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Histoire littéraire du XVIIe siècle
Le rapport entre le pouvoir et les arts
Au cours du XVIIe siècle, plusieurs événements vont conduire à renforcer la monarchie, Louis XIII est obligé de réaffirmer son autorité, et Louis XIV va instaurer une monarchie absolue de droit divin.
Le renforcement de la monarchie
D'abord, Louis XIII est très jeune quand son père Henri IV est assassiné. Du coup c'est sa mère, Marie de Médicis, qui assure la régence, et elle laisse ses favoris gouverner : Concino Concini et Léonora Dori. Le jeune dauphin est tout simplement écarté du Conseil ! En 1617, Louis XIII a alors 15 ans, il est obligé de faire un coup de force pour récupérer le pouvoir : il fait exécuter Concini et Léonora, et il envoie sa mère en exil. Marie de Médicis ne reviendra en France que 2 ans plus tard.
Louis XIII est très catholique et très pieux, et surtout, il voit la puissance des Protestants comme une menace. Il se rend à Pau, qui est la région natale de son père Henri IV, pour y rétablir le Catholicisme comme religion officielle. Ensuite, il assiège La Rochelle qui est une place-forte protestante. Le siège est très long, il dure 8 ans, de 1620 à 1628. Les fortifications sont détruites, les Protestants sont massacrés.
En 1624 arrive Richelieu. Au départ, c'est Marie de Médicis qui le fait entrer au conseil, mais elle va finir par vouloir le faire renvoyer. C'est trop tard, Richelieu a gagné la confiance du roi. Lors d'un épisode célèbre, qui a été retenu sous le nom de « La Journée des Dupes », Louis XIII confirme sa confiance en Richelieu, et se brouille définitivement avec sa mère qui part en exil à Moulins. Il ne la reverra jamais.
À partir de ce moment, Louis XIII et Richelieu gouvernent ensemble, de façon assez cohérente : le cardinal propose des solutions, et Louis XIII choisit celle qui lui convient le mieux. Ensemble, ils restaurent et consolident le pouvoir monarchique, notamment en déjouant tous les complots. Par exemple, le jeune frère de Louis XIII, Gaston de France, n'arrête pas de conspirer contre le roi, mais ses complices sont démasqués et exécutés un par un : Chalais, Montmorency, Cinq-mars.
Louis XIII et la littérature
Au début du XVIIe siècle, il n'y a pas de droits d'auteur, ce n'est pas simple pour un écrivain de vivre et de survivre. Mais par contre, il y a des riches mécènes qui ont tout intérêt à prendre un protégé, pour vanter leur nom, attaquer leurs ennemis, et tout simplement pour le prestige. Théophile de Viaux, par exemple, est protégé par le duc de Montmorency. Dans quelques vers, il lui explique que lui seul est capable de bien vanter ses mérites, sans être hypocrite :
Laisse là ces esprits menteurs,
Sauve ton nom de leurs ouvrages,
Les compliments sont des outrages
Dedans la bouche des flatteurs.
Moi, qui n’ai jamais eu le blâme
De farder mes vers ni mon âme,
Je trouverai mille témoins
Que tous les censeurs me reçoivent,
Et que les plus entiers me doivent
La gloire de mentir le moins. Théophile de Viaux, « À Monsieur de Montmorency », 1624.
Heureusement que Théophile de Viaux est protégé par le duc de Montmorency ! Cela lui permit d'éviter le bûcher, car il fut condamné à être brûlé vif, à cause de vers libertins, et c'est son protecteur qui le fit s'échapper.
Et en effet, les enjeux sont importants. Les poètes et les historiographes se disputent pour savoir qui sera le plus utile au pouvoir. Par exemple, Desmarets de Saint-Sorlin, protégé par Richelieu, dédicace au cardinal des vers où il explique que la renommée, la gloire et la postérité d'un grand homme doit plus aux poètes qu'aux historiens :
Ne crois pas que tes faits de miracles remplis
Puissent tous avoir place en l'histoire des Lys :
L'histoire aura pour toi des bornes trop serrées,
Et pour mille actions de nos temps admirées
Dans son cours seulement elle dira de toi
Il fut sage, vaillant et fidèle à son Roi.
Il te faut une Muse ardente, industrieuse
Dont la docte fureur des ans victorieuse
Sache divinement épandre dans ses vers
Le nombre merveilleux de tes actes divers. Desmarets de Saint-Sorlin, Discours sur la poésie, 1630.
En effet, il est toujours intéressant, pour un roi, de pouvoir compter sur un poète pour chanter ses exploits. En 1624, Malherbe écrit un poème à Louis XIII, pour lui montrer la chance qu'il a d'avoir un poète tel que lui. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Malherbe n'est pas un poète très modeste !
Qu’avec une valeur à nulle autre seconde,
Et qui seule est fatale à votre guérison,
Votre courage, mûr en sa verte saison,
Vous ait acquis la paix sur la terre et sur l’onde ;
Que l’hydre de la France, en révolte féconde,
Par vous soit du tout morte ou n’ait plus de poison
Certes, c’est un bonheur dont la juste raison
Promet à votre front la couronne du monde
Mais qu’en de si beaux faits vous m’ayez pour témoin
Connaissez-le, mon roi, c’est le comble du soin
Que de vous obliger ont ey les destinées.
Tous vous savent louer, mais non également :
Les ouvrages communs vivent quelques années ;
Ce que Malherbe écrit dure éternellement.
Malherbe, Sonnet au Roi, 1624.
Avant le XVIIe siècle, le théâtre est un genre très populaire, mais cela reste un divertissement assez grossier, avec des farces et des grosses plaisanteries vulgaires. Rien à voir avec le théâtre sophistiqué de la fin du siècle. Le développement du théâtre va commencer avec Louis XIII, qui permet à la troupe de l'Hôtel de Bourgogne de prendre le nom de Troupe Royale. Progressivement, ces comédiens se mettent à jouer davantage de genres sérieux comme la tragédie.
En 1635, Richelieu fonde l'Académie Française. C'est un instrument de pouvoir important, car le français est utilisé dans les documents administratifs depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Une même langue utilisée sur tout un territoire, c'est un formidable outil d'unification. L'Académie française va en plus promouvoir des hommes de Lettres de haut rang, qui vont rédiger le premier dictionnaire de l'Académie en 1694, bien après la mort de Richelieu et Louis XIII.
Richelieu meurt en décembre 1642, il est remplacé par l'un de ses collaborateurs les plus proches, Mazarin, et Louis XIII meurt d'une maladie des intestins, quelques mois plus tard, en mai 1643. Son jeune fils est couronné alors qu'il a presque 5 ans, c'est Louis XIV.
Jeunesse de Louis XIV et Fronde
Comme Louis XIV est trop jeune pour régner, c'est sa mère, Anne d'Autriche, qui assure la régence, avec Mazarin. Mais le cardinal devient très impopulaire. Car à ce moment là, la France est en guerre contre l'Espagne, gouvernée par la maison des Habsbourg à l'époque : c'est ce qu'on appelle la Guerre de Trente Ans. C'est une guerre très coûteuse, qui ne se termine qu'en 1648 avec le traité de Westphalie… Ces dépenses obligent Mazarin à lever de nouvelles taxes. Notamment la taxe des Aisés qui mécontente les nobles.
C'est comme ça que commence la Fronde : des nobles contestent l'autorité de Mazarin et de la Reine, ils veulent se venger de la domination qu'ils ont subie sous Richelieu et ils refusent de payer les nouvelles taxes pour financer la guerre de Trente Ans. À une première Fronde succède une deuxième, qu'on appelle la Fronde des Princes, parce qu'elle est menée par le prince de Condé et son frère le prince de Conti, qui prennent la tête de la Fronde.
C'est une véritable guerre civile. Tandis que le prince de Condé contrôle Bordeaux, Gondi, qui devient le Cardinal de Retz en 1652, parvient à prendre Paris avec Gaston de France, vous savez, le frère de Louis XIII qui n'arrête pas de comploter. Louis XIV est obligé de se retirer à Poitiers avec Mazarin.
1652, Louis XIV est devenu majeur (on devient majeur à 14 ans quand on est roi). Il parvient à reprendre Paris. Il s'installe au Louvre, oblige les princes à rendre les armes, Gondi est jeté en prison, Gaston de France doit se retirer au château de Blois. Cet épisode marque durablement le jeune Louis XIV : il va se méfier des Parisiens, et cherche à tout prix à contrôler les nobles. Cet échec de la Fronde expliquera Versailles et le contrôle de l'aristocratie.
La construction de l'absolutisme
En 1659, après une nouvelle guerre contre l'Espagne, pour signer la paix, Louis XIV se marie avec la fille du roi d'Espagne, nommée Marie-Thérèse d'Autriche. C'est aussi l'année de la mort de Mazarin. Louis XIV décide alors de gouverner seul :
Le cardinal de Mazarin est mort, Messieurs les Ministres, c’est à moi que vous vous adresserez désormais. Je veux à l’avenir gouverner moi-même mon royaume. Je ne veux point de Premier Ministre, [...] s’il arrive que j’aie besoin de vos conseils, je vous en demanderai. Discours de Louis XIV à ses Ministres, 1661.
Certains disent même que Louis XIV aurait dans la foulée annoncé aux parlementaires : « l'État c'est moi ! ». Et il adopte cette devise « nec pluribus impar » ce qui signifie à peu près « supérieur à tous » : le Roi est au-dessus de ses sujets quels qu'ils soient. Dans la même logique, il choisit pour emblème le soleil : c'est lui qui va imposer le rythme de vie de ses sujets.
On peut aussi trouver une belle définition de l'absolutisme dans les Mémoires de Louis XIV.
Toute puissance et toute autorité résident dans la main du roi, et il ne peut y en avoir d'autre dans le royaume. Dieu a donné des rois aux hommes. Il a voulu qu'on les respectât. La volonté de Dieu est que quiconque est né sujet, obéisse. Même si un prince est mauvais, la révolte de ses sujets est toujours un crime. Mémoires de Louis XIV, 1661-1668.
On cite également bien souvent la maxime « un roi, une foi, une loi » parce qu'elle montre bien que la volonté d'unifier le royaume derrière la personne du Roi passe aussi par l'imposition du Catholicisme comme seule religion en France. En 1685, Louis XIV annule l'édit de Nantes qu'Henri IV avait mis en place. Aussitôt, les Juifs et Protestants de France sont obligés de se convertir. En réalité, la plupart vont devoir s'exiler, sinon ils sont persécutés.
La politique militaire de Louis XIV va dans le même sens : il s'agit d'imposer le rayonnement de la France et de se faire un nom dans l'Histoire. Entre 1661 et 1715, Louis XIV fait des guerres pour repousser les frontières au Nord et à l'Est afin de protéger les villes de Paris et de Versailles.
Dès 1678, il fait appel à l'ingénieur militaire Vauban pour construire des fortifications pour protéger les frontières et les côtes. Les fortifications à la Vauban entourent la ville qui se trouve au centre. Elles ont généralement une forme d'étoile afin de faire ricocher les tirs ennemis et de pouvoir leur tirer dessus quelque soit sa position. Grâce à de nombreuses victoires, Louis XIV fait de la France un pays important militairement, politiquement et économiquement. Mais bientôt la situation bascule et dès 1685, à cause de nombreuses défaites, la France est ruinée.
La propagande Royale
En 1663, Louis XIV crée une Académie des Inscriptions et des belles Lettres. On l'appelle aussi la « petite Académie », et elle existe toujours. Son rôle, à l'époque, c'est de transmettre les exploits du roi à travers les inscriptions officielles sur les monuments et sur les médailles. On peut penser aux inscriptions en latin sur les portes Saint-Martin et de Saint-Denis, qui sont de véritables Arcs de Triomphe érigés en l'honneur de Louis XIV.
D'ailleurs, faut-il vraiment écrire en latin, ou en français ? C'est cette question qui va provoquer la querelle des Anciens et des Modernes. On voit bien alors que le français fera une meilleure propagande. Les Modernes vont dans le sens du renforcement du pouvoir royal, tandis que les Anciens, avec leur admiration de l'antiquité, vont défendre, peut-être sans s'en rendre compte, une marge de liberté des écrivains vis à vis du pouvoir présent.
Jean Chapelain, c'est l'un des premiers académiciens, il est très respecté. J'en parle notamment dans mon cours sur Le Cid de Corneille : c'est lui qui rédige la critique de l'Académie qui met fin à la querelle du Cid. Hé bien, c'est vers ce fameux Jean Chapelain que Colbert, le surintendant des finances, va se tourner, pour dresser une liste des meilleurs écrivains du royaume, et surtout, les plus dociles et les moins subversifs, pour servir la cause du Roi. Une fois que la liste est dressée, Louis XIV va commencer à donner des gratifications à certains écrivains.
Il est important de bien comprendre comment fonctionne ce système de gratifications. D'abord, c'est une somme qui est trois fois supérieure à celle qui était dépensée pour les écrivains sous Richelieu. Ensuite, c'est la première fois que ces sommes sont inscrites au budget : c'est donc une dépense officielle pour la propagande royale. Ensuite, il faut bien comprendre que ce ne sont pas des pensions : les écrivains ne peuvent pas critiquer le pouvoir, s'il veulent continuer recevoir cet argent. Et enfin, ce sont des sommes qui ne permettent pas vraiment aux écrivains de vivre, ils seront à la fois dépendants du roi, et obligés de chercher d'autres moyens de subsistance.
Au fur et à mesure que le règne avance, ces sommes seront de moins en moins importantes, elles seront divisées par 8. En fait, ceux qui continuent à percevoir ces gratifications ont des postes officiels. Par exemple, Boileau et Racine se consacrent à leur poste d'historiographes du roi, et cela les occupent tellement, qu'ils n'ont plus vraiment le temps d'écrire des vers.
Difficile de savoir si ces écrivains croyaient vraiment aux éloges qu'ils faisaient de Louis XIV. Ils étaient certainement dans l'exagération, mais sur un fond de sincérité, pas forcément hypocrite, car ils étaient vraisemblablement fiers du rayonnement artistique de la France pendant leur siècle. Par exemple, voici un extrait de L'Art Poétique de Boileau
Et que craindre en ce siècle, où toujours les beaux-arts
D’un astre favorable éprouvent les regards,
Où d’un prince éclairé la sage prévoyance
Fait partout au mérite ignorer l’indigence?
Muses, dictez sa gloire à tous vos nourrissons ;
Son nom vaut mieux pour eux que toutes vos leçons. Boileau, Art Poétique, 1674.
Racine écrit aussi une adresse à Louis XIV, en tête de sa tragédie intitulée Alexandre le Grand :
Je ne me contente pas d’avoir mis à la tête de mon ouvrage le nom d’Alexandre, j’y ajoute encore celui de VOTRE MAJESTÉ, c’est-à-dire que j’assemble tout ce que le siècle présent et les siècles passés nous peuvent fournir de plus grand. Racine, Alexandre le Grand, 1665.
La cour à Versailles
Il y a plein de raisons qui expliquent la construction du château de Versailles. Mais une certaine anecdote est intéressante et révélatrice. En visitant le château de Vaux-le-Vicomte, la demeure de Fouquet, son ministre des finances, Louis XIV trouve que le prestige du bâtiment lui fait ombrage. Il va destituer Fouquet et l'envoyer en prison. Ce sera Colbert qui prendra la relève des finances. Pour construire Versailles, Louis XIV recrutera le même architecte, Louis Le Vau, et le même paysagiste, André Le Nôtre.
Vous vous souvenez que suite aux épisodes de La Fronde, Louis XIV ne voulait pas rester au Louvre à Paris. En plus, il voulait fixer sa cour autour de lui, pour mieux garder un œil sur les nobles. Et enfin, il voulait les occuper pour éviter qu'ils songent à faire des conspirations. Avec intelligence, Louis XIV avait compris que c'était le désoeuvrement des nobles qui les rendait dangereux. Il voulait utiliser le divertissement comme une arme de diversion.
Cela recoupe bien les réflexions de Blaise Pascal sur le Divertissement, écoutez ce qu'il écrit, à peu près à la même époque, dans ses Pensées :
Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Blaise Pascal, Les Pensées, « Divertissement », 1669.
Donc, en 1682, la Cour s'installe définitivement à Versailles. Le roi et sa famille vivent au château, ainsi que les ministres et les nobles privilégiés. Au total, avec tous les domestiques, environ 10 000 personnes vivaient au château de Versailles !
Pour mieux contrôler la noblesse, le roi met en place un emploi du temps fixe : 8h : lever, 10h : la messe, 11h : le conseil du roi, 13h : le petit couvert, 14h : promenade ou chasse, 17h : rendez-vous en privé, 19h : réception de la cour, 22h : grand couvert, 23h : coucher.
Pour la cour, cela leur permet de savoir où et quand rencontrer le roi. Pour Louis XIV, cela permet de savoir exactement ce que font et ce que pensent les nobles, et donc de les surveiller.
Mais ce n'est pas tout ! Louis XIV met en place des règles très strictes, c'est ce qu'on appelle l'étiquette. Par exemple, l'étiquette indique qui a le droit de s'asseoir, sur quelle sorte de siège, dans quelles circonstances, etc. Sans compter la pression sociale que les nobles se mettent eux-même, dans une escalade de dépenses pour plaire au roi. Par exemple, il était mal vu d'être habillé de la même manière le matin et le soir. Il faut se déplacer avec des équipages somptueux, participer aux jeux d'argent, etc.
C'est un cercle vicieux : pour obtenir de l'argent et des privilèges, les nobles doivent courtiser le roi, mais pour plaire au roi et vivre à la cour, ils sont obligés de dépenser beaucoup d'argent ! Voici comment cela est raconté dans les Mémoires de Saint-Simon :
À son lever, à son coucher, à ses repas, en passant dans les appartements, dans ses jardins de Versailles [...] il voyait et remarquait tout le monde, aucun ne lui échappait. [...] C'était un démérite [...] de ne faire pas de la cour son séjour ordinaire, [...] et une disgrâce sûre pour qui n'y venait jamais. [...]
Il aima en tout la splendeur, la magnificence, la profusion. Ce goût il le tourna en maxime par politique, et l'inspira en tout à sa cour. C'était lui plaire que de s'y jeter en tables, en habits, en équipages [...] Le fond était qu'il [...] réduisit ainsi peu à peu tout le monde à dépendre entièrement de ses bienfaits pour subsister. Saint-Simon, Mémoires, 1691 à 1723.
Le château de Versailles
Louis XIV veut faire de Versailles un symbole de l'absolutisme : il souhaite affirmer son pouvoir aux yeux de tous : les français, les parisiens, les courtisans, les nobles, les voyageurs étrangers. Il va donc recruter les meilleurs talents de l'époque. Jules Hardouin-Mansart et Le Vau sont les architectes. Le Nôtre dessine les jardins, Le Brun et Hyacinthe Rigaud deviennent les peintres officiels. Les sculptures sont de Girardon et Le Hongre.
Louis XIV se fait représenter partout, en Mars le dieu de la guerre, en Apollon, dieu du soleil, de la beauté et des arts. Il organise les jardins et commande aux quatre saisons ! Dans ces œuvres, on reconnaît les valeurs du classicisme : un ordre naturel, une inspiration qui provient de la mythologie antique.
D'ailleurs, cette influence de l'antique n'est pas réservée à la sensibilité classique. Elle inspire aussi des œuvres baroques, par exemple, la fontaine de l'Encelade qui représente les Titans ensevelis sous des pierres car ils ont désobéi à Jupiter. Cette fontaine est une mise en garde des nobles : s'ils se rebellent contre le roi, Louis XIV fera tout pour les écraser. Cette influence baroque est bien présente à travers ces formes chaotiques.
L'esthétique baroque joue avec les illusions, les trompe-l'oeil, l'idée que le monde n'est pas tout à fait tel qu'on le perçoit. Les jeux de miroirs sont typiques de l'esthétique baroque. La galerie des Glaces, avec ses 357 miroirs, est comme un monde dans le monde, suivant la révolution du soleil, dont l'éclairage change tout au long de la journée et de l'année.
L'extrême pauvreté du peuple
Je ne peux pas terminer cette vidéo sans parler de l'extrême pauvreté du peuple pendant le règne de Louis XIV. Sous l'Ancien Régime, à part quelques impôts exceptionnels, la noblesse et le clergé n'en paye aucun. Mais le Tiers-État doit payer toute une série de taxes : La gabelle (impôt sur le sel) la capitation et la taille (ce sont des impôts locaux), les aides (taxes sur les boissons, le bois et le poisson), la dîme (un impôt qui revient uniquement au clergé, où les paysans doivent donner 10% de leurs récoltes).
Dans les campagnes, les paysans subissent également un état de guerre permanent. Écoutez cet extrait d'une lettre de Fénelon
On a causé depuis plus de vingt ans des guerres sanglantes... Tout ce sang répandu, tant de provinces saccagées, tant de villes et de villages mis en cendre... Vos peuples meurent de faim. Extrait de la lettre de Fénelon à Louis XIV (1694).
Beaucoup de paysans deviennent mendiants, mais Louis XIV fait interdire la mendicité : les personnes arrêtées sont condamnées aux travaux forcés jusqu'à la mort. Les quelques révoltes de paysans sont vite stoppées par l'intervention des armées de Louis XIV qui commettent des massacres.
En plus, les hivers sont particulièrement rudes, car le climat connaît à ce moment là ce qu'on appellera plus tard le Petit ge Glaciaire. Les récoltes sont mauvaises, le prix du blé triple, la famine s'installe, des milliers de personnes meurent de faim et de froid. Par exemple, durant l'hiver 1693-1694, la population passe de 22 à 20 millions d'habitants en France. Les témoignages de l'époque sont effroyables :
La plus grande partie des habitants de la province n'ont vécu pendant l'hiver que de glands et de racines. Présentement, on les voit manger l'herbe des prés et l'écorce des arbres. Témoignage d'un noble du Dauphiné (1675).
La gelée a achevé de perdre le peu de châtaignes et de blé noir qui restaient, et a rendu les vignes pourries. Témoignage d'un noble au sujet de sa province (1692).
De mémoire d'homme, il n'a jamais fait aussi froid : on n'a pas souvenance d'hiver pareil. Depuis quinze jours on entend parler tous les matins de gens qu'on a trouvés morts de froid. On trouve dans les champs les perdrix gelées. Témoignage d'une noble (1709).
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