elle voudrait lui demander s'il a reçu des nouvelles d’Aza.

LETTRE TRENTE-UNE



Un jour que Zilia s’était retirĂ©e dans un coin du jardin, DĂ©terville s'est approchĂ© d’elle, elle lui demande alors de rester, et lui tĂ©moigne toute son amitiĂ©. DĂ©terville est touchĂ© par les paroles de Zilia, mais sa franchise le blesse :
— Ma chĂšre Zilia, que vos bontĂ©s [...] redoublent mes regrets ! [...] N'Ă©tait-ce point assez de me faire passer de la profonde indiffĂ©rence Ă  l'amour excessif [...] ? Faut-il encore vaincre des sentiments que vous avez fait naĂźtre ?
— Ah, DĂ©terville, que vous ĂȘtes injuste, si vous croyez souffrir seul ! [...] Je vous aime presque autant que j'aime Aza, mais je ne puis jamais vous aimer comme lui.


DĂ©terville dĂ©cide alors de s'Ă©loigner, pour ne plus souffrir de cet amour impossible :
— Adieu [...] Je vous aimerai, mais je ne vous verrai plus [...] Puisse Aza ne pas vous faire Ă©prouver les tourments qui me dĂ©vorent, puisse-t-il ĂȘtre [...] digne de votre cƓur.

Zilia, alarmĂ©e par ces paroles, craint que DĂ©terville ne lui cache quelque chose ; elle lui demande la vĂ©ritĂ© mais il reste vague.
Les réflexions qu'il fit sur l'inconstance des hommes, sur les dangers de l'absence, et sur la légÚreté avec laquelle tu avais changé de Religion, jetÚrent quelque trouble dans mon ùme.

LETTRE TRENTE-DEUX



Zilia est Ă  Paris avec CĂ©line depuis quinze jours, oĂč elle mĂšne une vie agitĂ©e, entre prĂ©paratifs vestimentaires et visites dans ce qu'on appelle le grand monde.
Les devoirs que nous rendons consistent à entrer en un jour dans le plus grand nombre de maisons possibles pour y rendre et recevoir un tribut de louanges réciproques sur la beauté du visage [...] le choix des parures, et jamais sur les qualités de l'ùme.

Zilia trouve que les Français sont prompts Ă  la mĂ©disance, surtout en l'absence des personnes concernĂ©es. Mais elle leur reconnaĂźt cependant une certaine capacitĂ© Ă  ĂȘtre touchĂ©s par la vertu, notamment quand parle de la simplicitĂ© de son peuple.
S'ils vivaient parmi nous, ils deviendraient vertueux : l'exemple et la coutume sont les tyrans de leur conduite. Tel qui pense bien d'un absent, en mĂ©dit pour n'ĂȘtre pas mĂ©prisĂ© de ceux qui l'Ă©coutent. Tel autre serait bon humain, sans orgueil, s'il ne craignait d'ĂȘtre ridicule.

Zilia trouve que les vices et vertus des Français sont souvent artificiels. Elle compare leur caractÚre à des jouets d'enfants, légers et sans véritable valeur.

LETTRE TRENTE-TROIS



Zilia est frappĂ©e par l’ambivalence des français Ă  l’égard des femmes, qu'ils semblent respecter et mĂ©priser en mĂȘme temps.
L'homme du plus haut rang doit des égards à celle de la plus vile condition [...] et cependant l'homme [...] le moins estimé peut [...] trahir une femme de mérite [...] sans craindre [de] punition.

Chez les Incas, les hommes sont naturellement les soutiens et les défenseurs des femmes. En France, les femmes du peuple sont accablées de travail, et celles d'un rang élevé sont à la merci des hypocrites.

Elle raconte alors un incident récent qui illustre bien les bizarreries du respect dans cette nation.
Dans toutes les maisons oĂč nous sommes entrĂ©s depuis deux jours, on a racontĂ© la mort d'un jeune homme tuĂ© par un de ses amis, et l'on approuvait cette action barbare, par la seule raison que le mort avait parlĂ© au dĂ©savantage du vivant.

Cet événement lui fait comprendre que les hommes français, ne craignant que les punitions corporelles, ne se comporteraient pas de façon aussi inconséquente avec les femmes si elles étaient autorisées à les punir ainsi.

LETTRE TRENTE-QUATRE



Dans cette lettre, Zilia a enfin compris d’oĂč vient le mĂ©pris que les français ont pour les femmes : cela est dĂ» Ă  leur Ă©ducation. On les envoie dans des Maisons Religieuses, oĂč elles rĂ©citent des priĂšres avec un tel ennui qu'elles cessent dĂšs qu'elles en sortent.
On ne connaĂźt point en France le respect pour soi-mĂȘme dont on prend tant de soin de remplir le cƓur de nos jeunes Vierges [...] Au peu de soin que l'on prend de leur Ăąme, on serait tentĂ© de croire que les Français [...] leur en refusent une.

Les jeunes filles sont éduquées pour avoir de l'agrément et leur sens moral se limite à ne pas avoir d'amants.
RĂ©gler les mouvements du corps, arranger ceux du visage, composer l'extĂ©rieur, sont les points essentiels de l'Ă©ducation. [...] Ils ne leur disent pas que la contenance honnĂȘte n'est qu'une hypocrisie si elle n'est l'effet de l'honnĂȘtetĂ© de l'Ăąme.

Certes, les françaises s'attendrissent pour les animaux, mais ne savent pas prodiguer la vraie bontĂ© avec discernement :
Si je parle de l'équité à l'égard des inférieurs [...] et de la fermeté à [...] fuir les vicieux de qualité, je remarque à leur embarras qu'elles me soupçonnent de parler la langue péruvienne.

Zilia trouve d'ailleurs qu'elles connaissent mal leur propre langue, et qu'une fois mariées, elles ne deviennent bien souvent qu'un ornement dans leur propre maison.
Il semble qu'en France les liens du mariage ne soient rĂ©ciproques qu'au moment de leur cĂ©lĂ©bration, et que dans la suite les femmes seules doivent y ĂȘtre assujetties.

MalgrĂ© tout, il existe des femmes de mĂ©rite en France, mais elles doivent bien se former elles-mĂȘmes. La responsabilitĂ© des hommes lui apparaĂźt clairement :
Quand tu sauras qu'ici l'autorité est entiÚrement du cÎté des hommes, tu ne douteras pas, mon cher Aza, qu'ils ne soient responsables de tous les désordres de la société.

LETTRE TRENTE-CINQ



Zilia est partie de Paris avec CĂ©line et DĂ©terville, pour se rendre, disaient-ils, chez une amie trĂšs chĂšre. Ils sont arrivĂ©s dans une maison de campagne admirable, qui ressemble Ă  la demeure d'une fĂ©e, et oĂč elle s’est vue confier le titre de propriĂ©tĂ© et les clĂ©s par le maire de la ville. CĂ©line a rit de la voir embarrassĂ©e :
Avouez, Zilia, que vous ĂȘtes bien fĂąchĂ©e contre nous, et que vous le serez bien davantage, si je vous dis, qu'il est trĂšs vrai que cette terre et cette maison vous appartiennent.

Zilia, touchĂ©e, explore la maison, dĂ©couvre un cabinet de lecture dĂ©corĂ© avec des objets pĂ©ruviens. DĂ©terville lui prie d’accepter une cassette remplie de piĂšces d'or Ă  l'usage de France :
Vous pourrez vous apercevoir, belle Zilia, que la Chaise d'Or ne se trouve point dans ce nouveau Temple du Soleil. Un pouvoir magique l'a transformée en maison, en jardin, en terres. Si je n'ai pas employé ma propre science à cette métamorphose, ce n'a pas été sans regret, mais il a fallu respecter votre délicatesse.

Zilia accepte toutes ces prévenances avec joie, espérant pouvoir bientÎt les partager avec Aza.

LETTRE TRENTE-SIX



La tristesse de DĂ©terville et CĂ©line ne fait qu'augmenter, Zilia craint qu'un malheur ne soit survenu concernant le voyage d'Aza. Mais ses amis la rassurent aussitĂŽt : une lettre vient d’arriver, Aza pourrait arriver d'un moment Ă  l'autre.
AprÚs cet éclaircissement, je ne cherche plus d'autre cause à la tristesse qui le dévore que ta prochaine arrivée. [...] Je compatis à sa douleur, je lui souhaite un bonheur qui ne dépende point de mes sentiments, et qui soit une digne récompense de sa vertu.

LETTRE TRENTE-SEPT
Au chevalier Déterville, à Malte.



Zilia Ă©crit Ă  DĂ©terville pour lui reprocher son dĂ©part, au moment mĂȘme oĂč elle retrouve Aza ! Ne sait-il pas qu’il lui cause une peine immense ? Alors qu'elle croyait toucher au bonheur, il la rend coupable de l'Ă©loigner de sa sƓur.
Non, la mer ne vous sĂ©parera jamais de ce qui vous est cher ; [...] vous Ă©couterez mes priĂšres ; le sang et l'amitiĂ© reprendront leurs droits sur votre cƓur.

Le retour d'Aza s’est dĂ©roulĂ© tout autrement qu'elle n'aurait espĂ©rĂ©. Il a beaucoup changĂ©, et fait sans cesse l'Ă©loge des Espagnols.
Le froid de son abord, [...] l'indiffĂ©rence offensante avec laquelle il se propose de ne faire en France qu'un sĂ©jour de peu de durĂ©e, la curiositĂ© qui l'entraĂźne loin de moi. [...] Tout cela me fait craindre des maux dont mon cƓur frĂ©mit.

LETTRE TRENTE-HUIT
Au chevalier Déterville, à Malte.



Zilia est au dĂ©sespoir, il n'y a qu'Ă  DĂ©terville qu'elle peut se confier : savait-il ce qu'elle vient d'apprendre ?
Ce n'est plus la perte de ma libertĂ©, de mon rang, de ma patrie que je regrette, ce ne sont plus les inquiĂ©tudes d'une tendresse innocente qui m'arrachent des pleurs ; c'est la bonne foi violĂ©e, c'est l'amour mĂ©prisĂ© qui dĂ©chirent mon Ăąme. Aza est infidĂšle.

Zilia accuse la religion espagnole qui interdit Ă  Aza de l'Ă©pouser, Ă  cause des liens de sang. Ainsi, mĂȘme si elle se convertissait Ă  cette religion bizarre, elle devrait renoncer Ă  Aza. De toutes les façons, Aza ne l'aime plus :
Le cruel Aza n'a conservĂ© de la candeur de nos mƓurs que le respect pour la vĂ©ritĂ©, dont il fait un si funeste usage. SĂ©duit par les charmes d'une jeune espagnole, [...] il n'a consenti Ă  venir en France que pour se dĂ©gager de la foi qu'il m'avait jurĂ©e.

LETTRE TRENTE-NEUF
Au chevalier Déterville, à Malte.



Zilia est dĂ©sespĂ©rĂ©e car Aza l'a abandonnĂ©e. Zilia songe qu’elle aurait prĂ©fĂ©rĂ© qu'on lui mente, pour rester encore un peu dans l'illusion, comme cela se fait en Europe ! Car la franchise d’Aza lui est trop douloureuse :
Funeste sincĂ©ritĂ© de ma nation, vous pouvez donc cesser d'ĂȘtre une vertu ?

LETTRE QUARANTE
Au chevalier Déterville, à Malte.



Zilia rassure son ami Déterville, elle va beaucoup mieux grùce à Céline, qui a pris soin d'elle, et parce qu'elle a compris que son malheur est sans remÚde.
Je sais qu'Aza est arrivé en Espagne, que son crime est consommé, ma douleur n'est pas éteinte, mais la cause n'est plus digne de mes regrets.

Aza a rendu les lettres Ă  Zilia, qui s'est rĂ©fugiĂ©e dans la solitude : chez elle, dans son cabinet de lecture, les Livres lui prĂ©sentent des idĂ©es nouvelles.

Céline lui rend visite et lui dit qu'il n'est pas décent pour une femme de vivre seule, mais Zilia n'est pas convaincue.
Peut-ĂȘtre la fastueuse dĂ©cence de votre nation ne permet-elle pas Ă  mon Ăąge l'indĂ©pendance et la solitude [mais] la vĂ©ritable dĂ©cence est dans mon cƓur.

LETTRE QUARANTE-ET-UNE et derniĂšre
Au chevalier Déterville, à Paris.



DĂ©terville arrive Ă  Paris, mais Zilia lui reproche le billet qu'il lui a Ă©crit. Il lui avait pourtant promis de dissimuler ses sentiments : il ne doit pas nourrir de faux espoir, car sa dĂ©cision est prise.
C'est en vain que vous vous flatteriez de faire prendre Ă  mon cƓur de nouvelles chaĂźnes. Ma bonne foi trahie ne dĂ©gage pas mes serments, plĂ»t au ciel qu'il me fit oublier l'ingrat ! Mais quand je l'oublierais, fidĂšle Ă  moi-mĂȘme, je ne serai point parjure.

Zilia promet Ă  DĂ©terville tout ce que l’amitiĂ© peut inspirer de sentiments de confiance et de sincĂ©ritĂ©. Ils ne connaĂźtront jamais l'ennui car ils apprendront sans cesse l'un de l'autre.
Vous me donnerez quelque connaissance de vos sciences et de vos arts ; [...] je [dĂ©velopperai] dans votre cƓur des vertus que vous n'y connaissez pas. [...] CĂ©line [...] rĂ©pandra dans nos entretiens la gaietĂ© qui pourrait y manquer : que nous restera-t-il Ă  dĂ©sirer ?

L'originalitĂ© de cette fin de ce roman, c'est que Zilia revendique le droit de vivre seule, sans ĂȘtre mariĂ©e, et sans aller au couvent, mais en cultivant les sciences et l'amitiĂ©.

Cette derniĂšre lettre se termine sur une invitation au bonheur, s'adressant, Ă  travers DĂ©terville Ă  tous les lecteurs :
Venez, DĂ©terville, venez apprendre de moi Ă  Ă©conomiser les ressources de notre Ăąme, et les bienfaits de la nature. Renoncez aux sentiments tumultueux, destructeurs imperceptibles de notre ĂȘtre, venez apprendre Ă  connaĂźtre les plaisirs innocents et durables, [...] vous trouverez dans mes sentiments [...] tout ce qui peut vous dĂ©dommager de l'amour.




Portrait imaginaire de Mme de Graffigny.

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