Sarraute, Pour un oui pour un non.
« Je voulais te demander »
Explication linéaire.
Extrait étudié
H.1. â Ăcoute, je voulais te demander⊠Câest un peu pour ça que je suis venu⊠je voudrais savoir⊠que sâest-il passĂ© ? Quâest-ce que tu as contre moi ?
H.2. â Mais rien⊠Pourquoi ?
H.1. â Oh, je ne sais pas⊠Il me semble que tu tâĂ©loignes⊠tu ne fais plus jamais signe⊠il faut toujours que ce soit moiâŠ
H.2. â Tu sais bien : je prends rarement lâinitiative, jâai peur de dĂ©ranger.
H. 1. â Mais pas avec moi ? Tu sais que je te le dirais⊠Nous nâen sommes tout de mĂȘme pas là ⊠Non, je sens quâil y a quelque choseâŠ
H.2. â Mais que veux-tu quâil y ait ?
H.1. â Câest justement ce que je me demande. Jâai beau chercher⊠jamais⊠depuis tant dâannĂ©es⊠il nây a jamais rien eu entre nous⊠rien dont je me souvienneâŠ
H.2. â Moi, par contre, il y a des choses que je nâoublie pas. Tu as toujours Ă©tĂ© trĂšs chic⊠il y a eu des circonstancesâŠ
H.1. â Oh quâest-ce que câest ? Toi aussi, tu as toujours Ă©tĂ© parfait⊠un ami sĂ»r⊠Tu te souviens comme on attendrissait ta mĂšre ?âŠ
H.2. â Oui, pauvre maman⊠Elle tâaimait bien⊠elle me disait : « Ah lui, au moins, câest un vrai copain, tu pourras toujours compter sur lui. » Câest ce que jâai fait, dâailleurs.
H.1. â Alors ?
H.2, hausse les Ă©paules. â Alors⊠que veux-tu que je te dise !
H.1. â Si, dis-moi⊠je te connais trop bien : il y a quelque chose de changé⊠Tu Ă©tais toujours Ă une certaine distance⊠de tout le monde, du reste⊠mais maintenant avec moi⊠encore lâautre jour, au tĂ©lĂ©phone ⊠tu Ă©tais Ă lâautre bout du monde⊠ça me fait de la peine, tu saisâŠ
H.2, dans un Ă©lan. â Mais moi aussi, figure-toiâŠ
H.I. â Ah tu vois, jâai donc raisonâŠ
Introduction
Accroche
âą Le premier ouvrage de Nathalie Sarraute, paru en 1939, sâintitule Tropisme : Ă travers 24 rĂ©cits, elle explore ces petits riens, indicibles, qui bouleversent pourtant les relations humaines.
âą Nathalie Sarraute donnera une dĂ©finition de ces « tropismes » en 1956 dans LâĂre du soupçon :
Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent trÚs rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir.
Situation
âą Notre piĂšce Pour un oui pour un non, parue en 1986, donne un exemple parfait de tropisme.
âą DĂšs les premiĂšres rĂ©pliques de la piĂšce, le dialogue entre les deux amis est Ă la fois nĂ©cessaire et empĂȘchĂ© : ils tournent autour dâun petit rien indĂ©finissable, qui risque pourtant de les sĂ©parer.
âą En recherchant les causes et en Ă©voquant leurs souvenirs, ils laissent dĂ©jĂ entrevoir au spectateur les contours dâune divergence profonde qui menace leur amitiĂ©.
Problématique
Comment ce dialogue entre deux amis fait lentement Ă©merger lâĂ©lĂ©ment indĂ©finissable qui les sĂ©pare et qui va constituer lâintrigue centrale de la piĂšce ?
Plan du commentaire linéaire
Le texte est structurĂ© avec le retour de la mĂȘme question associĂ©e au verbe « vouloir » :
1) Dâabord, « je voulais te demander » permet de faire Ă©merger des justifications rationnelles, mais lâinterrogation demeureâŠ
2) Ensuite, H2 reprend ce verbe « que veux-tu quâil y ait » : sa rĂ©ponse contient alors des dissonances, des reproches imprĂ©cis.
3) Enfin « que veux-tu que je te dise » produit finalement un Ă©lan dâĂ©motion qui va dĂ©clencher le reste de la piĂšce.
Axes de lecture pour un commentaire composé
I. L'intuition d'une amitié en péril
1) Un thÚme central : l'amitié
2) Un petit rien indéfinissable
3) L'intuition d'un Ă©loignement
II. Un dialogue qui Ă©volue difficilement
1) La recherche des causes
2) Des réponses ambivalentes
3) La nécessité du dialogue
III. Les indices d'un divergence profonde
1) Des souvenirs subjectifs
2) Une divergence inéluctable
3) La mise en place d'une intrigue
Premier mouvement :
Une amitié mise en question
H.1. â Ăcoute,je voulais te demander⊠Câest un peu pour ça que je suis venu⊠je voudrais savoir⊠que sâest-il passĂ© ? Quâest-ce que tu as contre moi?
H.2. â Mais rien⊠Pourquoi ?
H.1. â Oh,je ne sais pas⊠Il me semble que tu tâĂ©loignes⊠tu ne fais plus jamais signe⊠il faut toujours que ce soit moiâŠ
H.2. â Tu sais bien : je prends rarement lâinitiative, jâai peur de dĂ©ranger.
H. 1. â Mais pas avec moi? Tu sais que je te le dirais⊠Nous nâen sommes tout de mĂȘme pas là ⊠Non, je sens quâil y a quelque choseâŠ
Comment est abordĂ© ce thĂšme universel de lâamitiĂ© ?
âą Les personnages nâont pas de prĂ©nom : H1 et H2, cela nous permet de reconnaĂźtre une situation universelle.
âą LâimpĂ©ratif est utilisĂ© pour crĂ©er un lien « Ă©coute ».
âą Le verbe « vouloir » dâabord Ă lâindicatif, revient au conditionnel : ce quâon va « savoir » dĂ©pend de la bonne volontĂ© des deux personnages.
âą La voix pronominale et la forme impersonnelle « que sâest-il passĂ© » est trĂšs neutre, nâaccuse personne.
⹠Autre expression impersonnelle « il faut que » : H1 décrit la situation sans rendre son ami responsable.
âš La relation amicale permet une communication sincĂšre, et pourtant, les personnages ont du mal Ă sâexprimer.
Comment sâexpriment ces difficultĂ©s dâexpression ?
⹠Beaucoup de points de suspension : les personnages hésitent, réfléchissent, se reprennent (aposiopÚse).
âą Le personnage reprend et se corrige (Ă©panorthose) « que sâest-il passĂ© » trop vague devient « quâest-ce que tu as contre moi ? »
âą Lâinterjection « Oh » exprime Ă lâoral cette difficultĂ© dâexprimer quelque chose de presque imperceptible.
âą Le personnage H1 a surtout des difficultĂ©s Ă exprimer une Ă©motion « je sens quâil y a quelque chose ».
⚠Ce sont les premiers mots de la piÚce : cette chose mystérieuse va captiver le spectateur qui veut en savoir plus.
Un petit rien imprécis qui a pourtant des conséquences
âą Le verbe avoir « quâest-ce que tu as » est imprĂ©cis.
âą Le pronom indĂ©fini « ça » et le pronom relatif « que sâest-il passĂ© » renvoient Ă des Ă©lĂ©ments imprĂ©cis et inconnus.
âą Le pronom indĂ©fini « quelque chose » est un pantonyme : il peut remplacer nâimporte quelle raison.
âą Les questions posĂ©es sont ouvertes : « que sâest-il passĂ© ? ⊠Quâest-ce que tu as contre moi ? »
âš Ces petits riens difficiles Ă exprimer, et qui ont pourtant des consĂ©quences importantes, câest ce que Nathalie Sarraute appelle des « tropismes ».
Comment sâexprime ce changement dans la relation amicale ?
âą Le prĂ©sent dâĂ©nonciation « quâest-ce que tu as ⊠tu tâĂ©loignes » : ce quâil perçoit est actuel.
âą Le verbe « tu tâĂ©loignes » est une mĂ©taphore pour dĂ©crire lâĂ©volution de leur lien dâamitiĂ©.
âą La nĂ©gation partielle « plus jamais signe » laisse entendre quâil le faisait davantage avant.
⚠Ce sont justement tous ces éléments imprécis que H2 va remettre en cause dans sa réponse.
Pourquoi la rĂ©ponse de H2 nâen est pas vraiment une ?
âą La rĂ©ponse de H2 commence avec un lien dâopposition « Mais » : il est sur la dĂ©fensive.
⹠Le pronom indéfini « rien » répond aux questions ouvertes sans apporter de réelle réponse.
âą La rĂ©ponse est aussitĂŽt suivie dâune question « pourquoi ? » il rĂ©pond par une question, comme sâil devait la rendre illĂ©gitime.
âš Le discours de H2 revient alors trĂšs logiquement aux causes, son discours est rationnel.
Comment passe-t-on des explications aux justifications ?
âą La justification passe par le retour aux causes : les deux points « Tu sais bien » et la virgule « je prends rarement lâinitiative [car] jâai peur ».
âą H2 insiste avec lâadverbe intensif « bien » : pour lui, câest une situation habituelle, cela fait partie de sa personnalitĂ©.
âą Le prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale « je prends rarement lâinitiative » (pour une action vraie en tout temps) rien nâa changĂ©.
âą Lâadverbe « jamais » est remplacĂ© par « rarement » : cela laisse bien entendre quâil y a eu une Ă©volution, un changement.
⚠Les réponses de H2 restent insuffisantes, notamment parce que les deux personnages se connaissent bien.
Comment ce lien dâamitiĂ© donne-t-il une force aux intuitions ?
âą Le lien dâopposition et les nĂ©gations remettent en cause ces justifications : « Mais pas avec moi ».
âą La question rhĂ©torique « pas avec moi » appelle une rĂ©ponse nĂ©gative. La syntaxe ne reflĂšte dâailleurs pas une question : pas dâinversion du sujet, seulement lâintonation Ă lâoral.
âą Le verbe « savoir » renvoie justement Ă leur longue amitiĂ© : « tu sais bien que jâai peur de dĂ©ranger » « â Tu sais que je te le dirais »
âš Cette notion dâamitiĂ© est au cĆur de la piĂšce.
Comment cette premiĂšre scĂšne interroge-t-elle la notion dâamitiĂ© ?
âą Le pronom « là » dĂ©signe mĂ©taphoriquement un lieu : lâamitiĂ© est comme un long cheminement, ils ont parcouru un chemin ensemble.
âą Lâapparition de la premiĂšre personne du pluriel « nous nâen sommes pas là » est paradoxalement associĂ©e Ă la nĂ©gation.
âą Le modalisateur : « tout de mĂȘme » renforce la nĂ©gation « nous nâen sommes pas là ».
âą Lâadverbe de nĂ©gation « Non » signifie en rĂ©alitĂ© « si il y a bien quelque chose ». Le titre est prĂ©sent dĂšs ces premiĂšres rĂ©pliques.
âš Ce premier Ă©change contient bien toute la piĂšce en germe !
DeuxiĂšme mouvement :
Un dialogue qui fait Ă©merger des dissonances
H.2. â Mais que veux-tu quâil y ait ?
H.1. â Câest justement ce que je me demande. Jâai beau chercher⊠jamais⊠depuis tant dâannĂ©es⊠il nây a jamais rien eu entre nous⊠rien dont je me souvienneâŠ
H.2. â Moi, par contre, il y a des choses que je nâoublie pas. Tu as toujours Ă©tĂ© trĂšs chic⊠il y a eu des circonstancesâŠ
H.1. â Oh quâest-ce que câest ? Toi aussi, tu as toujours Ă©tĂ© parfait⊠un ami sĂ»r⊠Tu te souviens comme on attendrissait ta mĂšre ?âŠ
H.2. â Oui, pauvre maman⊠Elle tâaimait bien⊠elle me disait : « Ah lui, au moins, câest un vrai copain, tu pourras toujours compter sur lui. » Câest ce que jâai fait, dâailleurs.
La discussion tourne autour dâun Ă©lĂ©ment indicible
âą Le verbe « vouloir » revient, mais cette fois-ci dans une interrogation. Câest presque un retour au point de dĂ©part.
⹠Pronom interrogatif dans une interrogation directe « que veux-tu » : la question reste ouverte.
âą Le subjonctif met en doute « quâil y ait » quoi que ce soit : ce mode a une valeur qui permet dâexprimer lâirrĂ©el.
⹠H1 reprend ce subjonctif : « rien dont je me souvienne ». Cela laisse une possibilité, en dehors de ses souvenirs.
âą La phrase est prolongĂ©e alors quâon la croyait finie « rien dont je me souvienne » câest une hyperbate.
âš Les souvenirs de H1 sont insuffisants pour comprendre.
Seul le dialogue peut faire Ă©merger le tropisme
âą La voix pronominale « je me demande » montre quâil est arrivĂ© au bout de sa propre rĂ©flexion, voilĂ pourquoi il en parle.
âą Lâadverbe intensif et le pluriel « tant dâannĂ©es » insiste sur la longueur de cette pĂ©riode.
âą Le prĂ©sentatif « câest » et le pronom relatif « ce que » sont repris par le pronom indĂ©fini « rien ⊠rien » rĂ©pĂ©tĂ© deux fois.
âą Lâadverbe de nĂ©gation « jamais » revient deux fois : il passe en revue tout leur passĂ© commun..
âą La prĂ©position « entre nous » file la mĂ©taphore de lâĂ©loignement : ce quâil recherche les sĂ©pare concrĂštement, comme une barriĂšre.
⚠La réponse se trouve dans un souvenir commun.
H2 apporte en effet des souvenirs différents
⹠Le passé composé « jamais rien eu » revient sur un passé qui pourrait avoir des conséquences sur le présent.
âą H2 reprend prĂ©cisĂ©ment ce passĂ© composĂ© en gommant la nĂ©gation : « il y a eu » : câest un Ă©lĂ©ment de dissonance.
⹠La premiÚre personne apparaßt dans sa forme tonique « Moi » pour exprimer une expérience, un souvenir différent justement.
âą Le lien dâopposition « par contre » est particuliĂšrement fort.
âš Le spectateur perçoit tout de suite que ces souvenirs vont avoir des aspects nĂ©gatifs que H1 nâa pas encore perçu.
Ces souvenirs apportent des éléments de dissonance
âą Le nom commun au pluriel « des choses » nâest pas explicite, mais dĂ©signe bien des souvenirs prĂ©cis. Il est repris par « circonstances ».
âą Lâexpression « des choses que je nâoublie pas » est ambivalente : cela peut dĂ©signer des Ă©lĂ©ments de rancune.
âą Lâadjectif « chic » a plusieurs sens (polysĂ©mie) et une double connotation, mĂ©liorative (quelquâun de bien, un chic type) ou pĂ©jorative, quelquâun de chic (trop Ă©lĂ©gant ou snob).
⚠Les mots employés cachent déjà des reproches.
Dâabord H1 ne perçoit pas ces dissonances
âą H1 reprend la connotation positive « parfait » qui traduisent bien lâidĂ©e dâun « chic » type.
âą Pas dâinversion du sujet « Tu te souviens » câest une question Ă lâoral, qui repose sur lâintonation.
âą Câest une question rhĂ©torique : cela fait partie justement de ces choses dont ils se souviennent tous les deux.
âą Lâadverbe exclamatif « comme » met en valeur lâĂ©motion de ce souvenir dâenfance.
âą Le pronom indĂ©fini « on » crĂ©e une complicitĂ© entre les deux amis qui partagent un mĂȘme souvenir.
âš H1 donne lâexemple dâun souvenir dâenfance, cela va faire apparaĂźtre de nouvelles dissonances.
Un souvenir subjectif et ambivalent
âą Lâimparfait « aimait, disait » ainsi que lâadjectif « pauvre maman » laissent entendre quâelle est dĂ©cĂ©dĂ©e. Cela fait donc partie des Ă©lĂ©ments du passĂ© qui ont changĂ© justement.
âą Citation de sa mĂšre au discours direct « Ah lui, au moins⊠» câest-Ă -dire quâil ne reprend pas ces paroles Ă son propre compte.
⹠Ce que H2 relate, est probablement pour lui un reproche « lui, au moins » cela établit implicitement une comparaison.
âą Lâadjectif « câest un vrai copain » laisse entendre que leur amitiĂ© est peut-ĂȘtre dĂ©sĂ©quilibrĂ©e depuis le dĂ©but.
⚠Le récit de se souvenir laisse apparaßtre un déséquilibre.
Cette différence peut avoir des conséquences fatales
âą Le futur « tu pourras toujours compter sur lui » ressemble Ă de lâironie tragique : fatalement un jour il ne pourra pas compter sur toi.
âą Câest dâailleurs prĂ©cisĂ©ment cette valeur que H1 interroge « un ami parfait » est pour lui surtout « un ami sĂ»r ».
âą La prĂ©position « sur lui » joue avec la mĂ©taphore de la proximitĂ© entre les deux amis, mais implique une idĂ©e dâasymĂ©trie.
âš Le spectateur a dĂ©sormais quelques Ă©lĂ©ments : il en sait dĂ©sormais plus que les personnages eux-mĂȘmes.
TroisiĂšme mouvement :
Lâapparition dâune divergence
H.1. â Alors ?
H.2, hausse les Ă©paules. â Alors⊠que veux-tu que je te dise !
H.1. â Si, dis-moi⊠je te connais trop bien : il y a quelque chose de changé⊠Tu Ă©tais toujours Ă une certaine distance⊠de tout le monde, du reste⊠mais maintenant avec moi⊠encore lâautre jour, au tĂ©lĂ©phone ⊠tu Ă©tais Ă lâautre bout du monde⊠ça me fait de la peine, tu saisâŠ
H.2, dans un Ă©lan. â Mais moi aussi, figure-toiâŠ
H.I. â Ah tu vois, jâai donc raisonâŠ
Une situation qui évolue malgré tout
âą Le verbe « vouloir » revient une troisiĂšme fois, on reconnaĂźt la question initiale « je voudrais savoir ce quâil sâest passĂ© ».
âą Lâadverbe constitue une question comme un lien logique : « Alors ? » LâambiguĂŻtĂ© est prĂ©sente : malgrĂ© ou Ă cause de ce souvenir ?
âą LâimpĂ©ratif « dis-moi » renvoie au premier impĂ©ratif « Ăcoute » en instaurant un vĂ©ritable dialogue.
⚠Le dialogue qui en résulte est paradoxalement une dispute sans objet précis.
Lâopposition entre les personnages se concrĂ©tise
âą Les deux personnages emploient des liens dâopposition « mais maintenant » et « Mais moi aussi ».
âą Lâadverbe « trop » confirme le lien de consĂ©quence des deux points (câest parce que je te connais trop bien que je sais que tu as changĂ©).
âą Lâindicible persiste Ă travers les pronoms indĂ©finis « quelque chose ».
âą Les premiĂšres personnes « dis-moi ⊠avec moi » sâopposent entre elles « moi aussi » et Ă la deuxiĂšme personne « figure-toi ».
âą Paradoxalement, câest un point commun « moi aussi » qui rĂ©vĂšle une dissension entre les deux personnages.
âš La distance implique les deux personnages.
La métaphore de la distance est filée
âą Lâexpression « ĂȘtre au bout du monde » file la mĂ©taphore de la distance : il nâĂ©tait pas en voyage.
âą Lâimparfait « tu Ă©tais toujours Ă une certaine distance » reprĂ©sente bien une habitude du passĂ©.
⹠La modalisation « du reste » introduit un doute : était-ce vraiment vis-à -vis de tout le monde ?
âą La conjonction de coordination « mais » oppose le passĂ© et le prĂ©sent « maintenant », lui-mĂȘme et les autres « avec moi ».
âą Lâexemple du tĂ©lĂ©phone est plus rĂ©cent « lâautre jour », lâadverbe « encore » insiste sur la continuitĂ©
âš Ce cheminement va faire Ă©merger des Ă©motions.
Importance de lâĂ©volution des Ă©motions dans le passage
âą Les didascalies « hausse les Ă©paules » indiquent une certaine impatience, qui va Ă©voluer jusquâĂ un « Ă©lan ».
âą LâĂ©motion est dĂ©jĂ perceptible dans le point dâexclamation qui remplace lâinterrogation malgrĂ© le pronom interrogatif « que veux-tu ».
âą Câest finalement lâĂ©motion « de la peine » qui fait avancer le raisonnement « jâai donc raison ».
âą Le passage se termine par un lien de consĂ©quence « donc ». Ce nâest en fait que le dĂ©but de la piĂšce.
âš Nous assistons Ă une parfaite scĂšne dâexposition, pourtant particuliĂšrement originale, puisque le conflit reste mystĂ©rieux.
Conclusion
Bilan
âą Tout ce passage tourne autour dâun non-dit, qui met en pĂ©ril lâamitiĂ© des personnages : une simple intuition difficile Ă exprimer.
âą Le dialogue Ă©volue donc lentement, parsemĂ© dâembĂ»ches. Mais le spectateur perçoit dĂ©jĂ des dissonances qui lâintriguent.
⹠On devine que la suite de la piÚce sera une véritable aventure de la parole, interrogeant la pérennité de cette amitié.
Ouverture
Les auteurs appartenant au « Nouveau roman » sâintĂ©ressent ainsi Ă ces Ă©vĂ©nements dâapparence anodine. Chez Michel Butor, un voyage en train suffit Ă mettre en pĂ©ril une relation amoureuse :
Elle ne comprendra pas pourquoi il y aura une telle tristesse dans mes embrassements. Elle sentira peu Ă peu ce qu'elle avait d'ailleurs toujours senti, que notre amour n'est pas un chemin menant quelque part.
Michel Butor, La Modification, 1957.
Illustration pour la piĂšce de Sarraute pour un oui pour un non.
âšÂ Sarraute, đ±đ°đ¶đł đ¶đŻ đ°đ¶đȘ đ±đ°đ¶đł đ¶đŻ đŻđ°đŻ đŒ « Je voulais te demander » (extrait au format PDF)
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