Couverture du livre L'Étranger de Camus

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Couverture pour L'Étranger

Commentaire linéaire
du chapitre 6 de la premiĂšre partie
de L’Étranger d’Albert Camus



Extrait étudié



J'ai pensĂ© que je n'avais qu'un demi-tour Ă  faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante de soleil se pressait derriĂšre moi. J'ai fait quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougĂ©. MalgrĂ© tout, il Ă©tait encore assez loin. Peut-ĂȘtre Ă  cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La brĂ»lure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. C'Ă©tait le mĂȘme soleil que le jour oĂč j'avais enterrĂ© maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brĂ»lure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais que c'Ă©tait stupide, que je ne me dĂ©barrasserais pas du soleil en me dĂ©plaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l'Arabe a tirĂ© son couteau qu'il m'a prĂ©sentĂ© dans le soleil. La lumiĂšre a giclĂ© sur l'acier et c'Ă©tait comme une longue lame Ă©tincelante qui m'atteignait au front. Au mĂȘme instant, la sueur amassĂ©e dans mes sourcils a coulĂ© d'un coup sur les paupiĂšres et les a recouvertes d'un voile tiĂšde et Ă©pais. Mes yeux Ă©taient aveuglĂ©s derriĂšre ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive Ă©clatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette Ă©pĂ©e brĂ»lante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est alors que tout a vacillĂ©. La mer a charriĂ© un souffle Ă©pais et ardent. Il m'a semblĂ© que le ciel s'ouvrait sur toute son Ă©tendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon ĂȘtre s'est tendu et j'ai crispĂ© ma main sur le revolver. La gĂąchette a cĂ©dĂ©, j'ai touchĂ© le ventre poli de la
crosse et c'est lĂ , dans le bruit Ă  la fois sec et assourdissant, que tout a commencĂ©. J'ai secouĂ© la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais dĂ©truit l'Ă©quilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage oĂč j'avais Ă©tĂ© heureux. Alors, j'ai tirĂ© encore quatre fois sur un corps inerte oĂč les balles s'enfonçaient sans qu'il y parĂ»t. Et c'Ă©tait comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.



Introduction



C’est l’extrait cĂ©lĂšbre et controversĂ©, oĂč le personnage principal, Meursault, tue un arabe sur la plage.

Pour comprendre notre extrait, il faut savoir que Meursault est ami avec Raymond, un proxĂ©nĂšte qui est en conflit avec des arabes, Ă  cause d’une fille. Bref, il se trouve au milieu d’une affaire pas trĂšs nette. À l’occasion d’une sortie Ă  la plage, ils croisent le groupe d’Arabes. Meursault dĂ©sarme Raymond, justement pour Ă©viter un accident, et ils s’en vont. Mais plus tard, il se retrouve seul sur la plage et il voit de loin l’un des arabes, qui est seul lui aussi.

Tous les Ă©lĂ©ments du drame sont en place. Le lecteur va assister au coup de feu qui semble provoquĂ© par des raisons confuses, Ă  cause de la chaleur, du soleil, peut-ĂȘtre Ă  cause de la fatalitĂ©. Comme d’habitude, Meursault paraĂźt Ă©tranger Ă  ce qui se passe autour de lui, comme dĂ©nuĂ© de volontĂ©. Et pourtant, il tirera encore 4 coups de feu sur le corps inerte. C’est sans doute le moment du roman ou le sentiment d’absurditĂ© est le plus fort.

Problématique


Comment cette scĂšne de basculement pose-t-elle la question de la culpabilitĂ© de Meursault en provoquant chez le lecteur le sentiment de l’absurde ?

Axes de lecture pour un commentaire composé


> Le soleil et les Ă©lĂ©ments naturels sont complices du meurtre qui va ĂȘtre commis.
> L’enchaĂźnement logique des causes et des consĂ©quences amĂšne le rĂ©cit jusqu’à un point du basculement.
> La fatalité en marche fait référence à la tragédie, et pose la question de la culpabilité de Meursault.
> Cette culpabilitĂ© est d’abord remise en cause par le point de vue interne qui apparente son geste Ă  de la lĂ©gitime dĂ©fense.
> En effet, subjectivement, ce sont des perceptions douloureuses qui le rendent aveugle et prĂ©cipitent l’action.
> Meursault Ă©volue vers une vĂ©ritable prise de conscience qui l’amĂšne Ă  accepter l’absurditĂ© du monde.
> Notre passage prĂ©pare la condamnation de Meursault, coupable aux yeux de la sociĂ©tĂ© d’avoir enterrĂ© sa mĂšre avec un cƓur criminel.
Premier mouvement : ÉlĂ©ments dĂ©clencheurs du meurtre



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