Couverture du livre Bel Ami de Maupassant

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Couverture pour Bel Ami

Commentaire linéaire
de Bel-Ami de Maupassant
Partie 2 chapitre 4



Extrait étudié




  Elle salua le tabernacle du maĂźtre-autel d’une grande inclinaison de tĂȘte, renforcĂ©e d’une lĂ©gĂšre rĂ©vĂ©rence, et elle tourna Ă  droite, revint un peu vers l’entrĂ©e, puis, prenant une rĂ©solution, elle s’empara d’un prie-Dieu et s’agenouilla.
  Georges prit possession du prie-Dieu voisin, et, dĂšs qu’ils furent immobiles, dans l’attitude de l’oraison :
  « Merci, merci, dit-il. Je vous adore. Je voudrais vous le dire toujours, vous raconter comment j’ai commencĂ© Ă  vous aimer, comment j’ai Ă©tĂ© sĂ©duit la premiĂšre fois que je vous ai vue
 Me permettrez-vous, un jour, de vider mon cƓur, de vous exprimer tout cela ? »
  Elle l’écoutait dans une attitude de mĂ©ditation profonde, comme si elle n’eĂ»t rien entendu. Elle rĂ©pondit entre ses doigts :
  « Je suis folle de vous laisser me parler ainsi, folle d’ĂȘtre venue, folle de faire ce que je fais, de vous laisser croire que cette
 cette
 cette aventure peut avoir une suite. Oubliez cela, il le faut, et ne m’en reparlez jamais. »
  Elle attendit. Il cherchait une rĂ©ponse, des mots dĂ©cisifs, passionnĂ©s, mais ne pouvant joindre le geste aux paroles, son action se trouvait paralysĂ©e.
  Il reprit :
  « Je n’attends rien
 je n’espĂšre rien. Je vous aime. Quoi que vous fassiez, je vous le rĂ©pĂ©terai si souvent, avec tant de force et d’ardeur, que vous finirez bien par le comprendre. Je veux faire pĂ©nĂ©trer en vous ma tendresse, vous la verser dans l’ñme, mot par mot, heure par heure, jour par jour, de sorte qu’enfin elle vous imprĂšgne comme une liqueur tombĂ©e goutte Ă  goutte, qu’elle vous adoucisse, vous amollisse et vous force, plus tard, Ă  me rĂ©pondre : « Moi aussi je vous aime. »
  Il sentait trembler son Ă©paule contre lui et sa gorge palpiter ; et elle balbutia, trĂšs vite :
  « Moi aussi, je vous aime. »
  Il eut un sursaut, comme si un grand coup lui fĂ»t tombĂ© sur la tĂȘte, et il soupira :
  « Oh ! mon Dieu !
 »
  Elle reprit, d’une voix haletante :
  « Est-ce que je devrais vous dire cela ? Je me sens coupable et mĂ©prisable
 moi
 qui ai deux filles
 mais je ne peux pas
 je ne peux pas
 Je n’aurais pas cru
 je n’aurais jamais pensé  c’est plus fort
 plus fort que moi. Écoutez
 Ă©coutez
 je n’ai jamais aimé  que vous
 je vous le jure. Et je vous aime depuis un an, en secret, dans le secret de mon cƓur. Oh ! j’ai souffert, allez, et luttĂ©, je ne peux plus, je vous aime
 »
  Elle pleurait dans ses doigts croisĂ©s sur son visage, et tout son corps frĂ©missait, secouĂ© par la violence de son Ă©motion.
  George murmura :
  « Donnez-moi votre main, que je la touche, que je la presse
 »
  Elle ĂŽta lentement sa main de sa figure. Il vit sa joue toute mouillĂ©e, et une goutte d’eau prĂȘte Ă  tomber encore au bord des cils.
  Il avait pris cette main, il la serrait :
  « Oh ! comme je voudrais boire vos larmes. »
  Elle dit d’une voix basse et brisĂ©e, qui ressemblait Ă  un gĂ©missement :
  « N’abusez pas de moi
 je me suis perdue ! »
  Il eut envie de sourire. Comment aurait-il abusĂ© d’elle en ce lieu ? Il posa sur son cƓur la main qu’il tenait, en demandant : « Le sentez-vous battre ? » Car il Ă©tait Ă  bout de phrases passionnĂ©es.



Introduction



Maupassant est un Ă©crivain rĂ©aliste, hĂ©ritier de Flaubert et de Zola. Il n’hĂ©site pas Ă  malmener les idĂ©aux du romantisme. En nous peignant l’évolution d’un arriviste dans la sociĂ©tĂ© parisienne de la fin du XIXe siĂšcle, Maupassant nous montre que l’amour est bien souvent utilisĂ© comme un moyen d’ascension sociale.

En discutant avec sa jeune femme Madeleine, Duroy rĂ©alise que Madame Walter, la femme de son directeur, a manifestement un faible pour lui. Par dĂ©fi de sĂ©ducteur autant que par intĂ©rĂȘt personnel, Duroy dĂ©cide de sĂ©duire Madame Walter, qui cĂšde rapidement Ă  ses avances en lui donnant rendez-vous Ă  l’église de la TrinitĂ©. Dans notre passage, Duroy lui fait une dĂ©claration pour parvenir Ă  ses fins le plus rapidement possible.

Problématique


Comment Maupassant rĂ©vĂšle-t-il avec ironie le succĂšs assurĂ© d’une stratĂ©gie de sĂ©duction extraordinairement cynique ?

Axes de lecture pour un commentaire composé


> L’hypocrisie de deux personnages qui se retrouvent dans une Ă©glise pour mieux dissimuler l’adultĂšre aux yeux de la sociĂ©tĂ©.
> Une stratĂ©gie de sĂ©duction quasiment militaire, qui rĂ©vĂšle un personnage prĂȘt Ă  toutes les manipulations pour parvenir Ă  ses fins.
> Une dĂ©claration d’amour en raccourci, qui promet beaucoup pour atteindre son but plus rapidement.
> Une parodie de discours romantique, utilisant les clichĂ©s de l’amour passionnĂ©.
> Une femme dévote, rongée par la culpabilité, qui cÚde à son trouble malgré elle.
> Une focalisation du point de vue de Duroy, qui rĂ©vĂšle toute l’ironie du narrateur.
> Une victoire fulgurante qui participe au projet romanesque de raconter l’ascension sociale d’un personnage arriviste.



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