Couverture du livre Le Cid de Corneille

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Couverture pour Le Cid

Corneille, Le Cid
Acte IV, scène 3
Explication linéaire



Extrait étudié



Sous moi donc cette troupe s'avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d'impatience, autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit
Passe une bonne part d'une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à mon stratagème ;
Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous
L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;
L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort
Les Maures et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer ; tout leur parait tranquille ;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris ;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ;
Ils paraissent armés, les Maures se confondent,
L'épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre ils s'estiment perdus.
Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ;
Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu'aucun résiste ou reprenne son rang.
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient,
Leur courage renaît, et leurs terreurs s'oublient :
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges ;
De notre sang au leur font d'horribles mélanges.
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.
Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait !
J’allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns, et soutenir les autres,
Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour,
Et ne l’ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre notre avantage [...]



Introduction



Le Cid est un personnage qui a réellement existé dans l’Espagne du 11e siècle, c’était un mercenaire chrétien qui a combattu lors de la Reconquista, cette longue guerre qui opposa les Espagnols et les Musulmans pour la domination de la péninsule ibérique.

Quand je dis mercenaire, cela veut bien dire ce que ça veut dire : Le Cid s’est battu aussi bien du côté chrétien que du côté musulman. C’est d’ailleurs peut-être comme cela qu’il a acquis ce surnom de Cid, qui pourrait provenir de l’arabe Sayid ou Caïd, ce qui signifie Seigneur, ou Commandant.

Dans la querelle du Cid qui fut tranchée par l’académie française, que Richelieu venait de fonder, on a beaucoup reproché à Corneille d’avoir utilisé un sujet espagnol. En effet, traditionnellement les dramaturges se basent sur des sujets antiques. En plus, à cette époque, la France était en guerre contre l’Espagne.

Quoi qu’il en soit, Corneille ne garde pour son œuvre que la dimension épique du personnage. Le jeune Rodrigue vient de remporter sa première grande victoire. C’est le roi lui-même qui vient de lui donner cette appellation du Cid, qui apparaît du coup comme un titre honorifique.

Rodrigue va maintenant raconter la bataille devant le roi. C’est un récit qui appartient au registre épique. Dans l’auditoire, nous avons aussi son père Don Diègue, ainsi que deux autres gentilshommes castillans. Mais bien sûr, l’enjeu est aussi de captiver la salle pleine de spectateurs. Or il est très difficile de représenter un récit au théâtre. La mise en scène est forcément limitée : tout doit passer par les mots.

Ainsi, Rodrigue va devoir utiliser des procédés de narration variés pour dépeindre les péripéties de la bataille. Donner à voir une scène, avec une peinture saisissante, c’est une figure de style, qu’on appelle l’hypotypose : une description vivante et animée pour frapper un auditoire. Toute la tirade du Cid peut être considérée comme une hypotypose.

Problématique


Comment Rodrigue parvient-il à captiver son auditoire avec un récit de bataille, qui utilise les ressorts du registre épique et de l’hypotypose.

Axes utiles pour un commentaire composé


> Rodrigue adresse son récit à un auditoire qu’il va essayer de captiver et d’impressionner.
> C’est un récit épique où il met en scène une bataille, la confrontation entre deux armées ennemies.
> La longue tirade est notamment écoutée par le roi, alors Rodrigue va mettre en valeur sa stratégie militaire, qui l’a mené à la victoire.
> Pour célébrer cet exploit militaire, il va mettre en avant des valeurs partagées de courage et de bravoure.
> Ces actions sont difficiles à représenter au théâtre, Rodrigue utilise alors des procédés de narration particuliers, notamment ceux de l’hypotypose.
> Par ailleurs, les effets de mouvement et de rythme, dramatisent le récit, et créent un effet de suspense.
> Enfin, les jeux d’ombre et de lumière, qui représentent le passage du temps, favorisent l’immersion des spectateurs.

Premier mouvement :
Mettre en place un récit captivant



Sous moi donc cette troupe s'avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !


Dans cette tirade, Rodrigue fait un récit à son auditoire, il va leur raconter la bataille qu’il vient de gagner. Il commence avec un présent de narration, qui implique directement ses auditeurs. D’abord il se dépeint en train d’avancer, puis il revient sur le départ. C’est ce qu’on appelle une analepse : un retour en arrière dans le passé, au cinéma, on dirait un flash-back.

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