Corneille, Le Cid
Acte I, scĂšne 4
Explication linéaire
Extrait étudié
DON DIĂGUE
à rage ! Î désespoir ! Î vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trĂŽne de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
à cruel souvenir de ma gloire passée !
Ćuvre de tant de jours en un jour effacĂ©e !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
PrĂ©cipice Ă©levĂ© d'oĂč tombe mon honneur !
Faut-il de votre Ă©clat voir triompher Le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant Ă craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.
Introduction
Le Cid a provoquĂ© une violente controverse, car il nâobĂ©it pas aux rĂšgles du thĂ©Ăątre classique : lâunitĂ© dâaction, lâunitĂ© de temps, et lâunitĂ© de lieu ne sont pas respectĂ©es. Câest donc une Ćuvre inclassable, mais qui permet de bien entrer dans les questions que le thĂ©Ăątre posait au dĂ©but du 17e siĂšcle.
Dans notre passage, Don DiĂšgue se retrouve seul aprĂšs avoir Ă©tĂ© battu par Don GomĂšs, le comte de Gormas. Câest un monologue* qui permet au spectateur de voir le dĂ©roulement des pensĂ©es du personnage : malgrĂ© son expĂ©rience, son bras lui a fait dĂ©faut. Il est trop ĂągĂ© dĂ©sormais pour se dĂ©fendre seul, il fera donc appel Ă son fils Rodrigue pour le venger de Don GomĂšs. Mais dans les scĂšnes prĂ©cĂ©dentes, nous avons appris que Rodrigue est fiancĂ© Ă ChimĂšne, la fille de Don GomĂšs quâon appelle Le Comte.
Cette scĂšne est donc centrale dans la mise en place de lâintrigue. MĂ©caniquement, par une sĂ©rie de causes et de consĂ©quence, Rodrigue sera amenĂ© Ă combattre le pĂšre de ChimĂšne et Ă le tuer.
Problématique
Comment ce monologue spectaculaire met-il en place lâintrigue de la piĂšce, de maniĂšre logique et implacable ?
Axes de lecture utiles pour un commentaire composé
Nous allons faire un commentaire linĂ©aire, donc nous nâallons pas suivre un plan prĂ©cis, cependant, voici quelques axes que vous pourriez utiliser pour rĂ©aliser un commentaire composĂ© :
> Le monologue Ă©mouvant dâun homme trahi par le poids de son Ăąge.
> Des procĂ©dĂ©s qui mettent en relief les questions dâhonneur.
> Le dĂ©roulement dâune logique implacable qui prĂ©pare la suite de la piĂšce.
Premier mouvement :
Une déchéance inéluctable.
à rage ! Î désespoir ! Î vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
La tirade commence avec trois apostrophes : Don DiĂšgue sâadresse Ă trois Ă©lĂ©ments abstraits qui en deviennent presque des allĂ©gories* : sa rage, son dĂ©sespoir, sa vieillesse.
Le mot âennemiâ est trĂšs fort, car finalement ce nâest plus Don GomĂšs lâadversaire. Don DiĂšgue accuse son propre corps, qui lui fait dĂ©faut. Le thĂšme de la vieillesse est ce qui va le conduire Ă voir dans son jeune fils la rĂ©ponse Ă son humiliation.
Ce sont aussi trois exclamations, qui dĂ©notent une Ă©motion forte, on peut imaginer un jeu dâacteur qui fait Ă©voluer le ton de sa voix, le volume sonore, etc. Dâautant que les trois mots sont organisĂ©s dans une gradation* qui a un sens: la rage montre une certaine combativitĂ©, alors que le dĂ©sespoir, câest la perte de cette volontĂ© de se battre, le troisiĂšme Ă©lĂ©ment, la vieillesse, câest lâincapacitĂ© de se battre.
En plus, les 3 Ă©lĂ©ments de ce vers sont allongĂ©s au fur et Ă mesure âĂŽ rageâ 2 pieds âĂŽ dĂ©sespoirâ 4 pieds âĂŽ vieillesse ennemieâ 6 pieds. Don DiĂšgue laisse traĂźner de plus en plus ses propos Ă mesure quâil perd en combativitĂ©.
Ces deux vers constituent une question rhĂ©torique* âAi-je donc vĂ©cu toute ma vie pour en ĂȘtre rĂ©duit aujourdâhui Ă cette humiliation dâĂȘtre trop ĂągĂ© pour me dĂ©fendre ?â Comme toute question rhĂ©torique, il y a une rĂ©ponse attendue, mais câest lĂ que ça devient intĂ©ressant : la rĂ©ponse ânonâ quâil aimerait entendre est contredite par la rĂ©alitĂ© de sa faiblesse, visible sur scĂšne. Cela met en relief tout lâĂ©cart entre la respectabilitĂ© du personnage et le dĂ©shonneur qui le frappe.
On a un premier jeu dâopposition ici : âtant vĂ©cuâ sâoppose Ă âinfĂąmieâ. Sa vieillesse qui devrait lui apporter justement de lâhonneur et du respect, au contraire le plonge dans lâinfĂąmie. C'est-Ă -dire le dĂ©shonneur.
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Le jeu dâopposition que nous venons de voir est dĂ©veloppĂ© dans ces deux vers : le mot âblanchiâ Ă©voque la vieillesse, câest la blancheur des cheveux. Mais câest aussi la blancheur de lâhonneur : il a prouvĂ© quâil Ă©tait sans peur et sans reproche. Les deux Ă©lĂ©ments âvieillesseâ et âhonneurâ vont ensemble.
Le fait de mettre la vieillesse comme seule responsable de sa dĂ©faite, câest mettre lâaccent sur quelque chose dâinĂ©luctable : ça ne sert Ă rien de sâopposer au passage du temps ! Don DiĂšgue est fatalement amenĂ© Ă perdre sa force : on retrouve le thĂšme de la fatalitĂ© dans la tragĂ©die.
Autre opposition qui se rĂ©vĂšle ici : âun jourâ sâoppose Ă âtant de lauriersâ. Le dĂ©shonneur est arrivĂ© dâun coup, alors que lâhonneur a Ă©tĂ© accumulĂ© pendant des annĂ©es. Les âlauriersâ, câest une mĂ©tonymie*, en effet, la couronne de lauriers dĂ©signe en fait la gloire des exploits militaires.
Ces deux vers constituent encore une question rhĂ©torique : lâenvie de rĂ©pondre âce nâest pas possibleâ sâoppose au constat âet pourtant câest arrivĂ©â.
DeuxiĂšme mouvement :
Un retour sur le passé.
Mon bras qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trĂŽne de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
âMon brasâ revient deux fois en dĂ©but de vers, ce qui crĂ©e un effet de rythme. Câest ce quâon appelle une anaphore rhĂ©torique*. Cette syntaxe insiste sur son bras quâil considĂšre comme le responsable de sa dĂ©faite.
âMon brasâ, câest encore une mĂ©tonymie* car en fait cela dĂ©signe autre chose qui est liĂ© : sa vaillance, sa force physique. Câest donc Ă mettre en parallĂšle avec âvieillesseâ et âblanchiâ : sa force physique a dĂ©clinĂ©, il accuse alors son propre corps qui nâobĂ©it plus Ă sa volontĂ©.
Le bras est sujet de deux verbes : âtrahit donc ma querelle et ne fait rien pour moi ?â Est-ce que vous voyez comment ces verbes vont contribuer Ă personnifier le bras ? Cela illustre lâopposition entre sa volontĂ© et son corps : avec cette phrase, on dirait que le bras a une volontĂ© propre.
âTant de foisâ est aussi une expression qui revient plusieurs fois, câest encore une anaphore rhĂ©torique. Pourquoi insiste-t-il autant sur ce point ? Câest lĂ que rĂ©side lâabsurditĂ© de ce qui lui arrive. Comment dire ? En effet, son bras lâa beaucoup soutenu, et devrait donc continuer Ă le soutenir. Et pourtant, câest justement pour ça quâil est aujourdâhui vieux et fatiguĂ©.
Ă la suite des trois exclamations du premier vers âĂŽ rage, ĂŽ dĂ©sespoir, ĂŽ vieillesse ennemieâ nous avons trois questions rhĂ©toriques ânâai-je donc tant vĂ©cuâ âne suis-je blanchiâ âtrahit donc ma querelleâ. Ce rythme ternaire, cette absence de phrase simplement dĂ©clarative : tout cela contribue Ă montrer la densitĂ© des Ă©motions.
à cruel souvenir de ma gloire passée !
Ćuvre de tant de jours en un jour effacĂ©e !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
PrĂ©cipice Ă©levĂ© d'oĂč tombe mon honneur !
AprÚs les questions rhétoriques, on retourne aux phrases exclamatives. Chaque phrase constitue 1 vers entier, ce qui crée un rythme soutenu.
Les apostrophes, câest facile Ă repĂ©rer : elles sont signalĂ©es par lâinterjection Ă avec lâaccent circonflexe. Au dĂ©but, Don DiĂšgue sâadressait Ă sa faiblesse prĂ©sente, maintenant il sâadresse au souvenir de sa gloire passĂ©e. On va avoir tout un jeu pour opposer le passĂ© et le prĂ©sent. La rime passĂ©e // effacĂ©e par exemple, est une rime signifiante, qui renforce le contraste.
âĆuvre de tant de jours en un jour effacĂ©eâ Dans ce vers, le mot âjourâ sert de pivot. On le trouve pile Ă lâhĂ©mistiche*, c'est-Ă -dire au milieu de lâalexandrin. Le pluriel âtant de joursâ sâoppose au singulier âun jourâ. Don DiĂšgue ressasse la disproportion entre lâhonneur accumulĂ© et le dĂ©shonneur soudain.
âNouvelle dignitĂ© fatale Ă mon bonheurâ Le troisiĂšme vers est difficile Ă comprendre⊠La ânouvelle dignitĂ©â lui fait perdre son honneur ? Cette phrase fait ressortir lâabsurditĂ© rĂ©voltante de la situation. La ânouvelle dignitĂ©â dĂ©signe en fait plusieurs choses : câest le souvenir des exploits, mais câest aussi la reconnaissance du roi, qui lui a donnĂ© le rang de gouverneur du Prince. Or câest justement cela qui a provoquĂ© le duel avec Don GomĂšs, et sa dĂ©faite. On comprend que tout est parti de cette dĂ©cision du roi.
âPrĂ©cipice Ă©levĂ©â câest une mĂ©taphore*, on a lâimage dâune falaise, qui met en perspective cette absurditĂ© de façon encore plus cruelle : en effet, la chute est dâautant plus grande que les victoires passĂ©es furent importantes. Il y a un jeu sur le double sens du mot âĂ©levĂ©â Ă la fois en hauteur et en honneur. Enfin, on a une rime signifiante entre âhonneurâ et âbonheurâ : pour Don DiĂšgue, les deux sont liĂ©s.
TroisiĂšme mouvement :
La logique imparable de lâhonneur.
Faut-il de votre Ă©clat voir triompher Le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Je rĂ©capitule : 3 exclamations, 3 questions rhĂ©toriques, 4 exclamations, et voici maintenant une derniĂšre question rhĂ©torique, qui en vaut facilement deux âFaut-il mourir sans vengeance, faut-il vivre dans la honte ?â Voyez comment les deux mots âvivreâ et âmourirâ sont prĂ©sentĂ©s comme les deux faces dâune mĂȘme piĂšce. Lâun comme lâautre sont incapables de laver son dĂ©shonneur.
Câest justement ce constat dâimpuissance qui lâoblige Ă prendre une dĂ©cision : on voit se dĂ©rouler sous nos yeux la logique du raisonnement de Don DiĂšgue. Comme son honneur lui a Ă©tĂ© enlevĂ© par le Comte de Gormas, (le pĂšre de ChimĂšne) alors, câest lui dĂ©sormais qui mĂ©rite le rang de gouverneur.
Le spectateur peut cependant percevoir ce qui ne va pas dans cette logique : en effet, en disant cela, Don DiĂšgue sâoppose Ă la dĂ©cision du roi âMalgrĂ© le choix du roiâ. Cela prĂ©pare le dĂ©nouement de la piĂšce : en effet, les dĂ©cisions du roi sont plus importantes que la victoire ou la dĂ©faite lors dâun duel !
Aveuglé par son humiliation, il ne parvient pas à voir ici que Don GomÚs a commis une faute grave en le provoquant en duel. En effet, il a remis en cause la décision du roi.
Dans ce passage, Don DiĂšgue sâadresse directement au Comte, qui est absent de la scĂšne : âComte, sois de mon prince Ă prĂ©sent gouverneurâ. Vous voyez que ce monologue a en fait plein de destinataires diffĂ©rents : la rage, le dĂ©sespoir, le souvenir de la gloire passĂ©e, et maintenant le comte. Quel est le point commun entre tous ces Ă©lĂ©ments ? Ce sont des ennemis, des adversaires.
Contrairement Ă ce quâon peut croire, le monologue au thĂ©Ăątre, ce nâest pas toujours un personnage qui se parle Ă lui-mĂȘme.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant Ă craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Maintenant, Don DiĂšgue se tourne encore vers un autre interlocuteur : il sâadresse dĂ©sormais Ă son Ă©pĂ©e, quâil appelle son âferâ. Pourquoi utiliser ce mot, et ne pas dire tout simplement âĂ©pĂ©eâ ?
Le mot âferâ est fortement mis en valeur. Dâabord il est mis en tĂȘte de vers, devant une virgule qui le sĂ©pare du reste. Ensuite, il nâarrive quâaprĂšs deux vers oĂč lâon parle dĂ©jĂ de lui âtoi ⊠instrument ⊠ornementâ le spectateur est obligĂ© de deviner de quoi il parle avant que ne soit prononcĂ© le mot âferâ. Câest ce quâon appelle une cataphore*.
Utiliser le mot âferâ pour dĂ©signer une Ă©pĂ©e, câest un parfait exemple de mĂ©tonymie*, une partie qui dĂ©signe le tout. Cela permet de faire ressortir des Ă©lĂ©ments importants : le fer reprĂ©sente la soliditĂ© de lâĂ©pĂ©e, justement ce qui a fait dĂ©faut Ă son bras. Le mot âferâ Ă©voque aussi par homophonie le verbe âfaireâ.
Cela annonce quâĂ la fin du monologue, on va enfin repartir dans lâaction. Don DiĂšgue va prendre une dĂ©cision importante : il transmet son Ă©pĂ©e Ă son fils. Rodrigue, plus jeune, pourra dĂ©fendre et venger son pĂšre.
Plusieurs effets permettent de montrer lâopposition entre le fer qui est solide, et le corps devenu faible. Le âglorieux instrumentâ est mis en valeur par la diĂ©rĂšse* : le âriâ est prononcĂ© et compte pour 1 pied. Le lien dâopposition âmaisâ fait ressortir lâimage du âcorps tout de glaceâ : cette mĂ©taphore* donne Ă voir les effets de la vieillesse sur le corps : il a perdu sa force, sa souplesse, sa soliditĂ©.
Dâautres effets accentuent lâopposition entre le passĂ© et le prĂ©sent : la rime âinstrument // ornementâ joue sur lâeffet de contraste : lâinstrument est utile, lâornement est inutile. âjadisâ sâoppose au dĂ©monstratif âcette offenseâ on peut quasiment la montrer du doigt tant elle est prĂ©sente. Câest un effet thĂ©Ăątral.
Enfin, le mot âparadeâ est opposĂ© au mot âdĂ©fenseâ. En effet, Don DiĂšgue a pu parer des coups, mais il nâa pas Ă©vitĂ© la dĂ©faite. Le mot parade est polysĂ©mique : utilisĂ© de façon nĂ©gative, ce nâest quâune parade militaire, un spectacle, un artifice. Cela vient renforcer le mot âornementâ utilisĂ© juste au-dessus.
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.
Don DiĂšgue sâadresse toujours Ă son Ă©pĂ©e. Regardez : chaque vers commence par un verbe Ă lâimpĂ©ratif : âvaâ, âpasseâ : on retourne enfin dans lâaction. Jusquâici dans son monologue, Don DiĂšgue sâadressait Ă ses ennemis, maintenant il associe son Ă©pĂ©e Ă son fils, il sâadresse Ă des alliĂ©s. Câest un vĂ©ritable retournement de situation qui dĂ©bloque lâintrigue.
Les deux verbes forment une gradation : le verbe âallerâ a moins de force que le verbe âpasserâ, il montre que câest bien une transmission. Le spectateur comprend que son honneur et sa force continuent dâexister Ă travers son fils.
On a aussi un mouvement ascendant qui vient contrebalancer le mouvement descendant du prĂ©cipice quâon a vu tout Ă lâheure : lâĂ©pĂ©e passe du âdernier des humainsâ Ă âde meilleures mainsâ. La position de âdernier des humainsâ est dâailleurs souvent illustrĂ©e dans la mise en scĂšne par un Don DiĂšgue qui est Ă genoux, ou Ă moitiĂ© allongĂ©, car il a Ă©tĂ© mis Ă terre par le Comte.
Conclusion
Nous avons donc vu un monologue chargĂ© dâĂ©motions, oĂč Don DiĂšgue sâadresse tour Ă tour Ă tout ce qui provoque son dĂ©shonneur : sa vieillesse, sa gloire passĂ©e, le comte, et enfin son Ă©pĂ©e. Il comprend alors quâil nâa pas dâautre choix que de demander Ă son fils de le venger.
Dâailleurs, il utilisera les mĂȘmes mots lorsquâil sâadressera Ă Don Rodrigue, et le âjeâ deviendra un ânousâ : âva, cours, vole et nous vengeâ. Cette conclusion suit une logique implacable. Depuis 4 scĂšnes, le spectateur assiste Ă une sĂ©rie dâĂ©vĂ©nements inĂ©vitables :
Le roi nomme Don DiĂšgue gouverneur, Don Gormas est vexĂ© de nâavoir pas Ă©tĂ© Ă©levĂ© Ă ce rang, par consĂ©quent il provoque Don DiĂšgue en duel. Comme Don DiĂšgue est vieux et affaibli, il est battu, il se tourne alors vers son fils Don Rodrigue pour le venger. Mais Don Rodrigue est fiancĂ© avec ChimĂšne, la fille de Don Gormas, câest lĂ que les Ă©lĂ©ments de lâintrigue vont se nouer.
Don Rodrigue, dans la scĂšne 6, est mis face Ă cette question : doit-il venger son pĂšre ou Ă©pouser ChimĂšne ? En fait, câest un faux dilemme : le mariage avec ChimĂšne Ă©tait dĂ©jĂ devenu impossible Ă partir du moment oĂč la dĂ©cision du roi mettait les deux pĂšres en conflit. La beautĂ© de cette piĂšce rĂ©side dans sa mĂ©canique parfaite. Les monologues donnent Ă voir au spectateur le raisonnement des personnages qui rĂ©alisent quâen fait, il nâont pas le choix.
âšÂ Corneille, Le Cid đŒ Acte I scĂšne 4 (extrait Ă©tudiĂ© PDF)
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