Couverture du livre Bel Ami de Maupassant

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Couverture pour Bel Ami

Explication linéaire de
Bel-Ami de Maupassant
Partie 2 chapitre 10



Extrait étudié




  Lorsque l'office fut terminé, il se redressa, et donnant le bras à sa femme, il passa dans la sacristie. Alors commença l'interminable défilé des assistants. Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu'un peuple venait acclamer. Il serrait des mains, balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait aux compliments : "Vous êtes bien aimable."
  Soudain il aperçut Mme de Marelle ; et le souvenir de tous les baisers qu'il lui avait donnés, qu'elle lui avait rendus, le souvenir de toutes leurs caresses, de ses gentillesses, du son de sa voix, du goût de ses lèvres, lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre. Elle était jolie, élégante, avec son air gamin et ses yeux vifs. Georges pensait : « Quelle charmante maîtresse, tout de même. »
  Elle s'approcha un peu timide, un peu inquiète, et lui tendit la main. Il la reçut dans la sienne et la garda. Alors il sentit l'appel discret de ses doigts de femme, la douce pression qui pardonne et reprend. Et lui-même il la serrait, cette petite main, comme pour dire: « Je t'aime toujours, je suis à toi ! »
  Leurs yeux se rencontrèrent, souriants, brillants, pleins d'amour. Elle murmura de sa voix gracieuse : « À bientôt, monsieur. »
  Il répondit gaiement : « À bientôt, madame. »
  Et elle s'éloigna.
  D'autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Enfin elle s'éclaircit. Les derniers assistants partirent. Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l'église.
Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de les voir passer ensemble. Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui.
  Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait.
  Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon.
  Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.


Introduction



Bel-Ami a été publié en 1885, en feuilleton, dans le Gil-Blas. Certains lecteurs, notamment les journalistes de l’époque, furent choqués par le cynisme du récit, qui fut même accusé d’invraisemblance.

Guy de Maupassant se défend, et explique dans une lettre au rédacteur en chef du Gil Blas, publiée le 7 juin 1885 : « Je montre dès les premières lignes qu’on a devant soi une graine de gredin, qui va pousser dans le terrain où elle tombera. […] Il n’a aucun talent. C’est par les femmes seules qu’il arrive. […] De quoi se plaint-on ? De ce que le vice triomphe à la fin ? Cela n’arrive-t-il jamais et ne pourrait-on citer personne, parmi les financiers puissants, dont les débuts aient été aussi douteux que ceux de Georges Duroy ? »

Cette citation remet bien en perspective l’ensemble du roman, car elle présente en raccourci le début et la fin. Le dernier chapitre que nous allons lire est en effet particulièrement révélateur du projet romanesque de Maupassant.

Après avoir divorcé d’avec Madame Forestier, qui fut son soutien lors de ses débuts dans le journalisme, Georges Du Roy épouse Suzanne Walter, la fille du directeur de La Vie française, où il travaille. Le mariage a lieu en grande pompe dans l’église de la madeleine à Paris, une grande foule est venue pour y assister.

Cet événement n’est une étape supplémentaire dans l’ascension sociale du personnage principal. Grisé par son triomphe, possédant désormais la fortune, et un nom célèbre, il envisage de se lancer dans une carrière politique.

Problématique


Comment cette fin de roman met-elle à jour les mécanismes profond du roman, à travers le récit cynique d’un mariage éclipsé par le triomphe du personnage principal, dont l’ascension sociale semble devoir se poursuivre encore.

Axes de lecture pour un commentaire composé :


> Une cérémonie de mariage dont la dimension sacrée est éclipsée au profit d’un moment de gloire personnelle.
> Une focalisation interne qui révèle un personnage égocentrique, considérant les autres comme un moyen pour parvenir à ses fins, ou une quantité négligeable.
> Un dialogue silencieux avec Madame de Marelle durant lequel les deux amants parviennent à prendre rendez-vous tout en sauvegardant les apparences.
> Le triomphe du monde des apparence, qui révèle tout le cynisme du projet romanesque de Maupassant.
> Une fin de roman ouverte, qui laisse supposer que l’ascension sociale de Georges Duroy se poursuit, notamment avec une carrière politique.
> La mise en perspective des mouvements et des désirs qui constituent le moteur du projet romanesque de Maupassant dans son ensemble.



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