Marivaux, LâĂle des Esclaves
ScĂšne 6 (Lâimitation galante)
Explication linéaire
Extrait étudié
Arlequin, Ă Iphicrate
Qu'on se retire Ă dix pas.
Iphicrate et Euphrosine s'éloignent en faisant des gestes d'étonnement et de douleur. Cléanthis regarde aller Iphicrate, et Arlequin, Euphrosine.
Arlequin, se promenant sur le théùtre avec Cléanthis.
Remarquez-vous, Madame, la clarté du jour ?
Cléanthis
Il fait le plus beau temps du monde ; on appelle cela un jour tendre.
Arlequin
Un jour tendre ? Je ressemble donc au jour, Madame.
Cléanthis
Comment, vous lui ressemblez ?
Arlequin
Eh palsambleu ! le moyen de n'ĂȘtre pas tendre, quand on se trouve tĂȘte Ă tĂȘte avec vos grĂąces ? (Ă ce mot il saute de joie.) Oh ! oh ! oh ! oh !
Cléanthis
Qu'avez-vous donc, vous défigurez notre conversation ?
Arlequin
Oh ! ce n'est rien ; c'est que je m'applaudis.
Cléanthis
Rayez ces applaudissements, ils nous dĂ©rangent. (Continuant.) Je savais bien que mes grĂąces entreraient pour quelque chose ici. Monsieur, vous ĂȘtes galant, vous vous promenez avec moi, vous me dites des douceurs ; mais finissons, en voilĂ assez, je vous dispense des compliments.
Arlequin
Et moi, je vous remercie de vos dispenses.
Cléanthis
Vous m'allez dire que vous m'aimez, je le vois bien ; dites, Monsieur, dites ; heureusement on n'en croira rien. Vous ĂȘtes aimable, mais coquet, et vous ne persuaderez pas.
Arlequin, l'arrĂȘtant par le bras, et se mettant Ă genoux.
Faut-il m'agenouiller, Madame, pour vous convaincre de mes flammes, et de la sincérité de mes feux ?
Cléanthis
Mais ceci devient sĂ©rieux. Laissez-moi, je ne veux point d'affaire ; levez-vous. Quelle vivacitĂ© ! Faut-il vous dire qu'on vous aime ? Ne peut-on en ĂȘtre quitte Ă moins ? Cela est Ă©trange !
Arlequin, riant Ă genoux.
Ah ! ah ! ah ! que cela va bien ! Nous sommes aussi bouffons que nos patrons, mais nous sommes plus sages.
Introduction
Câest un poĂšte du 17e siĂšcle, Santeul, qui fait surgir lâexpression « castigat ridendo mores » : corriger les moeurs par le rireâŠ
Cette petite phrase en latin connaĂźt une postĂ©ritĂ© extraordinaire, puisquâelle devient pour ainsi dire la devise de la grande ComĂ©die au 17e et au 18e siĂšcle.
Marivaux sâinscrit dans cette lignĂ©e, et dans LâĂźle des Esclaves, câest justement par lâimitation et par le ridicule que les personnages sont Ă©levĂ©s moralement. Dans notre passage, les deux esclaves, Arlequin et ClĂ©anthis parodient leur maĂźtres en jouant une scĂšne de galanterie. Câest une vĂ©ritable scĂšne de thĂ©Ăątre dans le thĂ©Ăątre.
Le tableau est Ă la fois criant de vĂ©ritĂ©, et lĂ©gĂšrement maladroit, mais câest cela qui fait ressortir la vanitĂ© des maĂźtres, et la frivolitĂ© de leurs jeux de langage. Cette scĂšne est ainsi une Ă©tape particuliĂšrement importante dans lâĂ©volution Ă venir des personnages.
Problématique
Comment Marivaux utilise-t-il le théùtre dans le théùtre, pour faire ressortir la maladresse des esclaves, la vanité des maßtres, afin de les amener vers plus de sagesse ?
Axes de lecture pour un commentaire composé
> Une scÚne de théùtre dans le théùtre.
> Une scĂšne comique et divertissante.
> La parole libérée avec la liberté retrouvée.
> Une imitation naĂŻve faite par des esclaves.
> Les clichés de la galanterie et de la préciosité.
> Lâimitation des maĂźtres vise Ă mieux les corriger
> Une scÚne qui prépare la suite de la piÚce.
Premier mouvement :
Une mise en scĂšne comique
Arlequin, Ă Iphicrate
Qu'on se retire Ă dix pas.
Iphicrate et Euphrosine s'éloignent en faisant des gestes d'étonnement et de douleur. Cléanthis regarde aller Iphicrate, et Arlequin, Euphrosine.
Arlequin, se promenant sur le théùtre avec Cléanthis.
Remarquez-vous, Madame, la clarté du jour ?
Cléanthis
Il fait le plus beau temps du monde ; on appelle cela un jour tendre.
Arlequin
Un jour tendre ? Je ressemble donc au jour, Madame.
Cléanthis
Comment, vous lui ressemblez ?
Arlequin
Eh palsambleu ! le moyen de n'ĂȘtre pas tendre, quand on se trouve tĂȘte Ă tĂȘte avec vos grĂąces ? (Ă ce mot il saute de joie.) Oh ! oh ! oh ! oh !
Au dĂ©but de cet extrait, Arlequin joue les metteur en scĂšne, en Ă©loignant les maĂźtres de la scĂšne : ils deviennent spectateurs de leur propre rĂŽle jouĂ© par leurs valets qui occupent le devant de la scĂšne. Les spectateurs observent alors vĂ©ritablement une petite expĂ©rimentation se dĂ©rouler sous leurs yeux, ils voient des personnages qui assistent Ă leurs propres dĂ©fauts. Câest une mise en abyme du thĂ©Ăątre dans le thĂ©Ăątre.
D'ailleurs, c'est le mot « thĂ©Ăątre » que Marivaux utilise ici dans la didascalie, comme si la plage oĂč se trouvent les personnages Ă©tait en effet devenu une scĂšne de spectacle.
Il est significatif que les esclaves jouent une histoire d'amour, tandis que les anciens maĂźtres sont mis de cĂŽtĂ©. Iphicrate et Euphrosine sont muets, ils n'Ă©changent pas un mot, ils subissent l'inversion des rĂŽles sĂ©parĂ©ment, ils n'Ă©prouvent rien l'un pour l'autre. Marivaux montre ainsi que la condition d'esclave leur enlĂšve non seulement la parole, mais aussi toute humanitĂ©. Au contraire, Arlequin et ClĂ©anthis ont retrouvĂ© la parole en mĂȘme temps qu'ils ont trouvĂ© la libertĂ©.
La scĂšne est comique pour plusieurs raisons. Dâabord, c'est une scĂšne parodique : les maĂźtres sont tout Ă fait rĂ©ticents Ă ĂȘtre ainsi moquĂ©s : leur gestuelle est dĂ©crite dans les didascalies. Mais les valets eux aussi sont maladroits, ils improvisent une conversation mondaine alors quâils nâen ont pas lâexpĂ©rience, ils nâont pas vraiment de sujet Ă part la mĂ©tĂ©o « la clartĂ© du jour ». Arlequin sâexclame avec un juron « palsambleu » . Le spectateur peut donc rire doublement des maĂźtres qui sont caricaturĂ©s, et des esclaves qui sont maladroits.
Cette forme de comique rejoint bien la description que Bergson en fait dans Le Rire :
« Le comique naßtra, semble-t-il, quand des hommes réunis en groupe dirigeront tous leur attention sur un d'entre eux, faisant taire leur sensibilité et exerçant seul leur intelligence. »
Les maĂźtres sont caricaturĂ©s avec des marques de prĂ©ciositĂ© volontairement accentuĂ©es. Arlequin ne sâadresse jamais Ă ClĂ©anthis sans lâappeler « Madame » puis « vos grĂąces ». Les choses simples sont dĂ©signĂ©es par des pĂ©riphrases : le beau temps est « un jour tendre » la conversation devient un « tĂȘte Ă tĂȘte ». Selon le mot de Santeul, castigat ridendo mores : il sâagit de corriger les moeurs par le rire. Les maĂźtres assistent Ă une peinture de leurs dĂ©fauts, ils seront alors amenĂ©s Ă retrouver un peu dâhumilitĂ©.
Les valets Ă©galement sont risibles. Ils ont un esprit simple. ClĂ©anthis utilise lâadjectif « tendre » quâelle a dĂ» entendre quelque part, mais quâelle ne comprend pas vraiment. Un jour tendre, câest une lumiĂšre douce, qui ne fatigue pas les yeux. //
Pour elle câest simplement « le plus beau temps du monde ». Elle ne comprend pas non plus la personnification quâelle utilise elle-mĂȘme, puisquâelle est obligĂ©e de demander Ă Arlequin de lui expliquer. Elle fait une imitation naĂŻve de sa maĂźtresse.
Juste avant la scÚne, Cléanthis programme déjà le scénario qui va se dérouler sous nos yeux :
« Tenez, tenez, promenons-nous plutĂŽt de cette maniĂšre-lĂ , et tout en conversant vous ferez adroitement tomber lâentretien sur le penchant que mes yeux vous ont inspirĂ© pour moi. »
Ainsi Arlequin doit obĂ©ir aux clichĂ©s de la galanterie, et donc saisir nâimporte quelle occasion pour faire un compliment Ă la demoiselle. Il fait un mot dâesprit, lorsquâil se compare au jour. Mais cela tombe Ă plat pour plusieurs raisons : dâabord parce que le mot de ClĂ©anthis est dĂ©jĂ une personnification, il se contente de la reprendre Ă son compte et de le commenter lourdement, avec un juron typique des valets de comĂ©die. Ensuite, parce quâil rit de sa propre ingĂ©niositĂ© : il sort de son rĂŽle. En fait, la naĂŻvetĂ© des valets permet en fait de faire ressortir combien ces situations galantes sont artificielles et frivoles.
Arlequin nâest pas sĂ©rieux, il nâentre pas vraiment dans son rĂŽle, il rit de dĂ©signer ClĂ©anthis avec le mot « vos grĂąces ». Et en effet on peut songer que c'est bien Euphrosine qui porte le nom d'une des trois grĂąces de la mythologie grecque. Cette scĂšne prĂ©pare le tĂȘte Ă tĂȘte oĂč Arlequin tentera de sĂ©duire Euphrosine.
De mĂȘme au dĂ©but de la scĂšne, Marivaux prĂ©cise bien dans les didascalies : « ClĂ©anthis regarde aller Iphicrate, et Arlequin, Euphrosine ». Ce motif du couple croisĂ© est rĂ©current dans l'Ćuvre de Marivaux. Notre scĂšne permet de prĂ©parer la suite de la piĂšce, oĂč Arlequin sera beaucoup plus sĂ©rieux lorsquâil tentera de sĂ©duire Euphrosine.
DeuxiĂšme mouvement :
Un décalage entre les deux acteurs
Cléanthis
Qu'avez-vous donc, vous défigurez notre conversation ?
Arlequin
Oh ! ce n'est rien ; c'est que je m'applaudis.
Cléanthis
Rayez ces applaudissements, ils nous dérangent.
(Continuant.) Je savais bien que mes grĂąces entreraient pour quelque chose ici. Monsieur, vous ĂȘtes galant, vous vous promenez avec moi, vous me dites des douceurs ; mais finissons, en voilĂ assez, je vous dispense des compliments.
Arlequin
Et moi, je vous remercie de vos dispenses.
Arlequin est sorti de son rĂŽle : « je mâapplaudis » il nâest plus acteur, il devient spectateur. Cela rompt le charme de la petite scĂšne improvisĂ©e avec ClĂ©anthis, câest pourquoi elle le rappelle Ă lâordre : « rayez ces applaudissements, ils nous dĂ©rangent ».
On perçoit à quel point chacun des deux personnages prennent un plaisir à jouer leur rÎle, chez Arlequin, le plaisir est dyonisiaque : fait de rire et d'improvisation. Chez Cléanthis, il est apollinien, elle prend plaisir à ressembler aux belles personnes qui lui sont habituellement supérieures. Les deux personnages prennent la parole pour mieux éprouver leur liberté retrouvée.
On peut aller plus loin dans l'interprétation. à travers Arlequin, on retrouve le théùtre de la commedia dell'arte : l'improvisation, les lazzis. Mais Marivaux mélange cela avec la grande comédie classique héritée de MoliÚre : Cléanthis élabore ses tirades avec soin, et prend son rÎle trÚs au sérieux. Mais dans les deux cas, le théùtre représente une maniÚre de concevoir la liberté.
Le verbe rayer est particuliĂšrement intĂ©ressant, car il fait surgir de maniĂšre imaginaire un troisiĂšme rĂŽle, celui de lâauteur dramaturge, celui qui Ă©crit la piĂšce. On le voit, Marivaux sâamuse beaucoup avec ce dispositif de thĂ©Ăątre dans le thĂ©Ăątre.
Lâeffet comique provient dâabord de la diffĂ©rence entre les deux personnages. Arlequin est distrait, et plutĂŽt mauvais acteur. Il ne prend pas son rĂŽle au sĂ©rieux « ce nâest rien » et il fait des rĂ©pliques trĂšs courtes en rĂ©pĂ©tant les mots de ClĂ©anthis « et moi je vous remercie de vos dispenses ». Selon le jeu de la galanterie, il devrait au contraire refuser ces dispenses et surenchĂ©rir sur les compliments, il se montre maladroit.
Par contraste, ClĂ©anthis est beaucoup plus investie dans son rĂŽle. Elle fait de longues phrases et fait comme si Arlequin jouait bien son rĂŽle « vous me dites des douceurs ». Elle fait semblant de lâinterrompre dans un long discours enflammĂ© « en voilĂ assez » alors que la scĂšne vient de commencer. Ces effets de contraste participent Ă la dimension comique de la scĂšne.
On le voit dans la rĂ©plique de ClĂ©anthis, le thĂšme de la galanterie impose des rĂŽles figĂ©s. Il faut obĂ©ir Ă certaines rĂšgles pour Ă©viter de dĂ©figurer la conversation. Ainsi, lâhomme doit poursuivre la dame de ses assiduitĂ©s « vous vous promenez avec moi » tandis que la femme doit rĂ©sister aux avances. Le lien dâopposition illustre cette rĂ©sistance de façade « mais finissons ». Ces rĂŽles obĂ©issent aux clichĂ©s de la galanterie.
Mais pensez-vous que la jeune femme dispense rĂ©ellement son prĂ©tendant de faire des compliments ? Au contraire, il sâagit dâune maniĂšre coquette de prolonger lâentretien et de rĂ©clamer dâautres flatteries. Les mots signifient lâinverse de ce quâils disent.
Ainsi, « finissons » signifie « continuez », mais Arlequin tombe Ă cĂŽtĂ© et sâempresse dâaccepter ces dispenses comme si câĂ©taient des autorisations Ă©crites. Ce discours implicite qui tombe Ă plat fait bien ressortir tout lâaspect artificiel et futile de cette conversation : il y a une intention moralisatrice dans lâimitation.
TroisiĂšme mouvement :
De la parodie Ă la satire
Cléanthis
Vous m'allez dire que vous m'aimez, je le vois bien ; dites, Monsieur, dites ; heureusement on n'en croira rien. Vous ĂȘtes aimable, mais coquet, et vous ne persuaderez pas.
Arlequin, l'arrĂȘtant par le bras, et se mettant Ă genoux.
Faut-il m'agenouiller, Madame, pour vous convaincre de mes flammes, et de la sincérité de mes feux ?
Cléanthis
Mais ceci devient sĂ©rieux. Laissez-moi, je ne veux point d'affaire ; levez-vous. Quelle vivacitĂ© ! Faut-il vous dire qu'on vous aime ? Ne peut-on en ĂȘtre quitte Ă moins ? Cela est Ă©trange !
Arlequin, riant Ă genoux.
Ah ! ah ! ah ! que cela va bien ! Nous sommes aussi bouffons que nos patrons, mais nous sommes plus sages.
La scĂšne de thĂ©Ăątre dans le thĂ©Ăątre se poursuit, et regardez, les acteurs utilisent des dĂ©monstratifs un peu particuliers : « ceci devient sĂ©rieux ⊠cela est Ă©trange ⊠cela va bien » ces dĂ©monstratifs ne dĂ©signent pas un Ă©lĂ©ment de langage, mais bien la situation jouĂ©e, elle mĂȘme. Câest ce quâon appelle un dĂ©ictique : un pronom qui renvoie Ă la situation dâĂ©nonciation. Les acteurs montrent la scĂšne en mĂȘme temps quâils la jouent.
Dans ce passage, la scĂšne de sĂ©duction est pratiquement surjouĂ©e par les valets. Les didascalies insistent sur les gestes des acteurs, mais pas seulement : les paroles sont aussi trĂšs animĂ©es. ClĂ©anthis se dĂ©tourne avec des liens logiques dâopposition et des tournures nĂ©gatives. Arlequin agit avec vivacitĂ©, ClĂ©anthis joue une certaine Ă©motion visible Ă travers les exclamations qui sont multipliĂ©es. Jusquâau rire final, Arlequin est progressivement ramenĂ© jusquâau sol. Câest une scĂšne rendue comique par cette gestuelle exagĂ©rĂ©e.
Les clichĂ©s de la scĂšne de galanterie sont respectĂ©s : la jeune femme alterne les compliments « vous ĂȘtes aimable » et les reproches « mais coquet ». Les futurs montrent bien quâil sâagit dâĂ©tapes obligĂ©es, prĂ©vues dâavance : « vous allez dire ⊠on ne vous croira pas » le pronom indĂ©fini « on » montre aussi que ClĂ©anthis incarne en fait nâimporte quelle coquette qui se conforme aux codes de la galanterie.
Le prĂ©tendant quant Ă lui utilise les mĂ©taphores consacrĂ©es de lâamour : « la flamme » et « les feux ». Les deux termes sont dâailleurs un peu maladroitement utilisĂ©s coup sur coup. Pour convaincre, il doit se mettre Ă genoux, mais il commente un peu lourdement ce quâil fait « Faut-il mâagenouiller ? ». Le verbe « falloir » utilisĂ© deux fois, rĂ©vĂšle bien que les valets essayent de se conformer Ă des codes sans vraiment se les approprier.
Cette maladresse montre une scĂšne cousue de fil blanc, et fait ressortir tous les artifices de la situation. On dit une chose pour laisser entendre lâinverse, avec les impĂ©ratifs qui sont aussitĂŽt niĂ©s : « dites, Monsieur, dites, heureusement, on nâen croira rien ». Convaincre ne passe pas par des arguments, mais par des gestes convenus dâavance, et qui en soi ne prouvent rien. La caricature par le thĂ©Ăątre est un moyen efficace de corriger les mĆurs par le rire.
On peut imaginer les rĂ©actions dâEuphrosine et Iphicrate qui sont directement interpellĂ©s par Arlequin dans sa derniĂšre rĂ©plique : « Nous sommes aussi bouffons que nos patrons ». Lâadjectif « bouffon » est Ă©trangement mis en parallĂšle avec lâadjectif « sage » : câest en prenant conscience de leur ridicule que les personnages vont Ă©voluer et atteindre une certaine forme de sagesse. Cette petite conclusion morale annonce la suite de la piĂšce, avec des personnages qui auront gagnĂ© en humanitĂ©.
Conclusion
Dans cette scĂšne nous assistons Ă une mise en abyme du thĂ©Ăątre dans le thĂ©Ăątre : les esclaves deviennent des acteurs, les maĂźtres sont des spectateurs. Mais cela va plus loin car les maladresses dâArlequin qui rompent le dispositif, la gestuelle un peu exagĂ©rĂ©e, tout cela contribue au comique de la scĂšne.
Arlequin et ClĂ©anthis sâemparent des clichĂ©s de la galanterie pour montrer toute leur vacuitĂ© : mĂ©taphores surannĂ©es, coquetterie, doubles discours. La naĂŻvetĂ© des esclaves qui tentent de sâapproprier ces codes font ressortir toute lâartificialitĂ© de la situation.
Les maßtres qui assistent à ce tableau prennent conscience de certains défauts : ils perdent leur temps en mondanités frivoles, ils sont éloignés de la simplicité et de la franchise. Et tout simplement, ils manquent de sagesse. On voit déjà que le jeu de rÎle imposé par Trivelin amorce une évolution des comportements des esclaves et des maßtres.
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