Commentaire linéaire
Acte II scène 5
de Phèdre de Racine

Extrait étudié

PHÈDRE
On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur. Puisque Thésée a vu les sombres bords,
En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie ;
Et l'avare Achéron ne lâche point sa proie.
Que dis-je ? Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous.
Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux.
Je le vois, je lui parle ; et mon cœur... Je m'égare,
Seigneur, ma folle ardeur malgré moi se déclare.

HIPPOLYTE
Je vois de votre amour l'effet prodigieux.
Tout mort qu'il est, Thésée est présent à vos yeux ;
Toujours de son amour votre âme est embrasée.

PHÈDRE
Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu'on dépeint nos dieux et tel que je vous vois.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage,
Cette noble pudeur colorait son visage
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos.
Que faisiez vous alors ? Pourquoi, sans Hippolyte,
Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
Pour en développer l'embarras incertain,
Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée :
L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.
C'est moi, Prince, dont l'ultime secours
Vous eût du labyrinthe inspiré les détours.
Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante !
Un fil n'eut point assez rassuré votre amante.
Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher,
Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée, ou perdue.

HIPPOLYTE
Dieux ! qu'est-ce que j'entends ? Madame, oubliez-vous
Que Thésée est mon père et qu'il est votre époux ?

Introduction

Je vous propose de faire avec moi une analyse au fil du texte de la scène 5 de l’acte II de Phèdre, la pièce de Racine.
C’est une pièce forte en émotion, très intense : le personnage principal est torturé par un amour passionnel, impossible.

Une bonne idée, c’est d’étudier des extraits de cette pièce pour voir comment Racine se propose de faire pleurer les spectateurs. Car il paraît qu’à l’époque les âmes sensibles s’évanouissaient en regardant les tragédies de Racine. En tout cas, on reconnaît ici le concept de la catharsis selon Aristote : les spectateurs sont purgés de leurs passions car ils les vivent par procuration au théâtre, au lieu de les vivre dans la réalité.

Il y a notamment toute une analyse de la mise en scène qui serait très intéressante à faire… Écoutez comment Sarah Bernhardt déclamait Phèdre au début du XXe siècle.

Vous pouvez aussi étudier Phèdre comme un exemple canonique de la tragédie classique. Dans cette pièce, toutes les règles classiques sont respectées : unité de temps, unité de lieu, unité d’action, bienséance. Le personnage de Phèdre n’est ni tout à fait innocent, ni tout à fait coupable, et elle est le jouet d’une fatalité, incarnée par la vengeance de la déesse Vénus.

Voici un résumé rapide de cette pièce : Phèdre est l’épouse de Thésée, mais Vénus, la déesse de l’amour, lui inspire une passion dévorante pour Hippolyte, qui est le fils de Thésée d’un premier mariage. Symboliquement, c’est un inceste que Phèdre ne peut assumer. Ce sentiment la ronge intérieurement jour après jour. Dans la scène 5 de l’acte II, tout bascule : alors que tout le monde croit Thésée mort, Phèdre révèle son amour à Hippolyte. Le secret tombé, on apprend que Thésée est toujours vivant. Le piège s’est refermé sur Phèdre.

Problématique

Comment Phèdre est-elle amenée à révéler malgré elle cette passion secrète qui va faire basculer son destin dans la tragédie ?

Axes pour un commentaire composé

> La révélation progressive d’un secret inavouable.
> Phèdre, un personnage égaré par la passion.
> Un spectacle qui inspire des émotions de terreur et de pitié.
> Une scène charnière qui fait basculer le destin de Phèdre.
> Une réécriture des mythes antiques.
> Un jeu de substitution entre les personnages, leur présence et leur absence.

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