Couverture du livre Le PĂšre Goriot de Balzac

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Couverture pour Le PĂšre Goriot

Balzac, Le PĂšre Goriot
Chapitre I - Le portrait de Vautrin
Explication linéaire



Extrait étudié



Entre ces deux personnages et les autres, Vautrin, l’homme de quarante ans, Ă  favoris peints, servait de transition. Il Ă©tait un de ces gens dont le peuple dit : VoilĂ  un fameux gaillard ! Il avait les Ă©paules larges, le buste bien dĂ©veloppĂ©, les muscles apparents, des mains Ă©paisses, carrĂ©es et fortement marquĂ©es aux phalanges par des bouquets de poils touffus et d’un roux ardent. Sa figure, rayĂ©e par des rides prĂ©maturĂ©es, offrait des signes de duretĂ© que dĂ©mentaient ses maniĂšres souples et liantes. Sa voix de basse-taille, en harmonie avec sa grosse gaietĂ©, ne dĂ©plaisait point. Il Ă©tait obligeant et rieur. Si quelque serrure allait mal, il l’avait bientĂŽt dĂ©montĂ©e, rafistolĂ©e, huilĂ©e, limĂ©e, remontĂ©e, en disant : Ça me connaĂźt. Il connaissait tout d’ailleurs, les vaisseaux, la mer, la France, l’étranger, les affaires, les hommes, les Ă©vĂ©nements, les lois, les hĂŽtels et les prisons. Si quelqu’un se plaignait par trop, il lui offrait aussitĂŽt ses services. Il avait prĂȘtĂ© plusieurs fois de l’argent Ă  madame Vauquer et Ă  quelques pensionnaires ; mais ses obligĂ©s seraient morts plutĂŽt que de ne pas le lui rendre, tant, malgrĂ© son air bonhomme, il imprimait de crainte par un certain regard profond et plein de rĂ©solution. À la maniĂšre dont il lançait un jet de salive, il annonçait un sang-froid imperturbable qui ne devait pas le faire reculer devant un crime pour sortir d’une position Ă©quivoque. Comme un juge sĂ©vĂšre, son Ɠil semblait aller au fond de toutes les questions, de toutes les consciences, de tous les sentiments. Ses mƓurs consistaient Ă  sortir aprĂšs le dĂ©jeuner, Ă  revenir pour dĂźner, Ă  dĂ©camper pour toute la soirĂ©e, et Ă  rentrer vers minuit, Ă  l’aide d’un passe-partout que lui avait confiĂ© madame Vauquer. Lui seul jouissait de cette faveur. Mais aussi Ă©tait-il au mieux avec la veuve qu’il appelait maman en la saisissant par la taille, flatterie peu comprise ! La bonne femme croyait la chose encore facile, tandis que Vautrin seul avait les bras assez longs pour presser cette pesante circonfĂ©rence. Un trait de son caractĂšre Ă©tait de payer gĂ©nĂ©reusement quinze francs par mois pour le gloria qu’il prenait au dessert. Des gens moins superficiels que ne l’étaient ces jeunes gens emportĂ©s par les tourbillons de la vie parisienne, ou ces vieillards indiffĂ©rents Ă  ce qui ne les touchait pas directement, ne se seraient pas arrĂȘtĂ©s Ă  l’impression douteuse que leur causait Vautrin. Il savait ou devinait les affaires de ceux qui l’entouraient, tandis que nul ne pouvait pĂ©nĂ©trer ni ses pensĂ©es ni ses occupations. Quoiqu’il eĂ»t jetĂ© son apparente bonhomie, sa constante complaisance et sa gaietĂ© comme une barriĂšre entre les autres et lui, souvent il laissait percer l’épouvantable profondeur de son caractĂšre. Souvent une boutade digne de JuvĂ©nal, et par laquelle il semblait se complaire Ă  bafouer les lois, Ă  fouetter la haute sociĂ©tĂ©, Ă  la convaincre d’inconsĂ©quence avec elle-mĂȘme, devait faire supposer qu’il gardait rancune Ă  l’état social, et qu’il y avait au fond de sa vie un mystĂšre soigneusement enfoui.


Introduction



Les personnages balzaciens portent en eux une certaine quantitĂ© d’énergie, une force de la volontĂ©, qui s’épuise si elle est mal utilisĂ©e. C’est un principe mĂ©taphysique qui va teinter le rĂ©alisme de Balzac d’une certaine couleur fantastique. C’est notamment cette idĂ©e qui fonde la mĂ©taphore de La Peau de Chagrin, oĂč les dĂ©sirs exaucĂ©s rĂ©duisent progressivement l’énergie vitale, et donc la longĂ©vitĂ©, de celui qui la possĂšde.

Le pĂšre Goriot est l’un de ces personnage qui s’épuise et s’éteint dans la quĂȘte impossible de contenter ses filles.
Vautrin quand Ă  lui est l’un de ces personnages dotĂ©s d’une Ă©nergie formidable. Avec son air jovial, ses favoris peints et son gros rire, il parvient Ă  cacher Ă  tout le monde sa vĂ©ritable nature, beaucoup plus sombre et inquiĂ©tante. Ainsi, le portrait qu’en fait Balzac au dĂ©but du pĂšre Goriot est parsemĂ© d’indices rĂ©vĂ©lant au lecteur toute l’ambiguĂŻtĂ© de ce personnage, au passĂ© trouble.

Problématique


Comment, Ă  travers ce portrait de Vautrin, le narrateur nous invite-t-il Ă  regarder au-delĂ  des apparences pour saisir Ă  la fois la profondeur d’un personnage, la satire d’une sociĂ©tĂ©, et les prĂ©misses d’une intrigue romanesque ?

Axes de lecture pour un commentaire composé


> Un portrait oĂč tout est liĂ© : description physique, morale, et anecdotes.
> Un personnage dont le passé énigmatique transparaßt dans ses connaissances.
> Une fausse naïveté du narrateur, qui nous invite à une restituer les liens de cause à conséquence.
> Les stratĂ©gies d’un personnage prĂȘt Ă  tout pour parvenir Ă  ses fins.
> Un personnage qui aura un rÎle important dans le parcours initiatique du jeune Rastignac, notamment par sa lucidité.



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Portrait imaginaire de Vautrin d'aprĂšs une Ɠuvre de CĂ©zanne.

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