Couverture du livre Madame Bovary de Flaubert

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Couverture pour Madame Bovary

Explication linéaire
Partie 3 chapitre 8
Madame Bovary de Flaubert



Extrait étudié



 Cependant elle n’était plus aussi pĂąle, et son visage avait une expression de sĂ©rĂ©nitĂ©, comme si le sacrement l’eĂ»t guĂ©rie.
Le prĂȘtre ne manqua point d’en faire l’observation ; il expliqua, mĂȘme Ă  Bovary que le Seigneur, quelquefois, prolongeait l’existence des personnes lorsqu’il le jugeait convenable pour leur salut ; et Charles se rappela un jour oĂč, ainsi prĂšs de mourir, elle avait reçu la communion.
— Il ne fallait peut-ĂȘtre pas se dĂ©sespĂ©rer, pensa-t-il.
 En effet, elle regarda tout autour d’elle, lentement, comme quelqu’un qui se rĂ©veille d’un songe ; puis, d’une voix distincte, elle demanda son miroir, et elle resta penchĂ©e dessus quelque temps, jusqu’au moment oĂč de grosses larmes lui dĂ©coulĂšrent des yeux. Alors elle se renversa la tĂȘte en poussant un soupir et retomba sur l’oreiller.
 Sa poitrine aussitĂŽt se mit Ă  haleter rapidement. La langue tout entiĂšre lui sortit hors de la bouche ; ses yeux, en roulant, pĂąlissaient comme deux globes de lampe qui s’éteignent, Ă  la croire dĂ©jĂ  morte, sans l’effrayante accĂ©lĂ©ration de ses cĂŽtes, secouĂ©es par un souffle furieux, comme si l’ñme eĂ»t fait des bonds pour se dĂ©tacher. FĂ©licitĂ© s’agenouilla devant le crucifix, et le pharmacien lui-mĂȘme flĂ©chit un peu les jarrets, tandis que M. Canivet regardait vaguement sur la place. Bournisien s’était remis en priĂšre, la figure inclinĂ©e contre le bord de la couche, avec sa longue soutane noire qui traĂźnait derriĂšre lui dans l’appartement. Charles Ă©tait de l’autre cĂŽtĂ©, Ă  genoux, les bras Ă©tendus vers Emma. Il avait pris ses mains et il les serrait, tressaillant Ă  chaque battement de son cƓur, comme au contrecoup d’une ruine qui tombe. À mesure que le rĂąle devenait plus fort, l’ecclĂ©siastique prĂ©cipitait ses oraisons ; elles se mĂȘlaient aux sanglots Ă©touffĂ©s de Bovary, et quelquefois tout semblait disparaĂźtre dans le sourd murmure des syllabes latines, qui tintaient comme un glas de cloche.
 Tout Ă  coup, on entendit sur le trottoir un bruit de gros sabots, avec le frĂŽlement d’un bĂąton ; et une voix s’éleva, une voix rauque, qui chantait :
Souvent la chaleur d’un beau jour
Fait rĂȘver fillette Ă  l’amour.

 Emma se releva comme un cadavre que l’on galvanise, les cheveux dĂ©nouĂ©s, la prunelle fixe, bĂ©ante.
Pour amasser diligemment
Les Ă©pis que la faux moissonne,
Ma Nanette va s’inclinant
Vers le sillon qui nous les donne.

 — L’Aveugle s’écria-t-elle.
 Et Emma se mit Ă  rire, d’un rire atroce, frĂ©nĂ©tique, dĂ©sespĂ©rĂ©, croyant voir la face hideuse du misĂ©rable, qui se dressait dans les tĂ©nĂšbres Ă©ternelles comme un Ă©pouvantement.
Il souffla bien fort ce jour-lĂ ,
Et le jupon court s’envola !

 Une convulsion la rabattit sur le matelas. Tous s’approchĂšrent. Elle n’existait plus.



Introduction



Bonjour, je vous propose d’étudier un extrait de Madame Bovary, le roman de Flaubert.
Vous savez que ce roman a fait scandale Ă  sa sortie, il a valu Ă  Flaubert un procĂšs. Il serait faux de croire que les gens Ă©taient choquĂ©s par les aventures extra-conjugales d’Emma Bovary : de nombreux romans du XIXe siĂšcle parlent d’adultĂšres. Ce sont plutĂŽt les dĂ©tails rĂ©alistes trĂšs crus qui ont fait scandale.
Lors du procĂšs intentĂ© Ă  Flaubert pour Madame Bovary, Ernest Pinard, le procureur, termine son rĂ©quisitoire en condamnant "la littĂ©rature rĂ©aliste, non pas parce qu’elle peint les passions [...] mais quand elle les peint sans frein, sans mesure."
Notre passage, celui de la mort d’Emma Bovary, est sans doute celui qui a provoquĂ© le plus d’indignation. Incapable de rembourser ses dettes, abandonnĂ©e par son amant Rodolphe, Emma a avalĂ© une forte dose d’arsenic. L’agonie est longue, Charles est allĂ© chercher un mĂ©decin renommĂ© dans la rĂ©gion, M. Canivet, qui a rapidement compris que le cas Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©.
La mort d’Emma est effrayante, les dĂ©tails rĂ©alistes empĂȘchent toute interprĂ©tation romantique. La mise en scĂšne, les jeux de regards, les procĂ©dĂ©s d’ironie rendent impossible le sublime dont Emma a pourtant rĂȘvĂ© toute sa vie.

Problématique


Comment Flaubert met-il en scĂšne la mort d’Emma Bovary, de maniĂšre confronter l’aveuglement de ce personnage, Ă  la cruautĂ© de la rĂ©alitĂ© ?

Axes de lecture d’un commentaire composĂ©


> Une mise en scĂšne thĂ©ĂątralisĂ©e de la mort d’Emma.
> Un jeu avec les regards qui rĂ©vĂšle les illusions et l’aveuglement des personnages.
> Une description rĂ©aliste et presque mĂ©dicale de la mort, faite pour inspirer l’horreur.
> Des procĂ©dĂ©s d’ironie qui font ressortir le grotesque dans une situation tragique.
> Une mise à mal systématique du romantisme et des aspirations au sublime.
> Une mort fatidique, qui rĂ©vĂšle l’insignifiance du destin d’Emma. //



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