Couverture du livre XVIe siĂšcle de Mediaclasse

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Couverture pour XVIe siĂšcle

Les secrets
de l’abbaye de ThĂ©lĂšme



Sur cette page nous abordons ensemble tous les éléments qui permettent de comprendre le projet humaniste de Rabelais, lorsqu'il invente l'abbaye de ThélÚme, dont la description constitue les derniers chapitre de Gargantua.

Introduction



Le XVIe siĂšcle, c’est un siĂšcle de grandes dĂ©couvertes, gĂ©ographiques, techniques, scientifiques, qui bouleversent tous les domaines de la connaissance : la cartographie, l’astronomie, les arts, la mĂ©decine, la botanique, etc.

Tout ce contexte explique les grands dĂ©bats religieux de l’époque : ils rĂ©vĂšlent un grand bouleversement des idĂ©es ! On va voir que notre Abbaye de ThĂ©lĂšme est au cƓur de toutes ces questions


Les penseurs humanistes de l’époque sont Ă  la fois Ă©rudits et croyants. Pour eux, tout est liĂ© : comprendre le monde, c’est dĂ©voiler la crĂ©ation, accĂ©der Ă  la volontĂ© divine, entrer en accord avec son harmonie cachĂ©e
 Et en effet Thelema, dans la Bible, dĂ©signe la volontĂ© de Dieu qui se rĂ©alise chez l’homme.

Maintenant, on comprend mieux comment Rabelais peut imaginer cette abbaye de ThĂ©lĂšme, oĂč chacun a une libertĂ© absolue : « Fais ce que tu voudras ». Cette libertĂ© exceptionnelle repose en fait sur des principes plus profonds qui la rendent possible.

Problématique


Comment Rabelais utilise-t-il cette abbaye de ThélÚme pour mieux nous montrer une liberté qui repose sur des principes humanistes ?

D'abord, Rabelais montre toute l'importance de faire confiance Ă  l'ĂȘtre humain pour l'aider Ă  grandir et Ă  se dĂ©passer. Mais cela n'empĂȘche pas que certaines rĂšgles restent implicite, cela s'explique par l'Ă©ducation qui met en place des normes respectĂ©es par chacun. Enfin, cette libertĂ© permet d'atteindre un idĂ©al humaniste au cƓur duquel rĂšgnent l'art, la littĂ©rature, la culture.

I. Une grande confiance en l’ĂȘtre humain



1. Fais ce que voudras



Ce qui ressort d’abord, c’est que la libertĂ©, dans l’abbaye de ThĂ©lĂšme, n’a pas de limite. Elle remplace toutes les rĂšgles, et constitue mĂȘme la devise de l’abbaye : Fais ce que tu voudras.

Le dĂ©bat est dĂ©jĂ  trĂšs important Ă  l’époque. Par exemple, Saint Augustin Ă©crit de son cĂŽtĂ© : Dilige, et quod vis fac. C’est-Ă -dire : Aime, et fais ce que tu veux.

C’est dĂ©jĂ  une libertĂ© exceptionnelle : Ă  partir du moment oĂč l’on aime, alors on ne peut que faire le bien. Mais Rabelais semble aller encore plus loin, puisqu’il enlĂšve la condition « dilige ».

2. Le libre arbitre



Dans l’abbaye de ThĂ©lĂšme, toutes les rĂšgles sont remplacĂ©es par ce qu’il appelle, le libre arbitre, Ă©coutez :
Toute leur vie était régie non par des lois, des statuts ou des rÚgles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre.

« Le libre arbitre » c’est un grand dĂ©bat philosophique et thĂ©ologique Ă  l’époque. D’un cĂŽtĂ© (notamment pour les Protestants) l’homme est prĂ©destinĂ©, c’est-Ă -dire, vouĂ© Ă  l’avance au paradis ou Ă  l’enfer.

L’Église catholique parle au contraire de « libre arbitre » : Dieu laisse la responsabilitĂ© aux hommes d’agir moralement ou non ; mais par contre, les Ăąmes seront Ă©valuĂ©es lors du Jugement Dernier.

Alors que chez Rabelais, on retrouve ce libre-arbitre, mais c’est surtout une grande confiance accordĂ©e Ă  l’ĂȘtre humain. Ce n’est pas la crainte du Paradis ou de l’Enfer qui guide ses ThĂ©lĂ©mites :
Un aiguillon qu'ils appellent honneur [...] les pousse toujours Ă  agir vertueusement et les Ă©loigne du vice.

3. Un monastĂšre Ă  rebours



Et donc, pour favoriser cette vertu ultime, Rabelais va proposer de construire l’abbaye de ThĂ©lĂšme sur des principes qui sont Ă  l’opposĂ© des monastĂšres de son Ă©poque :
[FrĂšre Jean des Entommeures] pria Gargantua d'instituer son ordre au rebours de tous les autres.

D’abord, les moines font trois vƓux : chastetĂ©, pauvretĂ©, obĂ©issance. Si le libre arbitre les affranchit du devoir d’obĂ©issance, il n’y a pas de raisons pour que les deux autres soient conservĂ©s !
On institua cette rĂšgle que, lĂ , on pourrait en tout bien tout honneur ĂȘtre mariĂ©, que tout le monde pourrait ĂȘtre riche et vivre en libertĂ©.

Ce qui reprĂ©sente le mieux la contrainte, dans les monastĂšres, c’est l’organisation du temps :
On décréta qu'il n'y aurait là ni horloge ni cadran, mais que toutes les occupations seraient distribuées au gré [...] des circonstances.

On comprend mieux maintenant pourquoi Rabelais en veut tant aux cloches des Ă©glises ! Au point d’imaginer l’épisode de la jument de Gargantua, qui dĂ©robe les cloches de Notre-Dame.

Et enfin, ce qui matérialise ces limites temporelles, ce sont... les murs. On va donc imaginer une abbaye
 sans murs !
On la bĂątit en hexagone pour les structures, de telle sorte qu'Ă  chaque angle s'Ă©levait une grosse tour ronde mesurant soixante pas de diamĂštre.

Et c’est lĂ  qu’on dĂ©couvre toute la subtilitĂ© du schĂ©ma : l’absence de murs n’empĂȘche pas une structure cachĂ©e. DerriĂšre cette grande libertĂ© se trouve tout de mĂȘme un ordre implicite !

II. Un ordre implicite



1. Une sélection qui restitue des rÚgles



En rĂ©alitĂ©, on comprend rapidement que la libertĂ© totale que Rabelais donne Ă  ses ThĂ©lĂ©mites dĂ©pend d’une sĂ©lection prĂ©alable. C’est le sens de l’inscription qui se trouve sur le portail de l’abbaye (je vous en donne ici une synthĂšse seulement) :

Ci n’entrez pas, hypocrites, cagots,
Ni vous trompeurs, usuriers et idiots,
Ci n’entrez pas, avares, esprits chagrins
Ni vous, censeurs, scribes et pharisiens !
Mais entrez donc ici, soyez les bienvenus,
Vous nobles chevalier et vous, grands ou menus,
Compagnons aux joyeux visages,
Et vous, dames aux heureux présages.

Honneur et bon temps
Sont ici constants
La bonne parole
Que chacun cajole
Et porte en son sein
En font un lieu saint.


Pas d’hypocrites ni de trompeurs. Pas de vƓu d’obĂ©issance, mais les thĂ©lĂ©mites respectent leur propre parole, c’est-Ă -dire, les rĂšgles qu’ils se sont eux-mĂȘmes fixĂ©es.

Pas d’usuriers, ni d’avares. Pas de vƓu de pauvretĂ©, on verra que l’abbaye de ThĂ©lĂšme est mĂȘme assez luxueuse
 Mais les thĂ©lĂ©mites ne cherchent pas Ă  accumuler les richesses.

Les « dames d’heureux prĂ©sages » Ă©voquent certainement l’idĂ©e que les ThĂ©lĂ©mites peuvent avoir des enfants, donc Ă  priori, pas de chastetĂ©. Mais on comprend plus loin que le mariage coĂŻncide avec la sortie de l’abbaye :
Quand le temps était venu que l'un des Thélémites voulût sortir de l'abbaye, [...] il emmenait avec lui une des dames, [...] et ils étaient mariés ensemble. Et s'ils avaient bien vécu à ThélÚme en affectueuse amitié, ils cultivaient encore mieux cette vertu dans le mariage.

2. Des normes culturelles



Cette mixitĂ© dans un Ă©tablissement religieux
 C’est une idĂ©e bien rĂ©volutionnaire au XVIe siĂšcle ! Mais Rabelais

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⇹ * Rabelais, Gargantua đŸŽžïž L'abbaye de ThĂ©lĂšme (diaporama de la vidĂ©o) *

⇹ * Rabelais, Gargantua 🧠 ExposĂ© sur l'abbaye de ThĂ©lĂšme (texte de la vidĂ©o PDF) *

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