Couverture du livre XVIIe siècle de Mediaclasse

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Couverture pour XVIIe siècle

Histoire littéraire du XVIIe siècle
La Querelle des Anciens et des Modernes




Dur d'être un dramaturge au XVIIe siècle ! Il faut plaire, captiver le public, et en même temps suivre les règles du théâtre classique : unité de temps, unité de lieu, unité d'action, vraisemblance, et bienséance ! Pour justifier ces règles, l'Académie Française, fondée par Richelieu en 1634, se base sur les écrits d'Aristote et Horace qui font autorité.

Et en effet les hommes de Lettres du XVIIe siècle comme Boileau, Bossuet et Chapelain considèrent que les Anciens avaient atteint le sommet de l'art. Homère et Virgile leur semblaient indépassables. Bien sûr, la langue n'est plus la même, les formes peuvent varier, et les connaissances scientifiques continuent d'évoluer, mais les grands principes philosophiques, esthétiques et moraux sont pour eux des vérités acquises et immuables.

En toute humilité, les auteurs du XVIIe siècle, devaient donc, selon eux, se contenter d'imiter les Anciens, pour mieux inscrire leur art dans un idéal éternel de beauté et de vertu. Et voilà pourquoi il était bon de prendre des décors et des sujets antiques : ils ne sont pas sujets à des modes, les situations peuvent parler à tout le monde, on peut ainsi s'adresser aux générations présentes et futures. On cherche à être intemporel.

Alors forcément, certaines œuvres ne vont pas bien entrer dans ces règles très strictes. Tout ça entraîne des débats houleux, et de véritables clash, qui vont mener, épisode par épisode, jusqu'à la querelle des Anciens et des Modernes.

La querelle du Cid



Dans ce contexte, pas étonnant que Le Cid de Corneille provoque une véritable querelle, quand il paraît en 1638.
Pour l'instant c'est juste la querelle du Cid. Mais vous allez voir, c'est un signe avant-coureur de la grande querelle qui va suivre.

Donc il va se trouver deux dramaturges, Jean Mairet et Georges de Scudéry, qui vont reprocher à Corneille de ne pas respecter la règle des trois unités. En plus, cette histoire d'une noble dame espagnole, Chimène, qui épouse le meurtrier de son père paraît à la fois invraisemblable et à la limite de la bienséance ! Et enfin, s'inspirer comme ça d'un sujet espagnol, alors qu'on est en guerre avec l'Espagne, ce n'est pas très atemporel, et c'est même presque une trahison !

Ils font donc appel à l'Académie française, qui vient tout juste d'être fondée par Richelieu, en 1634, pour arbitrer leur différend. Après moultes péripéties, Richelieu est obligé d'intervenir pour obliger les deux camps à se mettre d'accord. Et voici comment Jean Chapelain de l’Académie Française va trancher :
La naïveté et la véhémence de ses passions, la force et la délicatesse de plusieurs de ses pensées, et cet agrément inexplicable qui se mêle dans tous ses défauts lui ont acquis un rang considérable [...].
Jean Chapelain, Sentiments de l'Académie française sur la tragi-comédie du Cid, 1638.

L'académie Française ne parvient pas à expliquer pourquoi cette pièce a tant d'attraits alors qu'elle ne respecte pas les règles. Mais Corneille bénéficie du fait que ces règles n'étaient pas encore claires et bien établies. En L'Abbé d'Aubignac écrit sa Pratique du Théâtre, afin de montrer que les règles sont nécessaires pour produire des pièces plaisantes :
Je me suis persuadé que l'on aurait plus d'admiration et de joie dans la représentation théâtrale, quand, par la connaissance des règles qu'il y faut observer, les spectateurs en pénétreront toutes leurs beautés.
Abbé d'Aubignac, Pratique du théâtre, 1637.

Querelle de l'École des Femmes



Impossible de ne pas parler maintenant de Molière, qui, à sa manière, va mettre au contraire le plaisir du spectateur devant les règles de l'écriture. Comme il écrit des comédies, il a un peu plus de liberté que ceux qui s'adonnent au genre sérieux de la tragédie. Il explique bien cette liberté dans la Préface des Fâcheux :
Ce n’est pas mon dessein d’examiner maintenant si [...] tous ceux qui s’y sont divertis ont ri selon les règles : [...] je ne désespère pas de faire voir un jour, en grand auteur, que je puis citer Aristote et Horace. En attendant cet examen, [...] je m’en remets assez aux décisions de la multitude, et je tiens aussi difficile de combattre un ouvrage que le public approuve, que d’en défendre un qu’il condamne.
Molière, Préface des Fâcheux, 1662.

Quoi qu'il en soit, Molière respecte souvent la règle des trois unités : on peut citer Le Misanthrope et Tartuffe par exemple. Mais ce n'est pas toujours le cas. Par exemple, il va toutes les enfreindre dans son Dom Juan. Et pourtant, même dans Dom Juan, il s'attache paradoxalement à défendre un idéal de mesure, conforme à l'idéal classique.

En 1662, Molière joue L'École des Femmes, qui remporte un grand succès, mais qui est en même temps beaucoup critiqué :
Cette pièce a produit des effets tout nouveaux, tout le monde l'a trouvée méchante et tout le monde y a couru . Les dames l'ont blâmée et l'ont été voir. Elle a réussi sans avoir plu et elle a plu à plusieurs qui ne l'ont pas trouvée bonne. Mais, pour vous en dire mon sentiment, c'est le sujet le plus mal conduit qui fût jamais et je suis prêt de soutenir qu'il n'y a point de scène où l'on ne puisse faire voir une infinité de fautes.
Jean Donneau de Visée, Nouvelles nouvelles, 1663.

C'est le début de la querelle de l'École des Femmes. Molière va répliquer avec sa Critique de l’École des Femmes, où il n'hésite pas à remettre en cause les règles classiques :
Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants, et nous étourdissez tous les jours. Il semble, à vous ouïr parler, que ces règles de l’art soient les plus grands mystères du monde ; et cependant ce ne sont que quelques observations aisées, que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes ; et le même bon sens qui a fait autrefois ces observations les fait aisément tous les jours, sans le secours d’Horace et d’Aristote. Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire, et si une pièce de théâtre qui a attrapé son but n’a pas suivi un bon chemin. Veut-on que tout un public s’abuse sur ces sortes de choses, et que chacun ne soit pas juge du plaisir qu’il y prend ?
Molière, La Critique de l'École des Femmes, 1663.

Mais en même temps, Molière va affirmer qu'il respecte bien pourtant dans cette pièce toutes les règles classiques :
Je dis bien que le grand art est de plaire, et que cette comédie ayant plu à ceux pour qui elle est faite, je trouve que c’est assez pour elle, et qu’elle doit peu se soucier du reste. Mais, avec cela, je soutiens qu’elle ne pèche contre aucune des règles dont vous parlez. Je les ai lues, Dieu merci, autant qu’un autre ; et je ferais voir aisément que peut-être n’avons-nous point de pièce au théâtre plus régulière que celle-là.
Molière, La Critique de l'École des Femmes, 1663.

Et finalement, Nicolas Boileau lui-même met fin au débat, en défendant la pièce de Molière dans ses Stances de l'École des Femmes :
En vain mille jaloux esprits
Molière, osent avec mépris
Censurer ton plus bel ouvrage ;
Sa charmante naïveté
S'en va, pour jamais, d'âge en âge
Enjouer la postérité.

[...]

Laisse gronder tes envieux,
Ils ont beau crier en tous lieux
Que c’est à tort qu’on te révère,
Que tu n’es rien moins que plaisant.
Si tu savais un peu moins plaire,
Tu ne leur déplairais pas tant.


Nicolas Boileau, Stances sur l'École des Femmes, 1663.

L'affaire des inscriptions



1683, un certain François Charpentier, membre de l'Académie des inscriptions, recommande d'utiliser le Français et non plus le latin pour les légendes des tableaux de Versailles ! C'est d'ailleurs une idée assez audacieuse, et il écrit un ouvrage entier pour se justifier : De L'Excellence de la langue françoise (1683).

Mais cela lance un grand débat qui se généralise à la question des bâtiments publics, et l'on compare les avantages respectifs du français et du latin. Un jésuite, le père Lucas, répond carrément en latin avec son De Monumentis latine inscribidis ! un ouvrage entier consacré aux inscriptions latines sur les monuments officiels. Peut-être que vous connaissez les Portes Saint-Martin et Saint-Denis à Paris... Ce sont des Arcs de Triomphe dressés en l'honneur de Louis XIV, et on y trouve des inscriptions en latin.

LVDOVICO MAGNO
VESONTIONE SEQVANISQVE BIS CAPTIS ET FRACTIS GERMANORVM HISPANORVM BATAVORUMQUE EXERCITIBVS

À LOUIS LE GRAND
Pour avoir pris deux fois Besançon et la Franche-Comté et pour avoir écrasé les armées allemande, espagnole et hollandaise.


Mais François Charpentier finit par obtenir gain de cause à Versailles ! Il est chargé lui-même de rédiger les inscriptions en français. Le problème, c'est que François Charpentier est un bon essayiste, mais un piètre poète. À Versailles, les légendes des tableaux de Lebrun seront bientôt remplacées par des vers de Racine et de Boileau, qui sont, et voilà l'ironie de la chose, des défenseurs des Anciens. La querelle ne fait que commencer.

Les Modernes

En 1687, c’est Charles Perrault, (vous savez, l’écrivain des Contes de la Mère L'Oye) qui va déclencher les hostilités, avec un ouvrage en vers, Le Siècle de Louis le Grand, où il ose affirmer :
La belle antiquité fut toujours vénérable ;
Mais je ne crus jamais qu’elle fût adorable.
Je vois les anciens, sans plier les genoux ;
Ils sont grands, il est vrai, mais hommes comme nous ;
Et l’on peut comparer, sans craindre d’Être injuste,
Le siècle de Louis au beau siècle d’Auguste.
[...]
La docte Antiquité dans toute sa durée
À l’égal de nos jours ne fut point éclairée.

Charles Perrault, Le Siècle de Louis le Grand, 1687.

Pour lui, les Anciens font aussi des erreurs et des fautes de goût. Ils ne sont pas infaillibles ! Aristote, Hippocrate et Ptolémée avaient des conceptions scientifiques erronées. Cela remet en cause leur autorité également sur le plan esthétique. C'est donc un devoir des Modernes de chercher à les dépasser dans tous les domaines.

Bien sûr, derrière ce débat artistique se cachent des enjeux de pouvoir et des enjeux politiques. Le titre de l'ouvrage n'est pas innocent : Le Siècle de Louis le Grand est une flatterie à l'égard de Louis XIV. Il faut savoir que le Roi était un grand Mécène : les artistes avaient tout intérêt à lui plaire. Les modernes sont des courtisans, ils sont très présents dans les salons et à Versailles, ils veulent fonder leurs propres valeurs, gagner de l'indépendance à l'égard des générations précédentes. Cette querelle a des conséquences dans l'Histoire Littéraire mais c'est aussi un prétexte pour se faire une renommée.

Charles Perrault est tout de suite rejoint par Fontenelle qui écrit en 1688 sa Digression sur les Anciens et les Modernes, qui utilise une métaphore issue des sciences naturelles :
Toute la question de la prééminence entre les anciens et les modernes [...] se réduit à savoir si les arbres [...] étaient autrefois [...] plus grands que ceux d’aujourd’hui. En cas qu’ils l’aient été, Homère, Platon, Démosthène, ne peuvent être égalés [...] mais si nos arbres sont aussi grands que ceux d’autrefois, nous pouvons égaler Homère, Platon et Démosthène.
Fontenelle, Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688.

Ce texte est génial et profondément visionnaire : Fontenelle prédit que les auteurs de son époque seraient certainement regroupés et assimilés par les générations futures exactement comme eux-même regroupent les grecs et les latins sous le nom d'Anciens.

Fontenelle explique aussi que l'autorité d'Aristote ne doit pas empêcher les philosophes modernes de penser, exactement comme Descartes ne devrait pas empêcher les générations futures de faire de la philosophie. C'est une vision progressiste de la pensée humaine.

Un autre Moderne que l'on peut citer, c'est Charles de Saint-Évremond, qui écrit un ouvrage particulièrement critique Sur les poèmes des Anciens, 1685 :
La vérité n’était pas du goût des premiers siècle [...] Le génie de notre siècle est tout opposé à cet esprit de fables, et de faux mystères. Nous aimons les vérités déclarées : le bons sens prévaut aux illusions de la fantaisie, rien ne nous contente aujourd’hui, que la solidité et la raison. [...] Tout est changé : les dieux, la nature, la politique, les mœurs, le goût, les manières. Tant de changements n’en produiront-ils point, dans nos ouvrages ? [...] Nos poètes n’ont pas eu la force de quitter les dieux. [...] Attachés au goût de l’antiquité, [...] ils donnent l’air de Mercure à nos anges, et celui des merveilles fabuleuses des anciens à nos miracles.
Charles de Saint-Évremond, Sur les poèmes des Anciens, 1685.

Voilà donc du côté des Modernes. Regardons maintenant du côté des Anciens.

Les Anciens



Du côté des Anciens, on trouve Bossuet, Boileau, Racine, La Fontaine et La Bruyère. Vous vous souvenez des vers de Perrault qui glorifient le siècle de Louis XIV ?
La docte Antiquité dans toute sa durée
À l’égal de nos jours ne fut point éclairée.

Charles Perrault, Le Siècle de Louis Le Grand, 1687.

Quand ils découvrent ces vers, qui attaquent les Anciens, ils prennent cela pour une déclaration de guerre. Pour eux c'est inadmissible, c'est un manque d'humilité et un manque de respect à l'égard des Anciens. La même année, La Fontaine, au nom des Anciens, va répliquer dans son Épître à Huet :
Ne pas louer son siècle est parler à des sourds.
Je le loue, et je sais qu'il n'est pas sans mérite
Mais près de ces grands noms notre gloire est petite
Tel de nous, dépourvu de leur solidité,
N'a qu'un peu d'agrément, sans nul fonds de beauté
Je ne nomme personne on peut tous nous connaître.

La Fontaine, Épître à Huet, 1687.

Pour La Fontaine, c'est une vérité pour tout un chacun. Il précise bien dans ce passage qu'il ne vise personne en particulier : pour faire une œuvre d'art belle et agréable, l'imitation des Anciens est un passage obligé. Et d'ailleurs, c'est ce qu'il fait lui-même, s'inspirant des fables d'Ésope pour rédiger son œuvre.

La Bruyère ajoute un nouvel argument dans le débat en faveur des Anciens : toutes les situations, les émotions et les sentiments humains ont déjà été vécus, éprouvés et exprimés. Il ne reste rien à inventer de ce côté.
Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les Anciens.
La Bruyère, Les Caractères, I, 1, 1688.

Le vif de la querelle



La querelle se prolonge. Dans un dialogue intitulé Parallèles des Anciens et des Modernes, Charles Perrault répond aux Anciens, fait des comparaisons et proclame la supériorité des Modernes :
[…] Tous les arts ont été portés dans notre siècle à un plus haut degré de perfection que celui où ils étaient parmi les Anciens, parce que le temps a découvert plusieurs secrets dans tous les arts, qui, joints à ceux que les Anciens nous ont laissés, les ont rendus plus accomplis […].
Charles Perrault, Parallèles des Anciens et des Modernes, 1688.

C’est d’ailleurs un propos que Charles Perrault cache souvent dans ses contes. Avez-vous déjà remarqué cette précision étonnante à la fin de La Belle au Bois Dormant ?
Le Prince vécut avec la Princesse plus de deux ans entiers, et en eut deux enfants, dont le premier, qui fut une fille, fut nommée l'Aurore, et le second un fils, qu'on nomma le Jour, parce qu'il paraissait encore plus beau que sa soeur.
Charles Perrault, La Belle au Bois Dormant, 1697.

Symboliquement, le jour est plus beau et plus lumineux que l’Aurore... Bien sûr, pour Charles Perrault, cela signifie que le siècle du Roi Soleil est plus brillant que le siècle d’Auguste, qui n’est que l’aurore de la pensée.

Boileau, le chef des Anciens, répond enfin à Charles Perrault dans ses Réflexions sur Longin. Pour lui, seule la postérité peut juger les oeuvres :
Lorsque des Écrivains ont été admirés un fort grand nombre de siècles, [...] alors non seulement il y a de la témérité, mais il y a de la folie à vouloir douter du mérite de ces Écrivains. […] Il n’est plus question, à l’heure qu’il est, de savoir si Homère, Platon, Cicéron, Virgile, sont des hommes merveilleux ; c’est une chose sans contestation, puisque vingt siècles en sont convenus : il s’agit de savoir en quoi consiste ce merveilleux qui les a fait admirer tant de siècles. 
Nicolas Boileau, Réflexions sur Longin, 1695.

Fin de la querelle



C'est un certain François de Fénelon qui prend alors le rôle de médiateur. Il essaye de montrer que les deux camps ne sont pas si éloignés l'un de l'autre, dans une Lettre à l’Académie, en 1714 :
Il est naturel que les Modernes, qui ont beaucoup d’élégance et de tours ingénieux, se flattent de surpasser les anciens, qui n’ont que la simple nature. Mais je demande la permission de faire ici une espèce d’apologue. [...] Un édifice grec n’a aucun ornement qui ne serve qu’à orner l’ouvrage ; [...] Les proportions sont si justes, que rien ne paraît fort grand, quoique tout le soit ; tout est borné à contenter la vraie raison. Au contraire, l’architecte gothique élève sur des piliers très minces une voûte immense qui monte jusqu’aux nues. On croit que tout va tomber, mais tout dure pendant bien des siècles. [...] N’est-il pas naturel que les premiers architectes gothiques se soient flattés d’avoir surpassé par leur vain raffinement la simplicité grecque ? [...]

Ces auteurs se seraient trompés en pensant ainsi : les plus excellents auteurs de nos jours doivent craindre de se tromper de même. Je n’ai garde de vouloir juger en parlant ainsi ; je propose seulement aux hommes qui ornent notre siècle de ne mépriser point ceux que tant de siècles ont admirés.

Je ne vante point les anciens comme des modèles sans imperfection ; je ne veux point ôter à personne l’espérance de les vaincre ; je souhaite au contraire de voir les Modernes victorieux par l’étude des anciens mêmes qu’ils auront vaincus.


Ainsi à la fin du siècle, la querelle s’épuise progressivement, les Anciens se font vieux, les enjeux de pouvoir sont moins importants. Perrault et Boileau acceptent la réconciliation et s'embrassent en public devant l’Académie Française.

Enfin, en 1700, Boileau écrit et publie une lettre de réconciliation adressée directement à Charles Perrault, et dont voici quelques extraits :

Monsieur,
Puisque le Public a été instruit de notre démêlé, il est bon de lui apprendre aussi notre réconciliation [...] et c'était pour commencer à le lui faire entendre, que peu de temps après nostre réconciliation je composai une Épigramme :

Tout le trouble Poétique
À Paris s'en va cesser :
Perrault l'Anti-Pindarique,
Et Despréaux l'Homérique
Consentent de s'embrasser.

Je ne sais si j'ai bien pris votre pensée ; mais la voici, ce me semble. Votre dessein est de montrer que pour la connaissance sur tout des beaux arts, et pour le mérite des belles-lettres, notre siècle, ou, pour mieux parler, le siècle de Louis le Grand, est non seulement comparable, mais supérieur à tous les plus fameux siècles de l'antiquité, et même au siècle d'Auguste.

Vous allez donc être bien étonné quand je vous dirai que je suis sur cela entièrement de votre avis, [...] À la vérité j'emploierais beaucoup d'autres raisons que les vôtres, car chacun a sa maniere de raisonner ; et je prendrais des précautions et des mesures que vous n'avez point prises.

Je n'opposerais donc pas, comme vous avez fait, notre nation et notre siècle seuls à toutes les autres nations et à tous les autres siecles joints ensemble. [...] Après avoir mûrement pesé en quoi ils sont au-dessus de nous, et en quoi nous les surpassons, je suis fort trompé si je ne prouvais invinciblement que l'avantage est de notre côté.

Il ne reste donc plus maintenant, pour assurer notre accord et pour étouffer en nous toute semence de dispute, que de nous guérir l'un et l'autre, vous, d'un penchant un peu trop fort à rabaisser les bons écrivains de l'antiquité ; et moi, d'une inclination un peu trop violente à blâmer les méchants et même les médiocres auteurs de notre siècle.


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